Les Vertueux (Yasmina Khadra)

 



En 2022, Yasmina Khadra publie un nouveau roman intitulé « Les Vertueux ».

Au début du Xxieme siècle, Yacine Cheraga est un jeune homme vivant dans un douar misérable du désert algérien. Son père manchot ne peut travailler et se cache pour mendier afin d'épargner le déshonneur à la famille.

Son village comme la plupart de ceux de la région est sous la coupe d'un caïd redouté Gaid Brahim qui le convoque pour une raison inconnue.

Chez le caïd, Yacine découvre un luxe qu'il ne pensait pas exister et se voit soumis à une offre à laquelle il ne « peut » pas refuser : remplacer le fils de Brahim pour servir dans l'armée française dans la Première guerre mondiale qui vient d'éclater en Europe.

Brahim lui indique que son fils Hamza a été réformé et qu'il doit se couvrir de gloire sur les champs de bataille afin d'honorer une tradition familiale. En échange de son « sacrifice » il lui promet des terres à son retour et une certaine aisance pour sa famille. En cas de refus par contre, la mort et la persécution pour son entourage.

Terrorisé, Yacine devenu Hamza Boussaid accepte et se retrouve cantonné à dans l'attente d'un embarquement pour la France.

Il fait la connaissance d'autres Algériens comme lui, la plupart des modestes fils de paysans, à l’exception de Sid Tami venu de la « ville » qui se fâche avec Zorg, un homme susceptible attaché viscéralement à son cousin.

Surnommé les « Turcos » par les sous officiers français, les Algériens sont incorporés dans des régiments de tirailleurs et envoyé sur le front de l'Est de la France.

Là, Yacine et ses compagnons découvrent l'enfer sur terre mais développent également un instinct guerrier qui fait d'eux de redoutables combattants experts en reconnaissance et en « nettoyage » de poches d'ennemis.

Yacine est particulièrement marqué par son premier mort, un jeune et bel Allemand venu s'empaler sur sa baïonnette mais Zorg, devient après la perte de son cousin, une machine à tuer habitée par de profonds instincts de violence.

Devenu caporal et décoré, Yacine est finalement démobilisé à la fin de la guerre et retourne chez lui malgré les conseils de Saïd qui lui propose de le rejoindre à la ville pour s'élever.

Revenu au douar, il découvre que sa famille a disparu et que Brahim loin de tenir sa parole, tente surtout de l'éliminer en célébrant son véritable fils comme héros de guerre.

Après avoir tué Babai, le garde du corps chargé de l'éliminer, il fuit et connait une vie d'errance dans le désert, seulement secouru par la générosité de nomades.

A Sidi Bel Abbès, il retrouve un Sid traumatisé par le conflit mais qui accepte néanmoins de l'aider à retrouver son père à Oran. Sid le met sous la protection de Wari un débrouillard des rues...

Mais les recherches ne donnent rien et Yacine trouve un emploi chez Lalla, une veuve d'un certain age tenant un magasin de vêtements qui accepte également de loger.

Au contact de la bourgeoisie musulmane d'Oran, Yacine découvre un monde qu'il ne connait pas et s'élève...

Mais lorsque Lalla devenue sa maitresse, lui demande de défendre son « honneur » en molestant un cousin ayant des vues sur son commerce, Yacine devient un homme recherché et doit quitter la ville.

Après une halte à Mecheria, il tombe sous la coupe d'un émir de guerre, désireux de lever une armée d'insurrection contre les Français.

Cet homme dit l'Officier rouge n'est autre que Zorg, son ex camarade de combat devenu un chef de guerre redouté dans toute la région.

Yacine doit composer avec cet homme violent et instable, qui finit le marier à Mariem, une jeune femme du désert qui le comble de bonheur.

Lancés dans un raid contre Grahib, fidèle auxiliaire des Français, Zorg et ses hommes sont trahis et tombent dans une embuscade. Le chef capturé est torturé et exhibé sur la place d'un village avant son exécution.

Sa cousine, Abla, une amazone abrège ses souffrances avant de mourir.

Le destin ramène encore une fois Yacine à Sidi Bel Abbès, et cette fois la collaboration avec Sid, se fait autour d'activités criminelles : le vol de pièces détachées sur le port et leur « commerce ».

Alors que Yacine devenu père, atteint encore une fois une certaine aisance, il est arrêté par des policiers français qui l'accusent du meurtre de Babai et du jardinier de Grahib.

Condamné sans procès, il purge une peine de onze ans dans un prison dans laquelle une grande violence règne.

Il n'en ressort que grâce à Gildas, son adjudant de la Premiere guerre mondiale qui croit en son histoire d'usurpation d'identité et fait jouer ses relations dans l'armée.

A Sidi Bel Abbès, Yacine cherche désespérément Saïd et sa famille, tous disparus.

Il retrouve finalement son ami qui a pris soin de sa femme et de son fils comme un frère et coule des jours heureux avec eux dans la ville de Kenadsa, connue pour sa beauté architecturale et sa culture, tout en ayant connu le plaisir de retrouver ses propres parents avant leur mort.

En conclusion, « Les Vertueux » est une grande fresque, une épopée même, à la mesure de l'immense talent d'écrivain/conteur de Khadra.

Khadra n'est en effet jamais meilleur que lorsqu'il insuffle une puissante fibre romanesque dans le cadre de son Algérie natale.

Ici, on est immédiatement plongé dans une histoire d'usurpation d'identité excitante et le cadre de la Première guerre mondiale crée une dimension dramatico-historique assez insurpassable.

Kahdra excelle dans la narration du conflit vu du point de vue d'une troupe de tirailleurs algériens, mais également dans les relations complexes qui régissent la vie clanique dans le désert, avec ses traditions, ses coutumes, sa simplicité, sa rudesse mais aussi sa générosité.

Alors oui certains passages semble relever du conte (les rencontres de nomades « philosophes »), les aventures amoureuses idéalisées (Mariem le fantasme de l'épouse parfaite musulmane) et le dénouement un peu trop parfait pour moi, mais tout ceci ne pèse au final pas bien lourd si on tient compte de l'immense plaisir à la lecture de « Les Vertueux ».

Un grand Khadra assurément donc, plus fort que le surcoté "Ce que le jour doit à la nuit" et l'un de mes préférés de cet auteur que j'adore !

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