Goebbels (Peter Longerich)

 



La thématique de la Guerre avec « Goebbels » la biographie écrite par l'Historien allemand Peter Longerich.

Sorti en 2010, ce monumental ouvrage à la mesure des fameux carnets légués par le Ministre de la Propagande du IIIieme Reich couvre toute la vie de Joseph Goebbels.

Né en 1897, à Rheydt, un village de la région de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Goebbels est issu d'une famille modeste.

Malgré un pied-bot qui le marginalise quelque peu durant son enfance, rien de particulier ne le distingue des autres enfants, si ce n'est une aspiration romantique face à la grandeur des héros germaniques.

Après quelques tentatives infructueuses pour devenir écrivain, Goebbels trouve sa voie dans la politique.

Comme beaucoup d'Allemands de son temps, il vit comme une injustice le traité de Versailles et la grande crise économique qui a frappé son pays. Révolté, Goebbels nourrit des rêves de grandeur et trouve dans la montée du national socialisme incarné par Adolf Hitler un modèle à sa dimension.

Subjugué comme beaucoup par le tempérament d'Hitler, Goebbels épouse complètement ses thèses et se radicalise, ne tardant pas à afficher un antisémitisme haineux alors qu'il avait pendant des années fréquenté une Juive.

Ses talents d'orateur et d'écrivain trouvent une application dans les activités du NSDAP.

Revues, affiches, discours, le style Goebbels se trahit par son agressivité qui si on prend en compte les activités criminelles de SA, ses milices d'extreme-droite, n'est pas que théorique.

Les heurts avec les communistes allemands sont nombreux et l'amènent même à être légèrement blessé.

Assoiffé de reconnaissance, Goebbels se dévoue corps et âme pour son Furher, et gravit les échelons au sein du parti.

Il devra faire face pourtant à de nombreux rivaux internes, tels les frères Strasser son concurrent conservateur Rosenberg ou même plus tard les services de communication de la Whermarcht qu'il tente sans succès de placer sous son contrôle...

Gobbels accompagne toutes les étapes de l'accession d'Hitler au pouvoir et couvre par des « communications » tous les bas agissements de son parti : élections, incendie du Reichstag, ratonnades et même la fameuse « Nuit de cristal » première action d'envergure contre les Juifs, que son parti s'est promis d'exterminer en tant que causes de tous les maux de la nation allemande.

Sa fidélité est récompensée, Hitler le considérant même comme un proche, puisqu'il partage son épouse avec lui son épouse Magda.

Une fois Hitler installé, Goebbels étendra son contrôle sur la presse, en la muselant et en n'hésitant pas à déporter les journalistes osant critiquer le régime. Son emprise sur le monde du cinéma est moins heureuse, la qualité des films produits étant médiocre et sa jalousie vis-à-vis de Lena Riefenstahl, la cinéaste adorée du régime étant manifeste.

La biographie insiste cependant sur le fait que Goebbels a été mis à l'écart de toutes les grandes décisions stratégico-militaires d'Hitler, comme le jeu de bluff avec les puissances occidentales, l' alliance contre nature avec la Russie, celle peu fiable avec l'Italie et le jeu des annexions brutales des débuts comme l'Autriche et la Pologne.

Relégué au second plan d'un point de vue stratégique, Goebbels redouble de haine contre les ennemis désignés du régime : Juifs, bolchéviques, homosexuels et malades mentaux.

Comme un chien fidèle à son maitre, il dépend exclusivement du Fuhrer, ce qui altère son humeur, occasionnellement dépressive. En compensation, Goebbels s'enrichit et mène grand train : voitures de sports, beaux costumes, belles maisons. Il affiche avec ostentation sa réussite de parvenu.

Lorsque la stratégie d'Hitler trouve ses limites en Russie et qu'il sent que la situation bascule, Goebbels tente de se montrer plus prudent. Attentif au moral du peuple, il milite également pour une guerre « totale » impliquant toute la population dans le but de négocier une paix « séparée » soit avec Staline soit avec Churchill, sans être écouté.

Dépité, Goebbels assiste donc au naufrage progressif de son rêve. Dépassées en nombre et matériels, les armées du Reich reculent partout et les civils souffrent terriblement sous les raids aériens anglais et américains : Cologne et Hambourg sont rasées.

Sans ses armes providentielles censées faire basculer le conflit en sa faveur, Hitler est sur le reculoir.

L'arrivée des Russes à Berlin sonne le début de la fin. Une fois entendu que les nouvelles unités mal préparée et composées d’adolescents et/ou de vieillards ne pouvaient pas stopper l'inéluctable, Goebbels se résigne à suivre son Maitre jusque dans la mort, entrainant avec lui femme et enfants...

En conclusion, « Goebbels » est un ouvrage roboratif à la mesure du souci du détail de son sujet qui consignait toutes ses pensées dans ses carnets qui deviendront malgré lui une des plus grandes sources d'information de la Seconde guerre mondiale.

Il ressort de ce portrait un écrivain raté, habité d'une forte soif de revanche sociale et trouvant dans son maitre Hitler l'instrument quasi divin de la réalisation de ses rêves de puissance absolue.

Mégalomane, narcissique, Goebbels était aussi féroce avec ses rivaux que soumis béatement à Hitler qui semble-t-il jouait à son avantage de cette relation à sens unique pour le manipuler à sa guise.

Si l’être humain se retrouve, sans grande surprise méprisable, adhérent aveuglement aux thèses raciales haineuses de son Maitre, le professionnel de la communication est présenté sous un angle plus surprenant comme un vulgaire imitateur des techniques de publicité de son époque, transposées dans le cadre de spectaculaires cérémonies tout à la gloire d'Hitler.

Arrivé jusqu'au poste de plénipotentiaire et chancelier sur la fin du conflit, Goebbels apparaît également malgré son ambition dévorante avoir été tenu à l'écart des décisions stratégico-militaires de première importance.

Un ouvrage qui « dégonfle » donc le mythe en le ramenant à une mesure plus humaine, de frustré ayant profité des circonstances pour se réaliser dans un fanatisme aveugle.

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