Ecce homo (Friedrich Nietzsche)

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Friedrich Nietzsche toujours avec « Ecce homo »  son autobiographie philosophique publiée à titre posthume bien qu’écrite également en 1888, année décidément charnière pour le philosophe allemand.

Arrivé à un point il sent sa fragile santé décliner et ses forces l’abandonner, Nietzsche éprouve le besoin de se livrer tout en continuant à affirmer avec forces ses idées philosophiques.

Se dépeignant comme un immorale renverseur d’idoles, disciple de Dionysos attiré par le vertiges de sommets dans une constante volonté d’élévation pour atteindre le statut de surhomme débarrassé de toutes influences négatives comme la morale ou le christianisme, Nietzsche revient sur ses œuvres principales tout en s’accordant à penser que « Ainsi parlait Zarathoustra » est son chef d’œuvre, l’ouvrage qui changera à jamais la face de l’humanité.

Sur l’aspect plus personnel, le philosophe parle de sa santé précaire, des douleurs physiques que lui a infligé la maladie et des notions de décadence et de guérison qu’elle lui a enseignée.

Frappé en effet de faiblesse héréditaire avec un pére mort à trente ans, Nietzche estime avoir pris son destin en main et entamé tout seul son ascension vers la guérison.

Se jugeant fin psychologue, il estime ne pas connaitre la pitié et le ressentiment et si la guerre philosophique le passionne, ce n’est que contre des ennemis forts à la réputation établie.

Après des considérations sur l’importance de l’alimentation, du climat pour devenir un esprit avisé et égoïste, Nietzsche décrit ses modes de délassement principalement la lecture des pièces de théâtre (Horace, Molière, Racine, Corneille) ,a poésie (Heine, Goethe) , quelques romanciers (Maupassant, Stendhal, Dostoïevski)  et la musique (Wagner, Liszt, Rossini).

Le philosophe revient sur ses grands livres (« Par delà le bien et le mal » , Le «  crépuscule des idoles », « le gai savoir ») et analyse son impact sur ses lecteurs, qui du reste comprirent souvent mal son oeuvre combattant tout idéalisme pour remettre au premier plan l’humain.

Il détaille ses subites bouffées d’inspiration, la douleur qu’il éprouva après écrit « Ainsi parlait Zarathoustra » , l’estimant comme un tribut nécessaire à payer pour avoir accouché d’une œuvre immortelle.

La fin de l’œuvre constitue une féroce attaque contre ses compatriotes allemands qu’il tient décidément en piètre estime les estimant coupable de la plus grande décadence européenne depuis l’âge doré de la Renaissance en raison de leur nationalisme, de leur idéalisme, de leur manque de capacité d’auto critique, de profondeur et de leurs vertus chrétiennes.

C’est pour moi à cette occasion la première fois que Nietzsche critique l’antisémitisme du Reich ce qui ne laisse aucun doute quand à un éventuel lien de parenté de sa pensée avec l’idéologie nazi.

Enfin, Nietzsche termine en se demandant avec de forts doutes si son but a été atteint, si il a servi de révélateur contre le mensonge du christianisme afin de libérer l’humanité de l’oppression de la morale chrétienne pour arriver vers le dépassement dionysiaque tant espéré.

En conclusion, j’ai moins aimé « Ecce homo » que les précédents ouvrages de Nietzche.

Il ne contient pas le style flamboyant de « Ainsi parlait Zarathoustra » ni la brillante clarté structurelle du « Crépuscule des idoles ».

Malgré sa construction hétérogène, l’ouvrage est néanmoins intéressant par les clés partielles qu’il livre pour mieux comprendre le cheminement intérieur du philosophe et toutes les difficultés d’ordre privé qui forgèrent son incroyable détermination.

Ainsi la philosophie de Nietzsche bâtie pour les forts, les jouisseurs et les dominants trouve un écho étonnant dans l’état de grande faiblesse physique dans lequel il passa une bonne partie de sa vie.

On peut aussi imaginer que n’ayant plus rien à perdre, Nietzsche se lança dans une guerre philosophique kamikaze contre la toute puissance du christianisme et du nationalisme allemand.

Ce coté « David contre Goliath » avec un combat finalement perdu car trop en rupture avec les attentes de peuples faibles aimant à vivre dans la servitude réconfortante d’une religion ou d’une morale, me rend l’entreprise de ce fou génial éminemment sympathique même si cet égo démesuré peut par instant agacer.

On ne sent pas à vrai dire beaucoup de joie et d’apaisement dans un personnage féru d’élitisme et en perpétuelle lutte contre la médiocrité des autres.

Je ne suis pas sur non plus que la philosophie de Nietzsche complexe, atypique et à contre courant ait touché le grand public ce qui la rend unique, exotique et par endroit bouleversante.

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