Watchmen (Alan Moore, Dave Gibbons)
Comme beaucoup l’ont découvert avec le film de Zack Snyder, « Watchmen » était au départ une bande dessinée écrite en 1986 par Alan Moore et dessinée par Dave Gibbons pour DC Comics.
La découverte pour moi au début des années 2000 du comics par l'intermédiaire d'un ami que je ne vois plus aujourd'hui, fait référence à une certaine période de ma vie et véhicule aussi parfois son parfum de nostalgie.
Le graphic novel est à vrai dire assez impressionnant, relatant aux Etats-Unis dans un univers angoissant de guerre froide des années 80, l’enquête de Rorschach (Walter Kovacs), un super héros masqué pour trouver pourquoi un de ses anciens coéquipiers appelé le Comédien (Eddie Blake) a été un soir défenestré.
Avec sa personnalité psychotique un brin fasciste qui lui fait voir des décadents et des pervers partout, Rorschach est un anti héros parfait qui consigne toutes ses impressions personnelles dans un journal intime.
A travers l’enquête de Rorschach, Moore décrit une ex équipe super héros des années 60 appelée les Watchmen.
Devenus aujourd’hui des quadragénaires usés et rangés, les Watchmen vivent retirés dans un semi anonymat à l’exception du Docteur Manhattan (Jon Osterman) ex physicien devenu à la suite d’une irradiation nucléaire une sorte de dieu omnipotent et omniscient.
Récupéré par l’armée américaine, Manhattan est ainsi devenu l’arme numéro un de Etats Unis et a quasiment à lui seul fait basculer la guerre du Viet Nam du coté Yankee.
Pourtant de part son statut surnaturel, l’homme se désintéresse de plus en plus de l’humanité et en particulier de son amie Laurie Juspeczyk alias le Spectre Soyeux qu’il délaisse.
L’autre personnalité encore en vue des ex Watchmen est Ozymandias (Adrian Veidt), play boy milliardaire à l’intelligence stupéfiante reconverti en richissme homme d’affaires qu’il gère depuis sa demeure en Antarctique.
Rorschach remonte aussi jusqu’au Hibou (Dan Dreiberg) quadra bedonnant dont les principaux pouvoirs reposaient sur un arsenal de gadgets technologiques et sur un petit aéronef volant.
Les agressions contre les Watchmen se succèdent, Ozymandias échappe à un assassinant et Manhattan accusé par la presse de donner le cancer aux gens qu’il fréquente trop étroitement, décide de s’exiler sur Mars.
Privés de leur arme absolue, les Etats Unis deviennent du coup vulnérables.
Tout un compte à rebours mortel s’installe alors en attendant le déclenchement de la guerre nucléaire contre l’URSS.
Le lecteur évolue ainsi dans cet univers urbain et oppressant ou plane une fort sentiment de nostalgie.
Au fil du récit il pénètre de plus en plus dans la personnalité des héros, découvrant que Blake était un homme brutal ayant commis des atrocités au Viet Nam et violé la mère de Laurie, le premier Spectre Soyeux.
La personnalité la plus intéressante reste celle de Rorschach, ex enfant martyr devenu à son tour justicier aux méthodes expéditives.
Son analyse psychiatrique couplée à son incarcération avec tous les détenus désireux de le torturer et de l’assassiner est pour moi l’un des sommets "hardcore"du roman.
Mais sa persévérance paye et il parvient avec l'aide du Hibou a remonter jusqu’à la base d’Ozymandias située en Antarctique.
Le milliardaire se révèle à l’origine du complot les visant dans le but de créer un nouvel ordre mondial pacifié après un meurtre de masse perpétré à New York.
Mais l’appel d’énergie provoqué par l’attentat attire sur terre le Docteur Manhattan qui prend conscience qu’il a été lui aussi manipulé, ses capacités de prévisions ayant été brouillées par un dispositif de tachyons crée par Veidt.
Il rejoint ses amis chez Ozymandias mais arrive lui aussi trop tard et demeure de toute façon indifférent au sort de l’humanité.
Ozymandias réussit dans l’application de son utopie, l’affrontement Est-Ouest cesse, Rorschach est éliminé et aucun témoin ne subsiste.
L’histoire se termine tout de même astucieusement par la récupération du journal de Rorschach par un journaliste ce qui laisse la porte ouverte à une divulgation ultérieure du plan de Ozymandias.
En conclusion, « Watchmen » est un comic vraiment atypique qui brille par son originalité.
L’histoire est complexe, de grande ampleur mais surtout d’une très grande noirceur.
Moore montre des héros ordinaires, vieillissants, fragiles aux vies personnelles souvent dévastées.
Ce parfum de spleen nostalgique est assurément la caractéristique majeure de l’œuvre.
En ce sens on peut parler de bande dessinée adulte car d’une profondeur inhabituelle.
Au chapitre des critiques, l’ambiance politique et anxiogène de la guerre froide peut paraître aujourd’hui dépassée.
J’ai également déploré (comme dans le film) un manque patent de rythme et d’action, puis des personnages souvent sans grand relief comme le Hibou ou le Spectre Soyeux.
Bien entendu les personnages borderlines comme Rorschach ou le Comédien sont les plus attractifs mais celui du Docteur Manhattan, véritable conscience vivante en phase avec les rouages les plus fins de l’univers, élève les débats vers des hauteurs philosophico-scientifiques.
Un mot sur la forme, également remarquable avec l’insertion de parties écrites, comme des extraits de biographies, d’interviews ou de coupures de presses apportant un subit complément d’information à l’histoire.
Le style graphique de Gibbons est lui d’un clacissime sobre et sans esbrouffe.
Si on tient compte de toute la richesse de cette œuvre monumentale, « Watchmen » peut assurément est considéré comme certes un chef d’œuvre mais un chef d’œuvre complètement marginal dans le monde des super héros.
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