Pour une histoire de la guerre d'Algérie (Guy Pervillé)
Alors que les relations diplomatiques ente l'Algérie et la France sont au plus mal, j'ai voulu me documenter sur l'origine de cette plaie, la guerre d'Algérie, avec « Pour une historie de la guerre d'Algérie » ouvrage sorti en 2002 de Guy Pervillé chercheur au CNRS et grand spécialiste du sujet.
Dès le XIXieme siècle on comprend le désir d'expansion de la France, l'Algérie par sa proximité étant l'endroit jugé idéal pour recevoir l'excédent suppose de la population française.
La colonisation de l'Algérie se veut donc au départ comme une volonté d'expansion de colons agriculteurs...
Lorsqu'en 1830, la décision est prise d'enlever ce territoire sous domination Turque, l'enthousiasme de la conquete militaire est à son comble.
Le sultant Hussein Dey puis l'émir Abdelkeder doit céder face aux troupes françaises enmenées par le général de Bourmont, qui doit en outre « pacifier » les ilots de résistances des tribus berbères.
Les lois promulguées attribuent de manière très favorables les meilleures terres aux colons et font des indigènes des citoyens de seconde classe.
Mais comme l'analyse Pervillé assez rapidement, on comprend que les estimations initiales se sont lourdement trompées et que la dynamique démographique en France ne permet pas un colonisation massive comme escomptée.
Pire, les premiers colons meurent rapidement du fait du climat rude ou repartent purement et simplement en métropole. D'un autre coté, la dynamique démographique des arabes fait que l'équilibre tourne toujours en défaveur des colons, qui demeurent majoritairement citadins.
Même les exploitants agricoles rechignent à employer des indigènes, car réputés peu fiables, voir dangereux, préférant lorsque possible employer d'autres migrants européens, italiens, grecs ou espagnols.
Le politique d'assimilation voulue par la France ne fonctionne pas non plus : les Arabes majoritairement musulman refusent de renier leur religion et leurs coutumes tribales.
Seule une élite infime composée de fonctionnaires ou militaires accepte de se « franciser ».
Exception notable, les Juifs d'Algérie, traditionnellement persécutés, s'assimilent massivement dans le but de changer leur condition.
Pourtant les troupes « indigènes » contribuent aux deux guerres mondiales et paye également un lourd tribu humain en allant combattre les Allemands et leurs « frères » musulmans turcs.
Malgré cela, la France, pays étranger non musulman n'accède à aucune légitimité et des mouvements nationalistes finissent par se constituer dans la clandestinité.
Après un premier soulèvement le 8 mai 1945 avec les massacres d'Européens à Sétif qui déclencha une répression sanglante des forces de l'Ordre, le FLN lance une insurrection en 1954.
C'est le début d'une guerre qui va taire son nom, la France refusant de l'appeler comme tel et de fait d'appliquer les Conventions de Genève.
Le FLN va pratiquer une politique de terreur contre les colons mais également contre les Algériens. Pour gagner tous les moyens sont bons ou presque : enlèvement, torture, mutilations, attentats terroristes ciblant des civils etc...
En retour, l'armée française réplique avec la même violence, pratiquant enlèvements et torture.
Rappelé au pouvoir, le Général de Gaulle évalue avec précaution cette situation explosive et malgré les succès militaires français ayant mis en repli le FLN notamment après la bataille d'Alger, comprend que le sens de l'Histoire conduit à l'Indépendance.
Après des négociations complexes, on aboutit en 1962 aux accord d’Évian, qui ne seront jamais appliqués par le FLN qui continuera sa politique sanglante de terreur pour éliminer les « harkis » bien mal récompensés de leur fidélité à la France et forcer les Européens à quitter le pays.
En réponse à cela, l'OAS crée par le général Da, pratiquera la même politique de violence que le FLN contre l'opinion de De Gaulle.
La conclusion sera douloureuse pour tous, « pieds noirs », « harkis » « martyrs »...
Assez habilement Pervillé établit un point commun avec la guerre civile de 1992, en la voyant comme une conséquence de la mauvaise administration du FLN incapable de redresser économiquement le pays et nourrissant un culte malsain pour la virilité et la violence, ce qui ouvrit la voix à l'autre violence du terrorisme islamique cette-fois.
En conclusion, malgré son format tout en long peu commode à lire, « Pour une histoire de la guerre d'Algérie » est un ouvrage sérieux, très bien documenté qui permet de comprendre les rouages du processus de colonisation de l'Algérie, de l'échec de l'assimilation d'un population arabophone et musulmane, puis de sa révolte face à des lois disproportionnées la reléguant à un statut inférieur.
La guerre elle-même est décrite avec son horreur et sa violence peu commune, Pervillé renvoyant dos-à-dos les pratiques du FLN et de l'armée française, puis celles encore plus violentes de l'OAS.
Le bilan sera une catastrophe avec un exil des « pieds-noirs » algériens de naissance, le massacre des « harkis » et la saignée dans la population algérienne avec des familles décimées par les exactions diverses...
Avec sa gestion brutale et son attitude revendicative vis-à-vis de la France, le pouvoir algérien a entretenu ensuite une relation peu apaisée avec son ancien maitre, sans prendre ses responsabilités vis-à-vis d'une jeunesse désespérée, se retournant soit vers l'islamisme soit vers l'émigration vers...la France dans l'espoir d'une vie meilleure.
Sans effort de part et d'autre de repartir sur des bases nouvelles et saines comme le voulaient les accords d’Évian (qui promulguaient une amnistie pour les belligérants), les fantômes de la Guerre d'Algérie continuent d'empoisonner la relation entre les deux pays.
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