Qui finance le terrorisme international ? (Loretta Napoleoni)

 



Sorti en 2005, « Qui finance le terrorisme international ? » est un livre écrit par la journaliste italienne spécialisée Loretta Napoleoni.

Si le terrorisme a toujours existé sous diverses formes, son « internationalisation » prend ses origines dans la Guerre froide, lorsque les deux super-puissances rivales avaient décidé d'armer des groupes radicaux pour déstabiliser des gouvernements.

Dans ce domaine, les États-Unis et l'URSS semblent être passés maitres, notamment dans l'armement de groupes paramilitaires ultraviolents en Afrique, Amérique latine ou en Asie.

Sont cités en exemple les Contra au Nicaragua, les troupes de Suharto en Indonésie, ou même des gangsters vietnamiens enrôlés pour semer la terreur dans le camps ennemi en massacrant les populations civiles.

Dans cet affrontement idéologique, tous les coups ou presque étaient permis et les deux camps n'ont pas hésité à soutenir des organisations comme les AUC, les FARC en Colombie et les Talibans en Afghanistan.

Puis lorsque l'URSS s'est effondrée minée économiquement, son empire s'est disloqué et les pays « satellites » qu'elle entretenait ont sombré dans la pauvreté.

Les organisations radicales comme les FARC ou les Talibans ont développé leur partie criminelle avec notamment le très lucratif trafic de drogue.

Ceci leur a permis de d’auto-financer et de défier des gouvernements faibles voir semi mafieux comme le Kosovo, la Tchétchénie, l'Albanie et la Géorgie post soviétiques.

Le conflit israélo-arabe a également permis l’émergence d'organisations terroristes comme l'OLP, le Hamas et les Phalanges chrétiennes qui ont mis sous coupe des pays/régions affaiblies comme la Palestine et le Liban alors qu'en Europe, l'IRA et l'ETA utilisaient des méthodes similaires basées sur la terreur et une économie de prédation.

Le 11 Septembre 2001 a été une dure leçon pour les États-Unis, qui se sont aperçus que le « monstre » taliban qu'ils avaient engendré pour lutter contre leur ennemi soviétique, s'était retourné contre eux, avec la prise de position d'Oussma Ben Laden comme leader idéologique anti-occident.

Le milliardaire saoudien qui a fait ses études aux USA, a profité de tous les mécanismes de la finance internationale pour diversifier ses investissements en Afrique, Europe et Moyen-Orient et a même à la faveur d'un délit d'initié, spéculé sur l'attentat du 11 Septembre pour réaliser une plus-value !

Dans cette affaire, Napoleoni pointe la responsabilité indirecte de George W Bush qui pour ne pas incommoder ses « amis » saoudiens a systématiquement bloqué toute les enquêtes de la CIA et du FBI concernant l'appui idéologique, financier et logistique d'organisations terroristes.

Après l'attentat, les USA ont réalisé tardivement la menace que représentait le terrorisme islamisme sur leur sécurité nationale avec notamment l'incroyable laxisme, à l'époque des contrôles aux frontières dont ont profité les terroristes.

Mais comme l'explique Napoléoni, tracer les flux financiers mondiaux est une entreprise impossible, en raison de l'existence de multiples sociétés écrans basées dans les paradis fiscaux, de l'existence de financement « informel » réalisé par des collectes directement effectuées en liquidité auprès de donateurs avec des systèmes aussi opaque que la « hawara » arabe ou le « peseto » colombien.

Les réseaux des mosquées peuvent également servir de relais pour les levées de fonds intraçables par les banques.

Autre effet pervers, l'imbrication actuelle entre économie légale et illégale provoqué par l'incroyable laxisme de certaines banques notamment américaines qui acceptent l'entrée de capitaux étrangers en fermant complaisamment les yeux sur leur origine, ce qui permet aux organisations criminelles de blanchir leur argent sale et accessoirement de doper l'économie de régions entières.

En conclusion, « Qui finance le terrorisme international ? » est un livre brillant, complet et complexe à la structure parfois difficile à suivre.

Mais la démonstration de Napoléoni est sans appel et permet de comprendre qu'avec la mondialisation qui s'accompagne d'incessants flux financiers internationaux, il est devenu aujourd'hui impossible de tracer les échanges provenant de groupes criminels, qui connaissent parfaitement les mécanismes leur permettant de masquer leurs activités.

Pire, des pans entiers de l'économie (5% du PIB mondial à l'époque) « légale » semblent être alimentés par le blanchiment d'argent avec la complicité passive de la finance internationale assez peu regardantes sur l'origines des flux circulant.

L'expansion du crime organisé et du terrorisme international, secteurs souvent imbriqués est donc un effet collatéral de cette mondialisation.

Il en a résulté l'émergence d'organisations de type cartels de la drogue ou islamistes radicaux capables de mettre sous leur domination des états faibles dans lesquels ils exploitent la pauvreté pour s'implanter et racketter l'économie mais également de menacer des super puissances comme l'ont montré les attentats du 11 Septembre 2001.

Fréquemment cité, Oussama Ben Laden apparaît comme une des figures marquantes de l'émergence de ce terrorisme international en raison de sa parfaite compréhension de la finance mondiale qui lui a permis de construire un empire aux investissements (matériels et immatériels) ultra diversifiés.

En face, la réponse des pays occidentaux paraît bien peu à la hauteur avec des budgets alloués aux forces de sécurité intérieure dérisoires comparés à ceux de leurs adversaires.

Aujourd'hui lorsqu'on voit que le crime organisé est capable de menacer des pays comme la Belgique ou les Pays-Bas et que l'islamisme radical propagé par certains pays du Golf adepte du double-jeu, continue d'étendre son influence par une combinaison habile d'idéologie et de financement, on comprend que les enjeux décrits par Napoleoni restent d'une brulante actualité.

L'argent nerf de la guerre ? Absolument, mais l'autre enseignement du remarquable livre de Napoleoni est que les liens entre régimes occidentaux consommateurs voraces de ressources énergétiques et régime totalitaires pourvoyeurs de ses mêmes ressources interfèrent dans la mise en place d'une politique d'envergure pour démanteler le terrorisme international, amené à perdurer...

On aurait aimé certainement une conclusion plus positive à ce livre dont le constat est à réactualiser plus de quinze ans après !

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