Draconian times (Paradise Lost)

 



L’album « Draconian times » marque sans doute l’apogée de Paradise Lost en 1995.

Ayant complètement achevé leur mue et s’étant à présent tout à fait débarrassé du doom/death de leurs débuts, les Anglais sont alors amènes de proposer la formule magique qui fera exploser leur carrière avec un gothic metal de grande classe.

La formation reste ici inchangée par rapport à ses débuts à l’exception du batteur Lee Morris qui remplace Matthew Archer.

Pour le reste c’est toujours Nick Holmes au chant, Gregor Mackintosh/Aaron Aedy aux guitares et Steve Edmondson à la basse.

La pochette tout d’abord véritable œuvre d’art signée Holly Warburton, évoquant une superbe peinture aux couleurs vives est sans nul doute l’une des plus classieuses de l’histoire du métal/rock.

« Draconian times » débute par le bien nommé « Enchantment », qui après une magnifique introduction aux claviers toute en finesse laisse la place à un morceau à la beauté sombre, farouche, au rythme lancinant et hypnotique.

Le son de guitare puissant et enveloppant est contre balancé par de splendides mélodies de claviers qui viennent aérer ces ambiances suffocantes.

La voix de Holmes est à la fois rauque, puissante et grondante tout en parvenant à restituer de surprenants passages aériens et subtils au calme enivrant.

Le chanteur réussira le tour de force de rééditer l’exploit de danser sur la corde raide pendant toute la durée du disque.

Les chœurs en soutien assurent à l’ensemble une dimension épique inouïe, quasi religieuse.

« Enchantment » en est un et démarre l’album par un chef d’œuvre grandiose.

On enchaîne avec « Hallowed hand » qui poursuit dans la même veine, mélodique, triste, pesante et parfois coléreuse avant  « The last time »  aux riffs plus offensifs et au rythme un poil plus énergique.

Autre gros moment avec « Forever failure » , longue agonie brumeuse zébrée d’éclairs orageux.

On a l’impression d’assister à l’enterrement d’un proche, on est chaviré d’émotions avec l’envie folle de serrer forts les survivants dans ses bras pour les réconforter.

Les mélodies sont superbes de fluidité et d’élégance.

Tempo plus soutenu sur « Once Solemn » inexorable rouleau compresseur métallique venant brièvement rappeler les influences jadis plus extrémistes du groupe.

Rythme toujours alerte avec « Shadowkings » qui fonctionne bien malgré des refrains distordus un peu déroutants.

Le spleen revient ensuite avec « Elusive Cure » avec ses grands refrains déchirants et ses guitares éthérées.

Plus emballant est « Yearning for change », véritable ode presque osons le mot optimiste ( !) avec ses refrains dynamiques et fédérateurs avant d’être plombée par un final glauquissime psalmodié jusqu’à l’enlisement.

Lenteur, mélodies, mélancolie et noirceur à fleur de peau jonchent le sol de « Shades of God ».

Holmes module à la perfection sa voix sur «  Hands of reason » idéale balance entre dépression anesthésiante et courtes explosions de rage sourde.

Plus répétitif « I see your face » est peut être le morceau le moins inspiré de ce disque avant que l’infernal machine à distiller le charme vénéneux de la rêverie mélancolique ne revienne nous titiller sur « Jaded ».

En bonus on trouvera « How soon is now » beau, calme et pur comme un lac éclairée à la pleine lune et « Fear » autre formidable vestige d’une ère dévouée à un metal plus musclé et violent.

En conclusion, avec « Draconian times » Paradise Lost enfante dans la douleur un monstre de noirceur et de beauté farouche ou survivent des atmosphères épaisses, vaporeuses et lourdes comme le plomb.

Par son spleen contagieux, ses variations, son élégance raffinée et désespérée, « Draconian times » a tout les attributs du disque culte de musique gothique pourtant il serait faux de ne le réduire qu’à cela.

La lourdeur mélodique et étouffante des riffs de Mackintosh alliée au chant de Holmes, majoritairement puissant et viril conservèrent de fortes réminiscences métal qui séduisirent un public plus large que les fans de musique gothique à tel point que Paradise Lost fut pressenti à l’époque comme le futur Metallica.

Las, le groupe en pleine quête d’expérimentations musicales scia lui même consciemment le trône doré auquel il était promis.

Qu’on aime ou qu’on déteste le style, « Draconian times » est l’œuvre maîtresse d’artistes au fait de leur art.

On peut certes admirer les chercheurs, médecins, ou hommes politiques ayant changé le monde mais je pense aussi qu’on peut aussi mourir avec le sentiment du devoir accompli après avoir composé une œuvre aussi aboutie et complexe que « Draconian times ».

A écouter en se promenant dans la foret lors d'un bel automne déclinant.

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