Les Français et la guerre de 1870 (Jean-François Lecaillon)

 



Plongée vers une guerre relativement méconnue aujourd’hui, celle franco-prussienne de 1870 avec « Les Français et la guerre de 1870 » de l’historien Jean-François Lecaillon.

Si la « Grande guerre » et surtout la « Seconde guerre mondiale » bénéficient d’une surexposition médiatique de nos jours,  la guerre de 1870 plus lointaine et brève contre le dernier grand ennemi historique de la France est quelque peu tombée dans l’oubli.

L’originalité du livre de Lecaillon est de se baser sur les témoignages écrits de soldats mais aussi sur de simples particuliers pris dans la tourmente pour multiplier les points de vue inédits.

La guerre se déclenche à l’été 1870 suite à la revendication du trône de l’Espagne par le prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen, cousin du roi de Prusse Guillaume.

Craignant la constitution d’un axe Prusse-Espagne, la France exige son retrait.

La montée de tension et une succession de maladresses diplomatiques orchestrées par le chancelier Bismarck conduisent la gouvernement républicain français de l’époque a déclarer la guerre sans que Napoléon III malade n’intervienne.

Dés lors c’est l’engrenage guerrier fatal conduisant les deux pays au choc frontal en Alsace Lorraine ou se dérouleront la majeure partie des combats.

Assez rapidement malgré un enthousiasme belliqueux de façade, l’armée française mal préparée et trop sure d’elle essuie de cuisants revers.

Lecaillon analyse remarquablement les causes multiples de ces échecs, mettant en cause principalement le manque de vision d’ensemble, d’organisation des officiers français, incapables de coordonner leurs troupes ainsi que le manque d’entraînement des recrues civiles inexpérimentées et indisciplinées qui viennent s’ajouter à l’obsolescence des stratégies militaires employées.

En effet les Français ont pour l’occasion une guerre de retard.

Ils ont une stratégie d’attente, misant tout sur les assauts combinés de la cavalerie à ceux de l’infanterie française réputée pour sa « furia » dévastatrice.

La bravoure et le sens de l’honneur sont mis en avant.

En face, les Allemands ont intégrés la notion de guerre industrielle ou l’homme est finalement secondaire par rapport au matériel.

La puissance et la précision de leur artillerie surclassent celle de français, les pilonnant sans relâche à distance, massacrant cavaliers et fantassins avant même qu’ils aient pu engager le combat.

Lors des rares assauts, les Allemands font mine de se dérober pour forcer les Français à les pourchasser et les faire tomber sur d’autres vagues de combattants embusqués avec leurs mitrailleuses.

Ils exploitent également de manière redoutable le renseignement, interceptant la presse et les courriers de leurs adversaires.

Devant pareil déséquilibre et malgré quelques rares exploits individuels sans lendemain, l’armée française dirigée par les général Bazaine et le maréchal Mac Mahon est rapidement contrainte à la retraite qu’elle fait dans le désordre le plus complet.

A ce titre, les interminables hésitations du général Bazaine dirigeant les armées sont très révélatrices du manque d’analyse et de capacité de réactions des troupes françaises.

Retranché à Metz, il se refuse à tenter une sortie attendant qu’une armée de Paris viennent l’aider à briser le blocus allemand alors que dans le même temps Paris également assiégé attend de même d’être libéré par ses soins !

Les tensions sont également très vives dans la capitale ou les militaires sont jugés incompétents ou achetés par l’ennemi.

Des troubles éclatent, menaçant la fragile stabilité du gouvernement en place.

Les tentatives pour desserrer l’étau germanique échouent toutes, car les groupes de miliciens formés à la hâte dans les provinces ne sont pas soutenus par les troupes régulières qui se méfient d’eux.

De plus les paysans sont peu mobilisés pour cette guerre, craignant les violentes représailles prussiennes contre la population.

Ils demeurent au final plutôt spectateurs et les effets escomptés de harcèlement par guérilla sur l’armée prussienne demeurent largement inefficaces.

Le 2 Septembre 1870, Napoléon III capitule après la bataille de Sedan ce qui entraîne la création d’un gouvernement de défense nationale ou siège Gambetta.

Après de nombreuses manœuvres assez douteuses de double jeu pour négocier avec l'ennemi, Bazaine capitule à son tour le 29 Octobre à Metz.

Le ressentiment et l’instabilité qui règnent à Paris aboutissent au soulèvement gauchiste de la Commune en 1871 qui sera réprimé dans le sang par Mac Mahon.

Lors d’un humiliant traité de paix signé à Versailles le 26 Février 1871, la France accepte donc de céder l’Alsace et la Lorraine ainsi que de verser des indemnités financières à la Prusse victorieuse de Bismarck et de Guillaume.

Lecaillon exprime alors le fort ressentiment qui anime les français.

Victime idéale en raison de son attitude trouble et peu combative, le général Bazaine est jugé, destitué et condamné à 20 ans de prison.

En conclusion, « Les Français et la guerre de 1870 » est un pur ouvrage d’historien.

Le style littéraire n’est pas à rechercher, le travail réalisé ici étant minutieux et analytique dans un souci de réalité historique.

Lecaillon examine les situations avec lucidité, atténuant souvent les responsabilités individuelles des chefs français pour insister sur les erreurs collectives à tous les échelons du pouvoir politique et de la hiérarchie militaire.

Bien souvent il envisage les multiples possibilités qui s’offraient aux dirigeants pour conclure que au final toutes les solutions présentaient des inconvénients.

J’avoue que j’ai trouvé que cet exercice systématique assez vain.

J’ai en revanche apprécié les récits de combat par des soldats, réalisant l’horreur absolue de la guerre moderne capable avec ses machines de massacrer les hommes en quantité industrielles au rythme de 100 hommes à la minute.

L’étude de cette guerre est pour moi intéressante en tant que prélude à celle de 1914-1918 ou la France considérera qu’elle a  une revanche à prendre sur la terrible humiliation subie.

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