De la guerre (Carl Von Clausewitz)


 

Rédigé sur quinze longues années de travail acharné à partir de 1816, « De la guerre » de Carl Von Clausewitz est l’un des traités militaires les plus étudiés dans le monde.
Général prussien enseignant à l’académie militaire, Clausewitz s’attache avec une grande rigueur à poser dans la première partie du livre les définitions de son objet, la guerre étant un objet politique de résolution des conflits entre états par la violence.
Bien que s’inscrivant par nature dans la durée et dans l’emploi d’une force « extrême » devant aboutit à l‘anéantissement des forces armées adverses, la guerre est en pratique limitée par l’imperfection des hommes et la grande part d’inconnue et de hasard qu’elle recèle.
Les qualités martiales essentielles sont ensuite passées en revues : la courage issu de l’ambition ou du patriotisme semblant plus important que l’intelligence pure, les deux qualités réunies étant de nature même à forger les grands chefs militaires capables de vision stratégique d’ensemble et surtout de force morale dans les moments d’adversité de doute que provoque un conflit armé.
Les avantages et inconvénients des autres caractéristiques psychologiques les plus fréquemment rencontrées dans les troupes comme l’indolence, la sensibilité plus ou moins aiguë et enfin la force de caractère émanant d’un certain équilibre mental.
Les aspect physiques et renseignements, trop incertains ou peu quantifiables sont ensuite sous-estimés surtout face aux phénomènes de friction dans les troupes qui atténuent grandement l’efficacité de la machine militaire.
Dans le second livre, Clausewitz précise les différences entre tactique et stratégie, la première touchant à l’emploi des forces pendant l’engagement, la seconde plus vaste plus touchant au politique et donc à la finalité de la guerre.
Clausewitz précise qu’il ne s’intéressera qu’à l’acte militaire en lui-même, c’est-à-dire l’engagement des forces armées accompagnées des marches préludant à celui-ci, et écarte les aspects soins et logistiques pourtant importants que sont le logement, et le ravitaillement des troupes.
Outre l’importance des lieux, heures et conditions météorologiques dans la tactique, Clausewitz évoque les difficultés à poser des théories englobant la multiplicité des cas rencontrés puis introduit des notions plus complexes dans l’aspect stratégique : forces morales (le fameux esprit de corps, l‘audace et la persévérance), numériques décisives lorsque le rapport est trop disproportionné, géométrique pour prendre en compte l‘exécution des manœuvres et enfin sur la dynamique d’ensemble des confits composée de période d’attentes et de brusques pics de violence jusqu’à l’atteinte d’un équilibre entre les deux parties, en faveur de l’un ou l’autre des belligérants.
Plus courts les livres suivant abordent l’avantage de la position du défenseur sur l’attaquant car plus amène d’exploiter un moment de flottement de celui-ci.
Lorsqu’en plus le défenseur a l’avantage de combattre sur ses terres, il bénéficie de l’avantage non négligeable de la connaissance du terrain et du soutien des populations.
Toutefois, l’avantage de la défense sur l’attaque n’est décisif que lorsqu’il s’accompagne d’un puissant mouvement de contre-attaque, une position totalement passive n’étant pas source de bénéfice aux yeux de l’auteur.
Lorsqu’une victoire est obtenu, le vainqueur doit pousser son avantage sans perte de temps pour profiter de son ascendant morale sur l’adversaire en l’empêchant de se réorganiser pour éventuellement préparer sa riposte après un repli stratégique.
L’attaquant doit avant sa campagne avoir mesuré avec précision les objectifs à atteindre pour savoir quand s’arrêter, car loin de ses bases arrières, la durée des engagements peut jouer contre lui.
Harcelé par des milices de civils en armes combattant de manière non conventionnelles, il peut connaitre à son tour des difficulté et voir son potentiel militaire s’effriter.
Aussi, est il nécessaire de diriger l’essentiel de ses forces sur l’objectif principal : annexion d’une province, prise d’une capitale et laisser les forces limitées traiter des objectifs auxiliaires.
Plus les objectifs seront limités, plus ils seront aisés à atteindre et ouvriront la voie ensuite aux interventions politiques venant sceller la fin du conflit.
En conclusion, bien loin de la pureté stylistique de « L’art de la guerre » de Sun Tzu, « De la guerre » est un ouvrage difficile d’accès car plutôt abstrait et théorique, et ressemble par sa construction austère à un traité de philosophie.
Clausewitz tout en faisant acte d’humilité, pose les premières bases de la théorie de la guerre occidentale moderne en citant souvent en exemple son contemporain Napoléon, symbole du génie militaire, de la guerre « totale » et des mouvements révolutionnaires.
J’ai plus particulièrement aimé ses parties tactiques et psychologiques plutôt que les larges considérations politico-stratégiques sur lesquelles il est de l’aveu de l’auteur bien difficile de théoriser solidement.

Commentaires