Qatar papers, comment l'Emirat finance l'islam de France et de d'Europe (Christian Chesnot, Georges Brunot)

 



Après la Coupe du monde de football en 2022 et les scandales impliquant la vice-présidente de l'Union européenne Eva Kaili, j'ai eu envie de m'intéresser au mode de fonctionnement du Qatar en lisant « Qatar papers, comment l’Émirat finance l'islam de France et de d'Europe ».

Dans ce livre publié en 2019, les spécialistes du Moyen-Orient Christian Chesnot et Georges Malbrunot ont mené une enquête sur plusieurs années afin de comprendre les stratégies utilisées par le Qatar pour développer son influence.

Au centre de ce travail, l'ONG Qatar charity, qui bien qu'officiellement indépendante, œuvre en réalité main dans la main avec le régime qatari pour financer des projets liés à l'Islam dans l'Europe.

L'augmentation des musulmans en Europe pose en effet un défi dans pratiquement toutes les villes de grande taille : l'accès légitime à des lieux de culte décents.

Mais alors qu'en France et dans la plupart des autres pays, l'Etat ne peut financer les projets religieux, intervient alors un mécanisme complexe dans lequel les associations locales font appel à des cotisations en vertu d'un des piliers de l'Islam ordonnant l’aumône (zakat).

Ces cotisations sont en réalité insuffisantes pour mener à bien des projets immobiliers d'envergure comme la construction de mosquées et la tentation est alors grande pour les associations de faire appel aux financements étrangers.

Si l'Arabie saoudite et le Koweït sont également cités, la cible de ce livre est bel et bien le Qatar, petit pays de 2,68 millions d'habitants, tirant sa richesse de ses ressources naturelles (gaz et pétrole).

Documents et témoignages à l'appui, le couple de journaliste parvient à mettre en évidence la stratégie globale du Qatar de diffuser un Islam rigoriste influencé par les Frères musulmans en finançant la construction de mosquées accompagnées de lieux de vie : bibliothèques, café, salles de gym, cabinets médicaux et même centres commerciaux !

A travers ses réalisations se chiffrant à plusieurs millions, le Qatar entend bien contribuer à créer des espaces communautaires constituant de véritables sociétés parallèles régies par la charia islamique.

Malgré les dénégations des principaux bénéficiaires, les preuves s'accumulent et laisse apparaître une stratégie de conquête à l'échelle européenne avec en première ligne l'Italie, la France et l'Allemagne.

Usant de complexe montage financiers et de société écran, les Qataris n'ont aucun mal à berner des élus locaux souvent mal informés mais également complaisant afin de flatter l'électorat musulman local.

Interrogés, les Qataris se montrent fuyant et pratiquent un double langage à la mécanique parfaitement maitrisée : rassurer les politiques en prônant le respect des lois républicaines et une ouverture vers l'autre en surface, tout en construisant les bases d'un Islam rigoriste prenant en charge le musulman de sa naissance à sa mort.

Une fois la démonstration achevée, le livre se conclut par une note montrant la prise de conscience après les attentats de 2015 certes tardive du pouvoir politique en France, après des années de complaisance sous l'ère Sarkozy-Hollande.

Macron se montre donc plus ferme avec le Qatar que ses prédécesseurs et exige de ce pays « partenaire » une plus grande transparence dans ses financements. Pourtant malgré un accord de principe entre les deux nations, le chemin vers un contrôle plus strict paraît encore bien long.

En conclusion, « Qatar papers, comment l’Émirat finance l'islam de France et de d'Europe » est un livre-enquete qui égrène de manière assez fastidieuse les preuves appuyant sa théorie : courriers interceptés, notes des renseignements généraux et liens vers vidéos ou articles.

Malgré sa forme quelque peu rébarbative, il permet de mieux comprendre la stratégie de « soft power » de ce petite pays riche, qui base son influence sur la diffusion d'un Islam rigoriste influencé par les Frères musulmans égyptiens ayant trouvé refuge en son sein après leurs persécutions.

Cet Islam non violent, éloigné des « djihadistes » salafistes responsables d'actes terroristes spectaculaires, développe une stratégie d'infiltration progressive dans les rouages des pays « cibles » que sont les pays européens.

Par l'argent, le Qatar obtient l'influence et parvient à s'implanter dans plusieurs grande villes françaises et européennes en finançant la constructions de « centres islamiques » : mosquées, lycées, écoles de formation des imams...

Plus feutrée, la menace d'érosion de la société française n'en existe pas moins, avec l'émergence d'un Islam plus replié sur lui-meme, s'éloignant du modèle français laïc, égalitaire et démocratique.

Sur le fond manquent à cet ouvrage une analyse plus globale des investissements « non islamiques » qataris avec des clubs de foots, des stades ou des hôtels, des liens avec des dirigeants politiques de premiers plan dont on peut soupçonner que la complaisance ait été acheté et enfin l'ultime scandale de la commission européenne, elle aussi infiltrée par le Qatar.

Un livre instructif donc mais foncièrement incomplet !

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