In bed (Lydia Frost, Kalonji)
Printemps oblige, voici dans un domaine beaucoup plus léger, l’érotisme de « In bed » de Lydia Frost (scénario) et Kalonji (dessins).
Sorti en 2014, « In bed » narre de façon sensuelle la relation adultère entre un homme Luka et une femme Rachel en plein centre de Manhattan.
Les protagonistes sont deux jeunes actifs urbains, lui est un cadre supérieur, elle une écrivain, tous deux ont une famille, pour lui sa femme Julia, pour elle son mari Henry, et leurs deux enfants.
Sur fond de rock music (The kills, Black keys, Queens of the stone age) qu’écoute Rachel en permanence, l’histoire se construit après un premier rendez vous clandestin dans un hôtel cossu près de Central park.
Les deux amants paraissent absents et peinent à donner le change à leurs proches, surtout Luka déstabilisé par une soirée surprise chez lui ou le retrouvent ses amis.
Il accumule gaffes sur gaffes, se trompe sur les prénoms, sert du vin à une femme enceinte et reçoit les piques de son ami John qui se doute d’une liaison.
Lorsque Julia parle ouvertement de son désir de maternité et des traitements hormonaux qu‘elle va s‘administrer, Luka comprend qu’il se ment à lui-même et qu’il ne souhaite pas avoir d’enfants avec elle.
Tout à ses rêves érotiques, Luka revit par flashs particulièrement explicites son après midi à tel point qu’il lui est impossible de faire l’amour avec Julia, qui met cela sur le compte de la fatigue ou du stress.
Le constat est le même pour Rachel qui refuse que son mari la rejoigne dans son bain et fuit le contact direct au lit, préférant rêver à son amant.
De son coté, Julia qui travaille dans le milieu de la peinture, se confie à sa meilleure amie Angela, qui met en lumière les oppositions évidentes entre Luka et elle.
Poussée par Angela, Julia décide d’accepter un rendez vous avec un inconnu qui a griffonné son numéro de téléphone sur une carte de visite.
Dans un Manhattan plus vivant que jamais, Julia se laisse emporter avec délice dans le tourbillon de la séduction, acceptant un verre, puis un diner, puis une sortie en club pour terminer dans sa galerie d’art par une relation sexuelle que l’homme refuse finalement.
Les choses se passent moins bien pour Luka qui exprime son mécontentement face au choix de Rachel de passer quelques jours dans un chalet de montagne isolée en pleine foret.
Après avoir mis sa mauvais humeur de coté devant la splendeur des paysages, Luka crie le nom de sa femme pendant l’amour ce qui rompt immédiatement le charme.
Le couple illégitime se sépare en écourtant son escapade romantique.
De retour chez lui, Luka est exécrable avec sa femme et quitte le domicile conjugal pour dormir quelques jours chez son ami John, pensant ainsi faire pression à tort sur Julia.
Rachel tombe aussi sur sa famille rentrée plus tôt et se trouble.
Elle aussi confie à Jane son besoin de quitter la routine de la vie conjugale, l’excitation du risque…sans remettre en cause son mariage.
Le monde de Luka vacille en revanche puis explose, lorsqu’il réalise le manque qu’il éprouve sans Rachel, qu’il essuie les remarques de sa hiérarchie devant ses absences ou son manque d’entrain et que finalement Julia le quitte, profitant pour emménager dans un bel appartement que lui prête un couple d’ami à Soho.
On laisse donc Luka prostré sur son lit avec la lettre de rupture de Julia…
En conclusion, « In bed » est une bande dessinée pour adultes traitant d’un sujet difficile car profondément immoral même si incroyablement commun : l’adultère.
L’aspect psychologique est admirablement bien vu avec la déconnexion de leur monde habituel des deux amants, tout étourdis par le gout enivrant de la nouveauté et de l’interdit de leur relation clandestine.
Sans parler du poids du remord, on ressent tout de même de manière indirecte le mal être ou la souffrance des protagonistes vis-à-vis de leurs proches, avec les mensonges, les dérobades, les sourires de façade et les cadeaux de compensation (bouquet de fleur) spectaculairement offerts.
La peur de la paternité pour l’homme, l’étouffement de la routine pour la femme, chacun se débat avec ses propres raisons, aussi mauvaises soient elles.
On appréciera la manière dont l’histoire se retourne pour la femme légitime de l’amant, qui trouve en elle la force et la lucidité de s’arracher à une situation malsaine, retrouve son indépendance et connait à nouveau le charme (même fantasmé) de la séduction.
Mais plus que son scénario fin et subtil, « In bed » attire par la superbe qualité graphique de Kalonji, qui dans un style dépouillé en noir et blanc, crée une œuvre d’une grande puissance érotique ou les actes sexuels (fellations, cunnilingus, pénétrations) sont exécutés par des corps masculins athlétique et féminins voluptueux, avec pour cadre la magie du centre de New-York, temple de la branchitude citadine.
Une belle œuvre donc aussi bien sur le fond que la forme, à réserver à un public esthète et averti…
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