Les nouveaux chiens de guerre (Kamal Redouani)

 



Spécialiste des questions de terrorisme et des pays arabes, le journalisme marocain Kamal Redouani sort en 2023 « Les nouveaux chiens de guerre ».

Dans cet ouvrage assez court, Redouani explique comment à force de patience, de ténacité et d'une bonne dose de courage, il est parvenu à établir l'existence de société de sécurité privée, appelée aujourd'hui SMP sur tous les théâtres de guerre récents.

Les Américains les premiers ont crée Blackwater au début des années 2000, sous l'influence d'Eric Prince, ex commando proche des plus hautes sphères politiques républicaines pour s'engouffrer dans ce nouveau marché crée par l'implication des États-Unis en Afghanistan et en Irak.

Mais rapidement, ces sociétés de mercenaires (généralement formés d'anciens militaires) qui devaient se cantonner à surveiller des sites ou escorter des convois logistiques dépassent leurs prérogatives initiales et dans un contexte d'ultra violence rythmé par le quotidien des attentats, dérapent en assassinant des civils.

Si Obama dissout l’embarrassante société, ceci n’arrête pas la formidable carrière de Prince qui n'hésite pas à vendre des services aux plus offrants, Chine compris avec Black shield chargée de « sécuriser » les routes de la soie.

Profitant d'un vide juridique, les SMP ne suivent pas les règles du droit international et commencent à réaliser le « sale boulot » des états de premier plan sans s'impliquer officiellement.

Aujourd'hui sous les feux de l'actualité avec le conflit urkainien, la société Wagner a été poussée par Poutine en personne, jusqu'à devenir le bras armé de la Russie dans les pires opérations de guerre avec des résultats mitigés : décisifs en Syrie et en Centrafrique, plus en difficulté en Libye et en Ukraine.

Collectant le témoignage d'anciennes recrues syriennes de Wagner poussées par la misère et le désespoir dans les bras du mercenariat, Redouani n'hésite pas à comparer les horreurs commises par ces mercenaires à ceux de Daesh, pourtant maitre étalon dans le registre de l'horreur.

La Libye qui plus de dix ans après la chute de Kadhafi n'en finit plus de se déliter dans une guerre civile est également le terrain de chasse de Sadat, SMP turque enrôlant elle aussi des recrues syriennes comme Wagner mais également des soudanais, dupés et forcés à combattre...

Redouani met en avant ses anciens soldats, attirés par le bon salaire versé à leur famille ou simplement enrôlés de force ainsi que les courageux membres de la société civile collectant inlassablement les preuves des massacres et des tortures sans aucune garantie d'obtenir gain de cause au niveau de la communauté internationale.

En conclusion, alléchant sur le papier, « Les nouveaux chiens de guerre » laisse un parfum final d'insatisfaction.

Redouani effectue certes un travail d'utilité publique mais on a davantage l'impression de lire une version écrite d'un reportage télévisé c'est à dire plus centré sur un travail assez succinct qu'un livre construit sur un travail de fond.

Les témoignages d'anciens mercenaires sont certes précieux mais ils contribuent à garder le récit au niveau de parcours individuels...

Alors certes à la fin du livre on a acquis la certitudes que les SMP sont présentes dans les zones les plus « sales » du globe et pillent/torturent/massacrent en toute impunité des pays affaiblis et déchirés par des années de guerre mais on se dit que les faibles espoirs de rendre une justice internationale paraissent ben dérisoires lorsque ses armées privées sont financées par les plus grandes puissances mondiales.

Et si la France se refuse pour l'instant à employer de tels procédés, on peut se demander, à l'instar des débats éculés sur les drones armés, jusqu'à quand ce verrou éthique tiendra-t-il ?

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