Celles qu'on tue (Patricia Melo)
Année du Brésil en France oblige, je me suis intéressé à "Celles qu'on tue" de Patrica Melo.
Sorti en 2023, ce neuvième roman de la célèbre écrivaine brésilienne se concentre sur le travail d'une jeune avocat de São Paulo qui se rend dans le petit état d'Acre au Nord-Est du Brésil pour couvrir le procès de trois assassins d'une jeune indienne nommée Txupira.
En réalité, l'avocate dont la mère a été assassinée par son père, est obsédée depuis longtemps par les meurtres des femmes qu'on qualifie aujourd'hui dans nos sociétés modernes de "féminicides" et tient une macabre comptabilité de tous les meurtres abominables commis dans la société brésilienne.
Il apparait donc que la femme est l'exutoire de certains hommes : si les femmes sont souvent tués au moment d'une rupture, certains meurtres sont beaucoup plus banals avec des motifs le plus souvent au premier abord dérisoire : alcool, contrariété professionnelle, dispute ménagère, suspicion d'adultère...reviennent très souvent dans la bouche des criminels pour justifier leur acte.
Mais comme elle va le découvrir, la justice brésilienne se montre particulièrement faible pour condamner les tueurs, surtout quand dans le cas de Txupira, il s'agit de trois fils de notables, des grandes familles ayant contribué à l'expansion de ce petit état convoité par la Bolivie voisine.
Avec le soutien de Carla, une avocate "grande gueule" paulista comme elle, l'avocate va tenter d'obtenir justice avant de comprendre que les jurés et même certains témoins ont été achetés.
La diffusion d'une photo compromettante dans un journal local aboutit à l'effet inverse, l'opinion continue de soutenir les notables et Rita, la journaliste l'ayant publiée est assassinée.
Paulo l'ami de Carla doit même intervenir pour mettre fin à une tentative d'intimidation des trois jeunes hommes dans une discothèque.
En parallèle, l'avocate se rapproche des coutumes indiennes Kuratawa. Elle goute à l'ayahuasca, et se met à développer de puissantes rêveries (ou fantasmes) dans lequel une confrérie de femmes, les Icamiaba, nourrissent des plans pour traquer et éliminer les tueurs de Txupira.
Finalement la réalité rattrape le rêve lorsque les trois hommes sont retrouvés morts, mais Carla est également tuée peu après
La mort des notables active la police qui finit par identifier un meurtrier, avant que Paulo ne se livre.
Il déclare à l'avocate avoir voulu liquider les notables pour les protéger car il les savait menacées de mort puis avoir tué Carla dans une dispute...
La découverte fortuite du téléphone de Txupira dans la poche de la veste de Carla se montre décisive puisqu'une vidéo enregistrée dans la jungle démontre l'implication des trois hommes dans le trafic de drogue.
Cette information pèsera lourd dans le dossier vis à vis de la réputation des trois hommes, complètement blanchis par la justice locale.
En conclusion, "Celles qu'on tue" est un livre brillant sur un sujet d'actualité particulièrement sensible :e les crimes contre les femmes.
Ce phénomène mondial est ici accentué parce que la société brésilienne en générale est plus violente et en particulier à Acre, petit état du bout du monde entre l'Amazonie, la Bolivie et la Colombie avec tout ce que cela implique comme "Far west" local.
Dans ce cadre, "Celles qu'on tue" fait mal et se montre souvent insoutenable surtout lorsqu'on réalise l'effrayant banalité des tortures et des meurtres de femme souvent par le mari, l'amant voir le père de la victime.
Dans ce climat moite, étouffant du bout d'un monde ou tout le monde se connait, faire justice à une petite indienne de 15 ans enlevée, violée, mutilée et tuée par trois fils de notable demeure un exercice à hauts risques et rapidement la protagoniste bascule dans un monde quasi mystique invoqué par les divinités forestière de la culture indienne pour rendre une justice, définitive lorsqu'elle comprend que celle des hommes sera par nature biaisée.
Entre roman social, polar et œuvre mystique, "Celles qu'on tue" combine toutes les qualités (fond et forme) d'un grand roman, qui malheureusement a tendance à catégoriser tous les hommes en potentiels prédateurs/tueurs à l'image d'Amir l'amant idéal de l'héroine qui devient un violent harceleur ensuite...
Ce commentaire est le seul bémol à cette grande œuvre !
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