L'Emprise, la France sous influence (Marc Endeweld)

 




Déjà auteur en 2019 du très remarqué « L'ambigu Monsieur Marcon », le journaliste Marc Endeweld récidive en 2022 avec « L'Emprise, la France sous influence ».

Dans ce volumineux ouvrage, Endeweld s’intéresse aux réseaux d'Emmanuel Macron président et tente de replacer la France à sa juste place sur l'échiquier géopolitique mondial.

En guise d'introduction, il apparaît clairement que Macron ne fait aucune confiance au Ministère des affaires étrangères et a œuvré depuis sa présidence pour affaiblir et court-circuiter ce réseau d'influence traditionnellement représenté par ses ambassadeurs.

Ainsi, Jean-Yves Le Drian, pourtant très respecté Ministre de la Défense est-il sciemment tenu à l'écart des grandes manœuvres géopolitiques que Macron mène avec son cercle de proches, notamment Alexis Koehler son secrétaire général et l'appui de la DGSE et son réseau d'espions à l'efficacité quelque peu surestimée.

Sans grande connaissance des subtils équilibre de forces mondiaux, Macron a donc tendance à avancer seul, aveuglé par son égo.

En résultent des maladresses comme le financement indirect du djihadisme en Syrie pour combattre Bachar Al Assad sans discernement, une « alliance » au final plutot embarrassante avec l'Arabie saoudite qui mène une sanglante guerre avec des armes françaises au Yemen et s'autorise à démembrer un opposant dans un pays étranger et enfin une intervention ridicule pour tenter de jouer les premiers rôles au Liban après l'explosion qui rasa le port de Beyrouth en 2019 avant que les Américains ne le neutralisent en douceur.

Plus embarrassant, a propos du Liban, Macron semble avoir agi non au noms des liens d'amitié entre les deux pays mais pour permettre à Koehler, très lié au puissant groupe MSC de faire une offre de reconstruction du port.

C'est l'axe principal qui va progressivement se dessiner du livre : privé de vision stratégique, le gouvernement ne semble agir que pour préserver des petits intérêts personnels, comme le prouve tristement la plupart des « grandes » décisions concernant les fleurons de l'industrie.

La vente de STX au groupe italien Fincantieri ? Annulé puis renégociée par Macron pour préserver les intérêts de MSC et donc de Koehler.

La vente d'Alstom  à l'Américain General Electric ? Approuvée par Macron comme ministre de l'économie malgré l'opposition acharnée du ministre de Montebourg, ce qui provoqua un pillage de technologie par les Américains, des licenciements et l'absence de toute sanction contre eux !

Les autres exemples abondent, la branche de câbles sous-marins d'Alcatel, hautement stratégique dans un monde toujours plus connecté aux « autoroutes de l'information », vendue à Nokia pour une bouchée de pain, avec que le Finlandais se retrouve lui-meme en difficulté.

Et surtout presque à chaque fois, la marque de la domination des États-Unis, prêts à toutes les manœuvres de leur Departement of Justice pour mettre à genoux des entreprises françaises soupçonnées de corruption mais surtout rivales de leur propre industrie, l'exemple le plus fou étant celui d'Airbus, le champion européen malmené par la DOJ pour permettre à Boeing de rattraper son retard, l'écartement de la France du marché des sous-marins australiens étant apparu presque comme anodin en comparaison.

Pour le nucléaire, la France semble plutot courber l'échine face à la Chine, qui après le contrat de Taishan a financé la construction des EPR anglais en échanges de conditions favorables ultra avantageuses et surtout de transfert de technologies massifs dans cette industrie devenue un enjeu de souveraineté.

Si dans le cas de la Chine, la France se rebelle quelques fois sous l'impulsion des États-Unis pour le déploiement de la 5G et la montée en puissance de l'opérateur Huawei dans l'Hexagone, dans le cas de la super puissance américain, aucune réaction ou presque lorsque nos industries sont pillées, les téléphones des présidents espionnés.

En conclusion, en sortie de « L'Emprise, la France sous influence » on demeure assailli de sentiments partagés.

Qu'a voulu dénoncer Endeweld ? La puissance des réseaux autour d'Emmanuel Macron ou le retrait manifeste de la France sur l'échiquier mondial ?

On serait tenté de dire les deux, même si la structuration de l'ouvrage nuit quelque peu à la compréhension d'un schéma directeur global.

Certes, autour de Macron gravite une nuée d'énarques et d'ingénieurs X-Mines qui trustent les postes à hautes responsabilités au sein des administrations et des grandes entreprises françaises des transports, de l'énergie, de l'armement, du traitement de l'eau et même de celui des déchets !

Ce « réseautage » incessant, ou « l'entre-soi » prime sur la compétence et ou les coups bas fusent m'a plus donné la nausée que fasciné.

Le manque de vision stratégique sur la place de la France dans le monde m'a en revanche beaucoup plus intéressé et a confirmé l'ingérence massive des deux super puissances mondiales, les États-Unis et la Chine dans tous les dossiers industriels sensibles de ces dernières années.

Il paraît donc loin le temps des « champions industriels » vecteurs de l'indépendance de la France, voulue par De Gaulle, comme si par leur vision à court terme et leur manque désinvestissement, les gouvernements ultra libéraux avait renoncé à ce que la France joue les premiers rôles internationaux.

Ainsi derrière les beaux discours plein d'assurance, se cache la réalité implacable des rapports de force mondiaux entre proies, prédateurs et super prédateurs (USA, Chine, Russie) dans laquelle la France ne pèse plus grand chose !

Le travail d'Endeweld constitue donc une mine d'informations que j'aurais aimé voir mieux ordonnée !

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