Sexe, drogue et natation, un nageur brise l'omerta (Amaury Leveaux)

 



Les habitués de ces colonnes connaissent mon gout pour le sport, aussi est-ce avec un grand intérêt que j’ai lu « Sexe, drogue et natation, un nageur brise l’omerta » de l’ancien nageur Amaury Leveaux.

Retraité des compétitions en 2013, Leveaux dont on se rappelle la grande carcasse et le tempérament gentiment excentrique, sort en 2015 ce livre au titre choc, sinon racoleur.

Écrit de manière simple (pour que cela reste crédible), « Sexe, drogue et natation » débute par ses origines dans une cité de Delle, petite ville de Franche Comté dans laquelle grandit un adolescent dont la mère quittée par son mari assez porté sur la bouteille, enchaine les petits boulots (ménage, serveuse) pour joindre les deux bouts et élever ses trois enfants.

La chance ou le destin sourit au jeune homme lorsqu’un petit boulot à la piscine municipale le fait repérer par Vincent Léchine un entraineur à l’œil avisé.

Mis à l’essai dans ce petit club, Leveaux montre du haut de ses treize ans des prédispositions évidentes pour le sprint (50m, 100m voir 200m) et se rue sur l’occasion de sortir d’un avenir de prolétaire que ses origines et ses médiocres résultats scolaires lui dessinaient.

Il atterrit ensuite à Mulhouse après un court passage à Besançon et rencontre Lionel Horter qui le mènera vers le professionnalisme apprenant au gamin fantasque et occasionnellement bringueur la discipline.

Leveaux décrit l’envers du décor de la vie de nageur de haut niveau, l’extrême rigueur des entrainements consistant à se lever aux aurores pour enchainer des longueurs dans des piscines en plein air ou règne un froid glacial en hiver, sans compter le travail complémentaire de musculation et de footing, la diététique et les siestes de récupération, l’odeur persistante du chlore qui imprègne la peau et les bronches, les envies pressantes soulagées dans les bassins et surtout l’insensé kilométrage que s’infligent ses athlètes dans le but de briller lors des quelques rendez vous internationaux, principalement des championnats (France/Europe/Monde) et surtout les Jeux olympiques tous les 4 ans.

Les relations avec l’autoritaire Horter sont parfois explosives et tout en reconnaissant les mérites de l’entraineur, Leveaux estime clairement s’être fait abusé financièrement par le club qui encaissait tout ou partie de ses primes.

De manière plus générales, même les primes avancées par la Fédération en cas de victoires aussi prestigieuses que des Jeux ou des Championnats du Monde paraissent à vrai dire bien ridicules par rapport aux salaires des meilleurs footballeurs.

Outre les plaintes, à mon sens justifiées de Leveaux pour le manque à gagner des nageurs comparés aux sacrifices consentis, l’ex athlète ayant raflé les plus hautes médailles de sa discipline, apporte une analyse intéressante sur la préparation mentale qui fait selon lui la différence entre les compétiteurs dans le très haut niveau. Cet aspect délicat car intangible du sport est mis en lumière par l’importance des rituels maniaques d’avant course, la nécessité de s’immerger dans une bulle isolante vis-à-vis du monde extérieur et la visualisation obsessionnelle des compétitions afin de s’auto conditionner vers la victoire.

Mais Leveaux aborde aussi la face sombre du sport, le dopage et si il marche sur des œufs vis-à-vis de son coéquipier le musculeux Fréderic Bousquet, pris pour sombre histoire de produits pour soigner des hémorroïdes (!) se montre plus agressiff vis-à-vis du Brésilien César Cielo, sorti pour lui de nulle part et innocenté malgré un contrôles positif.

Le nageur est en revanche plus bavard sur les excès de soirées festives ou selon lui l’alcool et la cocaïne seraient monnaie courante.

Bon vivant, Leveaux confie ses écarts avec l’image lisse des nageurs beaux, sains et musclés et ne pas avoir réellement d’hygiène de vie alimentaire, aimer l’alcool (rosé, vodka), fumer de manière régulière… et enfin avoir également tâté de la coke même si l’expérience ne l’a pas enchanté.

Ces aveux courageux s’expliquent selon lui par le besoin des nageurs de décompresser par rapport aux attentes qui pèsent sur eux et surtout à l’ascèse des entrainements parfois inhumains.

Le sexe va pour lui de paire avec la notoriété que confère une grande performance aux Jeux olympiques, ce qui outre de nombreuses conquêtes faciles, lui a offert l’accès à un monde de jet setters branchés menant grand train et enfin de juteux contrats auprès de grandes marques comme le géant Lagardère attirés par son image de français qui gagne.

Après avoir été grisé par ce monde qui lui faisait oublier ses origines modestes, Leveaux assure être revenu les pieds sur terre.

Il allume la Fédération responsable selon lui de propager une image vieillotte et peu attractive de son sport, monde des médias accusés selon lui de peser sur la logique sportive en inversant l’ordre des relais en finale des JO à Pékin, ce qui selon lui couta la victoire face aux Américains.

Dans le registre privée, sa rancune se dessine contre Yannick Agnel pour lui « faux intello » de la natation, Alain Bernard jugé trop lisse ou les ex petits amis de Laure Manaudou (Fréderic Bousquet, Benjamin Stasilius) dont il avoue être secrètement amoureux depuis des années.

Grande gueule médiatique de la natation française, Philippe Lucas s’en tire plutôt bien malgré des entrainements à la limite de l’inhumain, des multiples altercations parfois physiques entre eux, mais avec d’insoupçonnées qualités de pédagogues pour l’un des gourous du sport français.

Enfin après le succès du relais français aux Jeux de Londres en 2012, Leveaux perd peu à peu sa motivation et le gout des sacrifices quotidiens à l’entrainement.

La décision d’arrêter s’impose logiquement à lui avec une reconversion comme consultant chez Beinsport, en management sportif…

Leveaux n’avoue n’être jamais retourné nager une seule fois et que son sport ne lui manque pas.

On termine le livre sur une note optimiste, avec sa nouvelle relation et la naissance d’un enfant à venir.

En conclusion, « Sexe, drogue et natation, un nageur brise l’omerta » est livre détonant au sein du petit milieu du sport français ou les discours stéréotypés pré formaté par les attachés de presse verrouillent toute volonté de sincérité de peur de briser la sacro sainte « image » du sportif responsable d’une bonne partie de ses revenus.

Les mauvaises langues diront que Leveaux crache dans la soupe mais j’ai pour ma part aimé sa sincérité brut de décoffrage montrant clairement les rivalités entre nageurs, les coups tordus des journalistes, de la fédération, des clubs…

J’ai eu aussi ma ration de description de la dureté des entrainements de natation, l’ascèse demandé par les coach gourous, la souffrance inhumaine supportée par la motivation de réussir à atteindre ses objectifs, chose si exceptionnelles que l’on ne peut que respecter ou admirer.

Les plus punks d’entre vous aimeront aussi les digressions de l’athlète : grand viveur aimant le sexe, l’alcool, la bonne chère et quelques plaisirs interdits…en attendant la biographie du sulfureux Yannick Agnel ?

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