La tyrannie du divertissement (Olivier Babeau)

 



Sorti en 2023, « La tyrannie du divertissement » est un essai de l'enseignant-chercheur Olivier Babeau.

« La tyrannie du divertissement » débute son propos par un long exposé sur l'évolution des loisirs au cours de l'Histoire de l'Humanité.

On y apprend que les chasseurs-cueilleurs des premiers temps travaillaient globalement assez peu, environ 5heures par jour, se reposaient beaucoup et occupaient l'essentiel de leurs loisirs par des activités de groupe.

Lorsque l'Homme se sédentarise avec l'apparition de l'agriculture, il perd paradoxalement sa relative liberté et devient peu à peu l'esclave de sa terre. Pratiquement jusqu'à la révolution industrielle, les agriculteurs et éleveurs mènent un travail harassant avec des journées à rallonge.

Pourtant dans les campagnes, le loisir existe aussi : il est consacré aux fêtes, religieuses, saisonnière locales ou corporatistes et les nombreux jours « fériés » ou la préparation de ceux-ci relativise la dureté du travail qui fait perdre 12 cm en taille en raison de la pénibilité des taches accomplies.

L'élite a certes des taches moins pénibles physiquement à accomplir, mais alors que les Grecs et les Romains aisés occupent leur temps libre à la l'étude pour se perfectionner et atteindre l'excellence, les aristocrates du Moyen-Age et de la Renaissance l'occupent à d'éreintantes taches de représentations (fêtes, bals).

La révolution industrielle du XIXieme siècle marque un tournant. Les ruraux troquent leur vie harassante des champs contre une autre forme d'asservissement dans les usines, mais le pouvoir passe des aristocrates oisifs aux bourgeois qui réussissent en affaires.

Les notions de travail et de mérite deviennent alors associés à la réussite essentiellement matérielle.

Ce basculement est encore vrai aujourd'hui tant les plus grandes fortunes mondiales ont été bâties par des hommes d'affaires plutot que de grands héritiers.

Mais comme l'explique Babeau, aujourd'hui la notion de travail ne suffit plus à réussir, en effet la part prise par le loisir est devenu conséquente, avec une inversion des priorités pour certains.

Le loisir devient donc l'activité la prédominante de nos vies mais alors que les élites attachent une importance toujours vivace à l'utiliser pour se développer, les plus pauvres se laissent dévorer par le divertissement.

Cette industrie du divertissement venue principalement des États-Unis a en effet envahie nos vies et notre temps disponible est aujourd'hui majoritairement accaparé par les écrans.

Dans cette lutte sans merci pour capter l'attention, les GAFAM se taillent la part du lion et leurs algorithmes d'une redoutable efficacité œuvrent pour tenir captif les humains ne disposant pas de suffisamment de ressources pour leur résister.

Le résultat est un abêtissement de masse alors qu'Internet pourrait être un formidable outil d'accès à la connaissance. Cependant les élites prennent garde à se préserver et préserver leur progéniture de l'influence néfaste des écrans...

Pour conclure cet ouvrage assez pessimiste, Babeau milite pour un meilleur encadrement du temps des enfants devant les écrans et d'intervenir pour sélectionner des contenus éducatifs à haute valeur ajoutée.

En conclusion, « La tyrannie du divertissement » est un ouvrage assez austère et franchement pessimiste...

La première partie sur l'évolution des loisirs au sein de l'Humanité est intéressante mais un peu longue à mon goût...avant d'arriver à ce constat mainte fois exposé : la prise de pouvoir des GAFAM sur notre temps de loisir par le biais du numérique.

Si le raisonnement est bien amené avec toute la rigueur d'un chercheur, les solutions sont elles assez simples voir simplistes et demandent à mes yeux une auto-discipline aujourd'hui assez exceptionnelle pour se tenir à distance des pièges du numérique.

Il est clair cependant qu'il existe une fracture numérique entre les élites qui se préservent des écrans pour se cultiver et ainsi préserver leur domination et les couches les plus pauvres, gavées d'écran du jour au soir avec pour conséquence un abêtissement prononcé.

Et pour inverser le phénomène, il n'y a actuellement aucune solution viable à moins rendre "éthiques"  "éducatifs" culturels" les algorithmes pullulant sur Internet, ce qui n'est clairement pas le but des grandes compagnies d'informatique !

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