Médecin du Raid, vivre en état d’urgence (Matthieu Langlois)


 

Sorti en 2016, « Médecin du Raid, vivre en état d’urgence » propose une exploitation du choc des attentats islamiques de 2015 pour livrer le témoignage de Matthieu Langlois, médecin au sein du groupe d’intervention d’élite de la police appelé le Raid, qu’on oublie parfois derrière le plus connu GIGN, son équivalent gendarmerie.
Le récit de Langlois se centre sur l’attentat du Bataclan, découpé par tranches de plusieurs heures, entrecoupées d’anecdotes personnelles sur d’autres affaires plus anciennes (notamment le cas Merah à Toulouse) ou tout simplement la vie à l’intérieur du groupe d’élite.
On comprend donc, sans s’en étonner outre-mesure, qu’au Raid, l’entrainement est une nécessité de survie et au-delà des épreuves de conditionnement physiques composées de séances de sports de combat, crossfit et footing, la reproduction de situations opérationnelles extrêmes comme des prises d’otages est poussée jusque dans ses moindres détails.
Seul élément non combattant du peloton, le « doc » n’en doit pas moins être au niveau physique et mental de ses collègues pour les accompagner au plus prêt de la « zone hostile ».
Ainsi Langlois est également un athlète, à la fois endurant et agile, capable de porter plusieurs heures durant un équipement lourd, de se faire « projeter » en varap d’un hélicoptère sur le toit d’une maison mais aussi familiarisé avec les armes à feu.
La raison de tout cette préparation apparait plus clairement au fil du récit de l’affaire du Bataclan : la doctrine du Raid nécessite le déploiement des équipes médicales au plus prêt de la zone de l’attentat afin d’optimiser la prise en charge des blessés.
Langlois explique ici longuement en quoi consiste son travail : nullement de sauver des gens mais de « trier » le cas en prenant des décisions orientant la prise en charge des blessés par les équipes médicales disposant de moyens plus lourds : pompiers, SAMU puis hôpitaux.
Le « doc » a donc sur lui le stricte nécessaire pour les premiers soins  et surtout de quoi empêcher des hémorragies fatales, le reste étant surtout une affaire d’expérience pour établir un diagnostic rapide de la gravité des lésions subies par des impacts « pénétrants » de projectiles ou par l’effet « blast » des balles ou explosifs.
Le terme de médecine de guerre est ici récusé pourtant cela y ressemble bien avec parfois des choix difficiles à faire lorsque comme pour le Bataclan, les secours sont submergés par l’afflux de victimes.
Pour le cas du Bataclan, Langlois décrit l’organisation des forces de l’ordre, sans oublier d’en évoquer les quelques dysfonctionnements notamment entre police, pompiers et urgentistes, puis la progression méthodique jusqu’aux étages ou étaient retranchés les tueurs juqu'à leur "neutralisation".
A chaque pas ou presque, une nouvelle découverte d’horreurs, des cadavres, des blessés graves ou simplement des victimes en état de choc, incapables de bouger.
Ce sont des hommes avec la hanche brisée ou des balles dans la clavicule qu’il faut convaincre de marcher pour sortir de l’enfer….des personnes à évacuer par les fenêtres ou les toits… dans ces conditions les gestes doivent être rapides mais justes, quitte à nourrir ensuite des regrets lorsqu’une victime n’a pas survécu.
Tout en rendant hommage au professionnalisme et au courage de ses collègues, Langlois prend position pour leur défense lorsqu’ils sont critiqués notamment dans l’affaire Merah ou les islamistes de Saint-Denis, des terroristes déterminés et violents, retranchés en milieu urbain, pour lesquels le Raid a du employer des grenades et des explosifs, dans des opérations à haut risques dans lesquelles plusieurs policiers ont été blessés.
Il y la cohésion du groupe, des hommes de valeur qui finissent par devenir des copains plutôt que des collègues, des valeurs de service et de respect de la tradition, notamment des anciens morts en intervention.
Les dernières pages se veulent une reconnaissance au travail des forces locales de police ou de la BRI, les premiers sur le terrain lors des attentats, un appel à une meilleure coordination/entente avec les rivaux du GIGN et les sapeur pompiers, puis une ouverture sur l’étranger avec des évaluations faites par des universitaires indépendants des dysfonctionnements des opérations effectuées.
En conclusion, « Médecin du Raid, vivre en état d’urgence » tient ses promesses de donner du choc et de l’émotion sans tomber dans le voyeurisme en décrivant de manière détaillée et clinique la prise en charge des victimes du Bataclan.
Au-delà du professionnalisme d’hommes surmontant le peur et les risques par un entrainement forcené, le récit de l’intérieur, centré sur le rôle d’un médecin sauvant des vies plutôt qu’appuyant sur une gâchette pour « neutraliser » des fous furieux est sans doute plus politiquement correct vis-à-vis des populations plutôt enclines à encenser les pompiers, les médecins et conspuer les flics et les militaires.
Un témoignage utile donc, même si il ne permet en rien d’appréhender la globalité d’un problème dont les racines doivent sans doute être traitées en amont et non en aval par des opérations militaires coup de poings.

Commentaires