Lance Armstrong, itinéraire d'un salaud (Reed Albergotti, Vanessa O'Connell)
On reste dans le domaine du sport avec « Lance Armstrong, itinéraire d’un salaud » de Reed Albergotti et Vanessa O’Connnell.
Sorti en 2013, « Lance Armstrong, itinéraire d’un salaud » est une minutieuse enquête réalisée par deux journalistes du Wall Street Journal dans le but de démonter ce qu’ils appellent le système Armstrong, c’est-à-dire toute l’organisation complexe mise en place par le plus grand champion de l’histoire du cyclisme pour se doper, engranger des victoires, des profits et ainsi nourrir une fausse idole à laquelle toute le monde avait au fond de lui envie de croire.
L’histoire d’Armstrong débute dans les années 70 dans sa ville natale de Dallas (Texas), ou dès l’adolescence le jeune homme se découvre de belles qualités athlétiques s’exprimant à merveille dans les sports d’endurance comme la natation ou la course à pied.
Issu d’un milieu modeste, Armstrong a toujours haï son père alcoolique qui a abandonné sa mère Linda et entretenu des rapports conflictuels avec ses différents beau-père notamment le très sévère Terry Armstrong, alors que sa mère restait en comparaison sacralisée.
Animé très tôt d’un sentiment de revanche nourrissant une forte ambition, Armstrong se tourne logiquement vers le triathlon ou ses fortes capacités cardio vasculaires lui permettent de remporter plusieurs courses aux Etats-Unis.
Surclassé dans les plupart des compétitions qu’il remporte, Armstrong a comme mentor le triathlète Rick Crawford, qui lui apporte la rigueur dans ses entrainements ou déjà le jeune homme ne ménage pas ses efforts.
Au cours d’un triathlon à Austin, Armstrong est alors logiquement détecté par Eddy Borysewicz, entraineur cycliste d’origine polonaise ayant coaché dans l’équipe nationale Greg Lemond avant qu’il ne devienne professionnel et ne gagne le Tour de France, la course la plus relevée du circuit professionnel.
Soutenu financièrement par le riche homme d’affaire Thom Weisel, lui-même champion frustré et passionné de sport, Borysewicz parvient à force de persuasion, à convaincre Armstrong au début réticent à s’essayer au cyclisme en lui faisant miroiter les confortables gains des cyclistes professionnels européens.
Sous la férule du gourou polonais qui amène des méthodes importées d’Europe de l’Est qui font alors cruellement aux cyclistes américains, mal préparés, Armstrong intègre la team Subaru-Montgomery et obtient des résultats suffisamment prometteurs pour intégrer l’équipe nationale américaine.
Doté d‘un tempérament caractériel et égoïste, Armstrong se brouille avec Borysewicz et Weisel, préférant quitter l’équipe pour rejoindre leur rival Jim Ochowicz chez Motorola.
Confronté pour la première fois aux meilleurs Européens, Armstrong termine à une modeste quatorzième place aux Jeux Olympiques de Barcelone, trouve ses limites physiques et comprend que son seul important potentiel physique n’est pas suffisant pour lui permettre de prétendre jouer les premiers rôles au niveau mondial.
Alors prêt à tout pour réussir, il s’initie à Come (Italie) au dopage en prenant des stéroïdes puis fait parler de lui sur le Tour de France en remportant une étape avant de trouver ses limites en montagne, et obtient en 1993 son premier titre de gloire en devenant champion du monde sur route à Oslo.
Armstrong plonge alors sans vergogne dans l’engrenage du dopage en prenant comme tous ses coéquipiers de l’EPO et s’adjoint les services d’un très controversé médecin italien, Michèle Ferrari, qui apporte au sein de l’équipe Motorola sa conception scientifique de la performance et du dopage.
Au fil des victoires, il devient en tant qu’espoir américain, de plus en plus médiatique et attire les sponsors come Nike, Trek et Oakley avec lesquels il signe de gros contrats publicitaires.
Armstrong se montre toujours particulièrement arrogant, voulant être le leader incontesté de son équipe et vouant une jalousie tenace à Greg Lemond, qui deviendra son ennemi personnel.
Mais sa vie de futur star du sport bascule lorsqu’il découvre après une longue période de méforme en 1996, qu’il souffre d’un cancer d’un testicule.
Armstrong doit donc tout abandonner, subir plusieurs opérations dont l’ablation d’un testicule, une chimiothérapie et parvient à surmonter la maladie contrairement à son ami masseur John Terry Neal, atteint lui aussi d’un mystérieux cancer au même moment et qui décèdera en 2002.
Affaibli et sans cheveux, le cycliste aidé par son agent Bill Stapleton a alors dans l’idée d’utiliser son image de champion rescapé pour faire le tour des médias rapidement touchés par le symbole qu’il représente.
Armstrong crée une fondation pour lutter contre le cancer et parvient sur sa notoriété à récolter des centaines de milliers de dollars de dons.
Du coté privée quitte sa première compagne Lisa qui l’avait pourtant soutenu dans sa lutte contre la maladie, rencontre Kristin Richard qui travaille dans les relations publiques et ne tarde pas à être repris par le virus de la compétition.
Homme de challenges, Armstrong quitte son ancienne équipe française de Cofidis qu’il avait rejoint suite aux problèmes financiers de Motorola et signe chez US Postal Service, une division de la poste américaine versant dans le marketing sportif dans laquelle on retrouve Weisel et Borysewicz aux cotés d’un ancien cycliste de haut niveau Max Gorski reconverti en commercial.
Son arrivée provoque un conflit avec Borysewicz qui pour marquer son opposition finit par quitter le groupe.
Ayant épousé Kristin, Armstrong tente un retour en 1998 et tombe en plein scandale de dopage sur le Tour de France.
Epargné par l’affaire Festina, Armstrong reprend contact avec Ferrari et bénéficie à présent des précieux conseils de Johan Bruyneel, ex coureur cycliste belge recruté pour son sens tactique comme directeur sportif par Gorski.
Il travaille à perdre du poids, développer son endurance dans de longues sorties en montagne prêt de Nice ou il achète une résidence.
Cette combinaison ne tarde pas à payer puisque qu’Armstrong remporte le Tour de France 1999, en réalisant des performances stupéfiantes dans les étapes de montagnes qui constituaient jadis son point faible en raison de sa lourde carcasse de triathlète.
Pourtant révélé positif aux corticoïdes sur le Tour, Armstrong obtient le bénéfice du doute et parvient à conserver intact l’aura de son incroyable succès.
Avec sa victoire au Tour de France, Armstrong change de dimension, devient une superstar mondiale et tout particulièrement aux Etats-Unis ou il est reçu à la maison Blanche par Bill Clinton et Georges Bush alors gouverneur du Texas en personne.
Il sort son autobiographie « Il n’y a pas que le vélo dans la vie » qui devient un best seller lui permet d’engranger de gros bénéfices, signe de nouveaux contrats publicitaires ou renégocie à la hausse les précédents avec un record de 2 à 2,5 millions par an pour la seule US Postal.
Weisel en profite pour prendre habillement le contrôle de USA Cycling, l’organisation du cyclisme aux USA en créant une organisation parallèle qui la finance massivement et a ainsi accès à Hein Verbruggen, le président de l’UCI, à qui il effectue de généreux versements.
En ayant ainsi à sa main sur l’UCI, Weisel contrôle ainsi l’organisme qui gère la lutte anti dopage dans le cyclisme…
En 2000, pour lutter contre les nouvelles méthodes de détection de l’EPO, les coureurs de l’US Postal s’administrent le produit directement dans les veines et ont recours aux transfusions sanguines qu’ils effectuent dans le plus grand secret dans leur bus spécialement équipé.
Bruyneel utilise des hommes à tout faire (masseurs, soigneurs, mécaniciens) pour acheminer les poches de sang et produits dopant et faire disparaitre les traces des injections.
Malgré une nouvelle éclatante victoire au panache face à ses deux principaux rivaux Jan Ulrich et Marco Pantani, des journalistes de France 3 récupèrent dans les déchets de l’équipe des boites d’Actovegin, produit dopant à base du sang de veau mais l’UCI intervient en soutenant massivement Armstrong… avant d’interdire ensuite le produit en question !
Le livre révèle ensuite qu’Armstrong, déjà contrôlé positif à l’EPO sur le Tour de Suisse en 2001 peu avant sa troisième victoire au Tour de France a bénéficié de la surprenante clémence de l’UCI…
Pourtant certaines personnes commencent à se poser des questions et tentent de fissurer le système Armstrong.
Outre Lemond, intimement convaincu de la duperie, Steve Whisnant président de l’association d’Armstrong contre le cancer qui démissionne de son poste, le coureur italien Filippo Simoni balance d’abord Ferrari puis David Walsh, journaliste irlandais au Sunday Times qui prépare livre tentant de démontrer les accusation de dopage contre l’américain.
Se disant victime de harcèlement par les autorités françaises et par les agents de l‘UASADA, agence la lutte anti dopage américaine, Armstrong part s’entrainer à Gérone (Espagne).
En 2002, il est rejoint par un nouvel équipier américain prometteur, Floyd Landis, dont les performances physiologiques confinent au surhomme, surpassant même celui du champion en titre.
Landis se montre à la hauteur de son potentiel, permettant à Armstrong de décrocher son quatrième Tour de France en 2002, puis en 2003 malgré une grave blessure à la hanche.
En 2004 après une nouvelle victoire, Armstrong divorce et se met en couple avec la chanteuse de pop-rock américaine Sheryl Crow.
Ce couple ultra médiatique se recentre sur les Etats-Unis entre le Texas et la Californie.
Ayant investi dans Tailwind la société de Weisel qui lui apporte des revenus supplémentaires, Armstrong bénéficie de soutiens sans failles de ses sponsors qui ne lésinent par pour satisfaire à ses exigences ou caprices concernant le choix des matériels.
Il est si puissant que la sortie du livre de Walsh « L.A confidentiel » qui recueille pourtant les témoignages de son ancienne soigneuse Emma O’Reilly, d’un ancien adversaire soudoyé lors d’une course aux Etats-Unis le néo zélandais Steve Swart et de Betsy Andreux, la femme de son coéqupier Frankie, l’ayant vu s’injecter des produits dopant, passe innaperçu car bloqué par une campagne de presse assassine relayée par les principaux média américain dont les prestigieux CNN, New York Times et New York Daily News.
Armstrong ne se contente pas de se défendre, il contre attaque aussi violemment par le biais de ses avocats prestigieux comme Tim Herman contre les journaux ayant osé publier le livre, obtenant des dommages et interet du Sunday Times et n’hésitant pas à faire directement pression sur Andreux pour fragiliser la position de sa femme.
En représailles, Simoni est durement malmené dans le peloton après avoir tenté une échappée et même le puissant Bob Hamman président la société d’assurance SCA qui avait assuré les victoires d‘Armstrong, qui tente de récupérer cinq millions de dollars est contraint de plier face aux manœuvres d’intimidations judiciaires du clan Armstrong.
Enfin, Lemond manque de boire la tasse lorsque John Burke le président de Trek qui distribue ses vélos est sommé de rompre son contrat, avant finalement de renoncer par peur de couteuses poursuites face aux avocats de l’ex champion.
En 2005, à présent sponsorisé par Discovery channel en lieu et place de l’US Postals, Armstrong prend sa retraite après une ultime victoire sur le Tour de France mais son succès est à nouveau entaché par les affaires de dopage par l’Equipe qui diffuse des résultats de tests positifs lors du tour 1999 remporté par l’américain.
Le Tour de France 2006 est remporté par Landis dont la vie bascule après un contrôle positif.
Aux abois, lâché par tous les coureurs et soumis à la pression d’Armstrong qui craint que son ancien coéquipier ne balance tout sur son passé, Landis hésite longuement, déprime, divorce, mène une vie de marginal dans un bungalow d’un coin reculé de Californie avant finalement de prendre la courageuse décision de parler.
Sa confession à Jeff Novitzky et Travis Tygart respectivement agent et président de l’USADA est le point clé qui fera basculer la situation.
Après Landis qui collabore tel un repenti de la mafia tentant d‘alléger sa propre peine , d’autres coureurs se mettent aussi à parler pour soulager leur conscience et Armstrong se trouve ainsi trahi par ses propres coéquipiers, qui du reste ne l’appréçiaient pas.
Malgré une défense acharnée composée de dénégations farouches combinant preuves scientifiques de l’amélioration de sa physiologie après le cancer, régularité des contrôle anti dopages négatifs subis mais surtout de violentes contre attaques d’hommes politique de haut niveau pour miner la crédibilité de l’USADA, ainsi que des menaces de mort contre ses membres, Armstrong qui vient de réaliser un come back fracassant en 2009 pour terminer second du Tour de France, ne fait que retarder l’échéance.
Après des années de procédures, lorsque l’USADA commence à mettre en ligne sur Internet les documents prouvant de manière accablante les accusation de dopage dont il fait l’objet, Armstrong se trouve progressivement laché par ses soutiens dans la presse, son association puis par son principal sponsor Nike, qui le maintenait jusqu’alors à flot contre marées.
Banni des principales compétitions de triathlon et de marathon auxquels il était revenu avec un certain succès, Armstrong est alors contraint à une confession publique en 2013 devant la très médiatique Opra Winfrey mais ne montre à cette occasion aucun remord sur ses actes dans un contexte de banalisation du dopage dans le sport professionnel. Après avoir remboursé SCA et le Sunday Times, Armstrong et ses proches (Weisel, Bruyneel) se voient à présent englués dans d’autres procès intentés par ses sponsors dont le gouvernement américain propriétaire d’US Postals, ce qui rend son avenir professionnel difficile à prédire.
Mais l’homme vivant aujourd'hui avec la jeune Anna Hansen qui lui a donné deux enfants, parait plein de ressources…
En conclusion, « Lance Armstrong, itinéraire d’un salaud » est le livre ultime pour décrypter les dessous du sport professionnel et passionnera tous les amateurs de ténébreuses affaires judiciaires.
Bien qu’à charge contre l’ex champion, le travail des deux journalistes montre une trajectoire similaire à celle d’un homme politique à l’ambition démesurée, à l’égo hypertrophié et prêt à tout pour arriver à assouvir ses buts.
Par son combat victorieux contre le cancer et son engagement bien réel pour les malades, Armstrong aurait pu être l’idole, le symbole qu’on aurait tous voulu admirer mais c’était oublier la volonté incessante de performance de notre société qui ne reconnait que les numéro, les exploits, les records et n’a que faire des vies équilibrées.
Trop vite, trop haut trop fort, telle aurait pu être la devise d’Armstrong.
La déception à son encontre est donc à la hauteur de nos espérances: immense !
On aimerait une rédemption, plus d’humilité et un amour moins prononcé pour la réussite, la gloire, l’argent et les femmes… mais Armstrong pourra-t-il prendre ce chemin après tout ce gâchis ?
Derrière la personnalité charismatique d’un champion pétri d’exigences, « Lance Armstrong, itinéraire d’un salaud » montre de manière éclatante les relations existant entre les instances sportives comme l’UCI, les médias, certains puissants hommes d’affaires et sponsors unis par les mêmes liens sacrés du business.
On est donc ici bien loin de la pureté supposée du sport amateur, mais plus proche d’histoire de réseaux politico-mafieux…
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