Cher amour (Bernard Giraudeau)
Sorti en 2009, « Cher amour » est le dernier roman de Bernard Giraudeau avant sa disparition.
Découpé en douze chapitres, « Cher amour » est une compilation des derniers voyages lointains de l'acteur-écrivain-baroudeur qui caméra à l'épaule a tenu a filmer ses rencontres marquantes mais également à partager ses dernières expériences professionnelles.
En fil rouge reliant ses parties, une correspondance adressée à « Madame T », une femme aimée, parisienne, lointaine, qui semble le hanter.
Les voyages latino-américains semblent traités avec beaucoup de distance, Giraudeau préférant souvent conter les histoires d'amour de personnages assez peu connus de l' Histoire plutot que de révéler ce qu'il vit sur place.
Au Brésil, seuls la cause des indiens isolés ainsi que le monde dur et sans loi des garimperos semblent digne d'attirer son attention, avec son cortège d'espoir, de violence et de déceptions démesurées.
Le Chili est à peine mieux traité, avec une partie historique dominante puis quelques digressions sur les brimades subies par les intellectuels sous Pinochet.
Plus intéressantes sont les aventures aux Philippines visitées pour le tournage d'un film, l'empire du tigre dans lequel Giraudeau doit incarner le Général Leclercq.
Entre deux prises, l'acteur va visiter la partie cachée et pauvre de Manille et se rend dans un cloaque incroyable dans lequel des familles entières de trieurs de déchets survivent dans les déjections les plus abjectes.
Cette expérience sera similaire au Cambodge avec la répression khmer rouge en prime.
Mais « Cher amour » est aussi le récit de la découverte brutale de la maladie, un cancer qui le foudroiera et interrompra sa riche carrière d'homme de théâtre.
Après l'ablation d'un rein, Giraudeau se découvre un autre homme, affaibli et peut-être plus conscient de sa mortalité.
En un étonnant désir de baroud d'honneur, il reprendra pendant un court laps de temps sa carrière de marin puisque promu au rang de capitaine de frégate honorifique, il rembarquera sur la « Jeanne d'Arc » pour se rendre à Djibouti, parcourant le désert, faisant de nouvelles rencontres et décrivant la beauté réelle ou fantasmée de femmes voilées, mystérieuses et sensuelles.
Le livre se conclut par un ultime épisode parisien, l'acteur une nouvelle fois frappé par la maladie devenu aveugle et vivant une autre forme de sensualité avec sa fameuse amante, Madame T.
En conclusion, sans l'avoir préparé au moment de sa sortie, « Cher amour » constitue le livre le plus proche du testament de Bernard Giraudeau.
Après avoir eu des difficultés à comprendre le sens de sa démarche avec ses nombreuses anecdotes historico-amoureuses, j'ai fini par être touché par son esprit, combinant élégance, lucidité et sensualité quasi onirique.
La plume de Giraudeau le baroudeur-charmeur m'a touché et permis de mieux comprendre l'homme, passionné de théâtre mais également de rencontres du bout du monde si loin de son microsome d’intellectuels parisiens.
Une chose est certaine à mes yeux : depuis sa disparition en 2010, le monde est un peu moins intelligent, élégant et sensuel...
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