Paroles de poilus, lettres et carnets du front 1914-1918 (Jean-Pierre Guéno)
Publié en 2013 après une grand appel diffusé sur les ondes de Radio France, « Paroles de poilus, lettres et carnets du front 1914 - 1918 » est la compilation des meilleurs textes sélectionnés par l'historien Jean-Pierre Guéno.
La structure adoptée est celle des quatre saisons, symbolisant les cycles de la nature rythmant les quatre années de la Première guerre mondiale, assurément l'une des plus meurtrières de l'Histoire de l'Humanité.
Les premiers textes, issus de l'été de la mobilisation en 1914 illustrent l'optimisme des soldats, dynamisés par une propagande efficace (des deux cotés de la frontière) et l'assurance d'une guerre courte assortie d'une victoire facile.
Puis on sent poindre les débuts d'une inquiétude lorsqu'on se rapproche de la ligne de front.
Le manque d'informations, les marches à rallonge, les conditions de vie spartiates des fantassins entament déjà le moral des moins aguerris...
A l'automne déjà la situation change, le froid et la pluie ont fait leur apparition et les soldats ont découvert horrifiés les ravages de l'artillerie moderne qui taille en pièce les corps et terrorise les âmes.
A la violence des machines s'ajoute la brutalité du commandement, avec la succession d'ordre d'assauts pour reprendre quelques positions qui sera reprise peu après avec à chaque fois un cout humain exorbitant.
Alors les soldats comprennent qu'ils appartiennent à une génération sacrifiée et les témoignages deviennent poignants. Par lettre on confie l'horreur de ce qu'on voit : les paysages dévastés, la mort partout, le sang et la violence allant jusqu'à des corps-à-corps à coups de pelles dans les tranchées.
On s'en remet à Dieu, rempart parfait pour passer à l'au-delà, certains énumère sobrement l'inventaire de leurs biens à répartir, d'autres se placent sur l'aspect moral en adressant leurs dernières recommandations à leurs familles.
L'amour comme la religion est une valeur refuge, certains revivant leurs jours heureux pour échapper à l'enfer des tranchées.
Il y a également un fort sentiment de rancœur contre les politiciens, l’État major et les journalistes de l'arrière, qui mènent une vie confortable tandis que les poilus sont sacrifiés.
Les quelques permissions sont souvent douloureuses, la population civile traitant par l’indifférence ou le dégout ses rescapés déjà rendus inadaptés à la vie civile.
Certains écrivent depuis leurs lits d’hôpital, en espérant, souvent à tort survivre, d'autres depuis le front...
La souffrance se confond des deux cotés, français comme allemand...et on tient par solidarité pour les copains ou tout simplement parce qu'on sait qu'on sera abattu en cas de refus de monter au front...
En conclusion, « Paroles de poilus, lettres et carnets du front 1914-1918 » est une magnifique compilation arrachant par instant les larmes.
Elle montre l'inconscience de certains, la détermination d'autres, assez rares prêts pour la sacrifice ultime par patriotisme ou dette envers la France, mais surtout la remarquable lucidité des poilus, hommes simples ou intellectuels, qui ont compris l'absurdité de la situation et accepté leur destiné avec beaucoup de dignité.
L'incompétence des stratèges militaires confine à l'erreur criminelle et aboutit à l'un des plus grand carnage de l'Histoire de l'Humanité avec des pertes humaines atteignant un niveau absurde.
Souvent le sort est cruel, épargnant untel pour choisir son voisin, ou prenant peu de temps après le chanceux d'hier...
Ces lettres ont donc une valeur inestimable, celle du témoignage d'une génération d'hommes sacrifiés ayant eu leurs dernières pensées pour leurs proches.
Et lorsqu'on voit l'évolution de la situation géopolitique mondiale avec la résurgence de guerres sanglantes, on se dit que la Première guerre mondiale n'est sans doute pas si lointaine pour certains...
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