Le nageur (Pierre Assouline)

 



Sorti en 2023, « Le nageur » est une biographie de Pierre Assouline consacrée au nageur Alfred Nakache.

Né à en 1915 à Constantine en Algérie française, Alfred ou Artem est issu d'une famille d'artisans juifs cohabitant parfois difficilement avec les populations musulmanes qui les persécutent.

Attiré par la natation après avoir vu une compétition à la piscine de Sidi M'Cid, Alfred commence par s'entrainer et démontre rapidement des dispositions suffisante pour aller aux championnats de France.

Puis c'est le départ pour Paris afin de se dédier à la natation.

Peu élégant mais très puissant, son style tout en force dénote avec ceux des rivaux qui privilégient le style comme son grand rival, Cartonnet, un mondain hautain.

Bourreau de travail autant que son rival se repose sur ses dons, Nakache prend le dessus et marque les esprits en nage libre et en « brasse » ou il s'inspire du style du russe pour développer la nage papillon. De plus, il joue également à très bon niveau en water-polo.

Tout se passe bien pour Alfred qui épouse Paule, une nageuse de niveau national également et obtient un diplôme de professeur d'EPS pour enseigner dans le XVIieme arrondissement.

Lors de jeux olympiques de Berlin en 1936, il participe à une délégation français qui humilie les Allemands déjà contaminés par l’idéologie nazi.

Lorsque la guerre éclate, l'Allemagne envahit la France et Alfred est destitué de tous ses droits par les lois anti-juifs.

Il passe alors en zone « libre » et s'établit à Toulouse. Au TOEC, Alfred noue des amitiés et bénéficie d'une situation privilégiée.

Protégé par le ministre des sports Jean Borotra, il continue de représenter la France à des compétitions internationales jusqu'à ce que la pression finisse par être trop forte lors du remplacement de ce dernier par.

Il soutient des associations de résistants juifs, tente de passer en Espagne mais renonce au dernier moment en raison de la présence de son bébé dans l’expédition et se fait finalement arrêter sur dénonciation avec de fortes suspicions de Cartonnet, devenu un milicien zélé au service de Vichy.

Avec Paule et leur fille, ils sont tout d'abord détenu au camp de Drancy avant de partir en plein hiver pour Auschwitz.

Immédiatement séparé de sa femme et de sa fille, Alfred connait l'horreur des camps de la mort mais survit grâce à son statut assez privilégié, de sportif de haut niveau.

Affecté à l'infirmerie il échappe aux travaux les plus pénibles dans un froid glacial mais connait les privations et surtout la peur quasi omniprésente de mourir.

Chose incroyable, il parvient à tromper la surveillance allemande relativement plus lâche le dimanche pour s'entrainer à nager dans la piscine du camp lors de séances clandestine d'une dizaine de minutes...

Lorsque les Allemands évacuent le camps sous la pression des Alliés, Nakache doit effectuer une longue marche dans le froid vers Buchenwald, un camp « relativement » moins atroce qu'Auschwitz.

Durant cette marche, il perd beaucoup de ses camarades dont le boxeur poids léger Young Perez.

Libéré enfin, Alfred va chercher désespérément sa femme et sa fille avant de se résigne à leur perte irrémédiable.

Le retour à la vie « normale » est pénible. Il est seul, victime du syndrome du « rescapé » et cherche obstinément à retrouver Cartonnet pour le tuer...mais l'ex nageur condamné à mort par contumace en France demeurera insaisissable jusqu'à sa mort.

Il reprendra pourtant la compétition et décrochera des places d'honneur jusqu'aux jeux olympiques de Londres en 1948 avant de « refaire » sa vie à Sète et de mourir dans l'eau en 1983...

En conclusion, « Le nageur » est une biographie très forte, d'un homme au destin exceptionnel. Un modeste « français des colonies », juif et arabe, qui s'est tout d'abord extrait de sa condition pour devenir un des plus grand athlètes français, recordman du monde du 200 m papillon, champion d'Europe et multiple champions de France.

Frappé par l'Histoire, Nakache connait ensuite un destin encore plus incroyable survivant à Drancy, Auschwitz et Buchenwald, en parvenant surpreme pied de nez à l'horreur à s'entrainer encore dans de pareilles conditions avant de finalement revenir en « survivant ».

Traumatisé, ébranlé jusqu'à rejeter temporairement sa foi, Nakache finira même par oublier sa haine de Cartonnet son rival nageur qui l'avait dénoncé aux Nazi et terminera en beauté par une ultime participation aux jeux olympiques de Londres en 1948.

Une histoire douloureuse, violente, insupportable par moment, mais aussi un fort exemple de résilience qui mériterait d'avoir une portée plus importante.

A n'en pas douter si Nakache avait été Américain, il aurait déjà eu un film autour de sa vie !

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