Hiroshima, fleurs d'été (Tamiki Hara)

 



Sujet très fort avec « Hiroshima, fleurs d’été » de Tamiki Hara.

Ce recueil quasi autobiographique se compose de trois courtes nouvelles traitant du bombardement nucléaire de la ville le 6 août 1945 qui fit approximativement 250 000 victimes directes.

La première partie intitulée « Prélude à la destruction » relate la vie de la population civile avant le largage de la bombe dans une ville vouée à la production industrielle et dotée d’importantes garnisons militaires.

Hara décrit par l’intermédiaire de son héros Shozo, qui revient après la perte de sa femme dans sa ville natale pour vivre chez son frère Seiji, le quotidien des habitants entre travail discipliné à l’usine ou à l’école la journée, entraînements aux évacuations le soir, le tout entrecoupé d'alertes provoquées par le survol de B-29 américains en pleine missions de reconnaissance.

D’un naturel rêveur et solitaire, Shozo trompe ses angoisses par la lecture d’œuvres classiques ou de traités mathématiques.

Dans la grande maison familiale, les caractères mis sous pression par le conflit se heurtent fréquemment.

Seiji est un hyper actif qui réalise des taches administratives pour l’armée, Junnichi a des problèmes  conjugaux avec sa femme Takako qui fugue régulièrement et se comporte bizarrement tandis que leur sœur cadette Yasuko s’acquitte des taches ménagères en bavardant de manière insupportable.

En état de choc après son drame personnel, livré à lui même, Shozo erre et se promène seul sur les lieux de son enfance qui ravivent par instants de vieux souvenirs enfouis dans sa mémoire.

Dans ce climat troublé et malsain, la famille guette les nouvelles du conflit avec avidité et inquiétude attendant les ordres de mobilisation des jeunes hommes et ceux d’évacuation des usines et des logements.

Mais compte tenu de l’importance stratégique d’Hiroshima d’un point de vue militaire et industriel, l’armée veille au grain et enrôle par la force des civils pour participer à la défense anti-aérienne de la ville.

Si je voulais résumer cette première partie, je dirais une longue attente et beaucoup de doutes …

Dans « Fleurs d’été » , Hara passe à la première personne du singulier et décrit de son propre point de vue la fameuse journée de l’attaque nucléaire sur la ville.

Ayant survécu par miracle, le narrateur erre hébété par le choc dans une ville à feu et à sang ou il rencontre un nombre incalculables de blessés la plupart grands brûlés et atrocement défigurés par les effets des radiations de la bombe.

La puissance de la charge est telle que la Nature semble elle même en être affectée : des brasiers et des tornades ravagent les alentours, le ciel est en permanence obscurci par les cendres créant une impression d’enfer sur terre.

Hara emmène avec lui le lecteur dans ce chaos absolu peuplé de visions cauchemardesques de corps agonisants ou militaires et civils se retrouvent tous brutalement mis au même niveau de martyrs.

La dernière partie intitulée « Ruines » marque l’après bombardement avec l’évacuation des survivants dans les villages alentours comme Yahata ou se réfugie le narrateur.

Une autre phase commence toute aussi atroce, car des gens tombent subitement malades, perdent leurs cheveux, crachent du sang ou meurent simplement d’horribles blessures qui ne peuvent être soignées sur lesquelles s’acharnent des nuées de mouches et de vers.

Dans une zone ou les communications sont coupées, le narrateur part alors en quête de survivants issus de sa famille et découvre souvent avec effarement leur décès brutal ou leurs terribles maladies aboutissant certaines fois à des guérisons bien précaires.

La désorganisation bat son plein et la famine commence à frapper les survivants qui meurent par légions.

On est donc ici également dans le registre de l’insupportable et des débuts de la souffrance purement psychologique avec les sentiments de deuil, de regret, de honte d’avoir survécu, de ne pas avoir pu aider, sauver et d’avoir assisté impuissant à la mort d’autres être humains.

Même si le narrateur s’en tire, il en ressort très affaibli physiquement avec des d’horribles diarrhées, des sifflements aux oreilles et des troubles à l’œil.

Il tient pourtant à revenir à Hiroshima et vient contempler les ravages sur une ville autrefois puissante et prospère.

Le livre se termine par le cas particulier de Monsieur Maki, militaire en poste à Shanghai au moment de l’attaque et qui a perdu l’intégralité de sa famille en une seule journée.

En raison de ce deuil, Monsieur Maki devient quelqu’un de très respecté que les gens viennent souvent saluer.

Par cet exemple, Hara met en exergue l’horrible réalité de l’après Hiroshima avec des gens qui hantés par le souvenir des disparus et croient les reconnaître en croisant des inconnus qu’ils saluent par méprise.

En conclusion, « Hiroshima, fleurs d’été » est un livre qu’on pourrait qualifier de témoignage vital pour l’humanité.

L’histoire qu’on dit souvent écrite par les vainqueurs a souvent montré les Japonais comme des robots fanatisés et conditionnés à mourir plutôt que de se rendre.

C’était sans doute vrai pour les soldats au front mais le livre de Hara montre le comportement des civils d’Hiroshima qui ne différait pas beaucoup de celui des population occidentales avec de la peur, de l’angoisse et pour certains des critiques des positions adoptées par l’armée.

« Hiroshima, fleurs d’été » contribue donc à humaniser donc considérablement les populations japonaises en faisant ressentir l’horreur absolue d’un événement que tout un chacun n’espère jamais vivre.

Par comparaison, l’attentat du 11 Septembre, aussi horrible soit il, fait l’effet d’une piqûre de guêpe tant un esprit humain normalement constitué n’est pas capable de saisir la violence d’une catastrophe comme celle d’Hiroshima.

Sans verser dans l’exercice vain de refaire l’histoire, on peut se demander si l’utilisation de la bombe atomique aurait pu être évitée.

On peut aussi la voir comme un passage obligé pour que l’homme en mesure pleinement le pouvoir annihilateur quasi illimité à l’échelle terrestre.

En ce sens le conflit de la seconde guerre mondiale avec les camps d’extermination nazi et les bombes atomiques larguées sur le Japon est celui qui a atteint le plus haut degré de violence et d’horreur de tous les temps.

La souffrance psychologique engendrée fut sans doute insupportable pour les survivants puisque Tamiki Hara se suicidera 6 ans après.

Il lègue donc cependant pour l’éternité un témoignage bouleversant et émouvant aux larmes.

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