Par-delà le bien et le mal (Friedrich Nietzsche)

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 Replongée dans les méandres tortueux de la pensée de Friedrich Nietzsche avec « Par-delà le bien et mal ».

Cet ouvrage dense paru en 1886 s’attaque en neuf partie aux grands courants philosophiques l’ayant précédé, pour mieux décrire sa propre vérité foncièrement différente.

Première constatation de Nietzsche, aucune philosophie n’est réellement impartiale et dénote toujours d’un parti pris de son auteur, souvent issu d’une intuition ou d’une conviction profonde, qu’il s’échine ensuite à ériger en système philosophique logique en réalité plus ou moins cohérent.

Partant delà, Nietzsche en vient à douter de même de l’idée de recherche de la vérité mais introduit plutôt un désir de dominer chez le philosophes en imposant son système aux autres par la force de son esprit.

Il puise ensuite dans les exemples du passé pour souligner certaines bassesses de philosophes dotés d’âmes soit disant supérieures ou l’orgueil de stoïciens prétendant inclure la nature dans leurs théories.

Le désir de découvrir sans cesse de nouvelles facultés de Kant est cruellement raillé, tout comme les théories atomistes de l’âme et l’idée de volonté développée par Schopenhauer.

Au final, Nietzsche en arrive au reproche central faite à tous ces philosophes, l’érection du principe de moralité avec un balancement perpétuel entre bien et mal, allant pour lui à l’opposée du seul véritable principe philosophique en jeu, la volonté de puissance et de domination.

Selon lui, pour développer sa vision élitiste du monde, le philosophe doit se retirer de la contagion de la plèbe et apprendre à user d’une multitude de masques pour déguiser sa réelle pensée, qui est la volonté de puissance.

Cet homme libre forcément exceptionnel car apte à régner sur les autres, apprendra à ne pas s’encombrer de principes moraux ou sentiments de faiblesse envers son prochain, à s’endurcir et à se viriliser pour arriver à son but.

Fort logiquement après les philosophie moralistes, vient le plus grand ennemi de Nietzsche, la religion et plus précisément le christianisme, coupable selon lui d’avoir infecté le monde en répandant ses principes moraux, son humanisme et sa vision erronée du monde axée sur l’antagonisme entre Bien et Mal.

Nietzsche remarque toutefois avec un grand sens psychologique que certains hommes vivant dans les grandes villes d’Allemagne, ont perdu le contact avec la religion, au profit de préoccupations beaucoup plus matérialistes comme leurs occupations professionnelles.

Il classe également les savant dans la catégorie des personnes ayant pris leurs distances avec la religion qu’il méprise en raison de la prétendue supériorité de leurs découvertes scientifiques qui font reculer la croyance.

Mais le christianisme est jugé par son rayonnement responsable d’avoir provoqué un nivellement des hommes et ainsi une dégénérescence de la race européenne.

L’homme fort, devra lui surmonter l’influence religieuse et l’utiliser ensuite comme moyen de domination sur les êtres inférieurs come ont pu le faire les grands conquérants de l’histoire (Alcibiade, César, Napoléon, Frédéric II, César Borgia …)

Après une quatrième partie composée d’aphorismes plus ou moins bien tournés avec toutefois la célèbre allusion au combat contre les monstres à la contemplation de l’abime qui finissent par nous corrompre.

La misogynie de Nietzsche apparait ici clairement et se confirmera de manière encore plus poussée par la suite.

Il est toujours question de morale dans la partie suivante, avec toujours ce sentiment d’abaissement, de mélange et de corruption de masses réduite à l’état de troupeaux d‘esclaves désireux d‘obtenir paix et égalité, et des attaques également contre les mouvements démocratiques modernes ou le judaïsme vu comme source première du développement de ces idées jugées par Nietzsche contre les forces de la Nature ou tout n’est que agression, violence, rapport entre fort et faible.

Pour Nietzsche, le philosophe doit être ce conquérant de l’esprit, capable de s’élever au dessus des masses bêlantes pour pourfendre les vides conceptions vertueuses et ainsi exercer ce pour quoi il a été crée.

Le philosophe martèle ensuite ces idées quitte à se répéter et opère ensuite une virulente critique de l’émancipation des femmes et de leur prétention à imiter/égaler les hommes sur le terrain de la pensée, alors que leurs atouts demeurent pour lui dans la séduction, la superficialité et les manipulations sentimentales ou elles excellent.

Cette volonté de s’élever est vue par Nietzsche comme un nouveau facteur de dégénérescence de l’Europe.

Vient ensuite le tour des peuples, avec une part dominante accordée aux Allemands, que Nietzsche tente d’analyser à grand coup de généralités psychologiques (profonds, honnêtes, naïfs et peu subtils) avec comme idéal germanique le mythe du héros germanique de « Siegfried » crée par son mentor Richard Wagner.

Dans un court passage consacré aux juifs, Nietzsche tente semble t il de se racheter de propos antisémites qu’il aurait tenu précédemment et en fait sans doute trop dans l’excès inverse au risque de sonner faux.

Le Français lui s’en sort plutôt bien, avec son gout pour l’art, le gout et l’incorporation d’une culture méditerranéenne sensée être bénéfique.

Dans la dernière partie, Nietzsche continue de développer sa vision élitiste du philosophe, appartenant à une caste aristocratique de dominant, propre à exercer sa puissance par le biais de la domination des hommes ordinaires par essence bornés par les principes moraux et démocratiques qui les asservissent comme du bétail.

On retrouve ici l’idéal du surhomme germanique hérité de Wagner, s’imposant contre l’adversité et la souffrance par sa force, son habileté, son courage, sa dureté mais aussi bien entendu une forme d’égoïsme.

En conclusion, « Par-delà le bien et  mal », est un ouvrage difficile d’accès en raison de ses multiples références philosophiques, historiques et religieuses.

Atypique, volontairement iconoclaste et à contre courant, la pensée de Nietzsche se développe, fier de sa force et de son indépendance farouche.

Sur le fond, rien n’a dire, il s’agit d’une philosophie d’un petit groupe de forts prenant l’ascendant sur les masses de faibles par un ensemble de qualité n’ayant rien de commun avec la morale et l’amour de son prochain, mais plutôt une farouche volonté animale de domination brutale qui se justifie avec les lois incontournables de la Nature.

Si les exemples dans l’histoire de ces personnages charismatiques (dictateurs ?) prenant l’ascendant par des moyens détournés, abondent, ceci ne relèvent pas d’une vision progressiste de l’humanité mais plutôt d’une vision brutale, individuelle et bestiale de l’existence.

Vous avez aussi du à une moindre échelle rencontrer ce type d’hommes dits « carriéristes » ou « ambitieux » prêts à tuer père et mère pour prendre un poste assurant un accroissement de leur pouvoir.

S’élevant souvent par une absence de scrupule patente, ils parviennent souvent à leurs fins alors que la majorité d’entre nous aurait très certainement renoncé ou se serait écarté en chemin par simple manque de cran.

Il se trouve que au risque de décevoir les adeptes de Nietzsche je trouve cette philosophie dangereuse et terriblement contre productive pour l’humanité.

J’aime croire en l’homme et penser qu’il vaut mieux qu’un être agressif, sournois et insensible.

Tout en respectant l’énergie insurpassable des forts, des promoteurs insatiables, une vie pacifiée, simple et équilibrée en accord avec quelques valeurs fortes, me parait plus rentable pour développer une harmonie intérieure et d’apaisement.

Nietzsche devait certainement avoir des raisons personnelles de développer cette vision agressive de l’existence.

Les relents d’antisémitisme et de nazisme qu’elle peut introduire, me semblent dangereux.

Un mot sur la forme enfin, avec beaucoup de redite et une pensée finalement assez chaotique, difficile à suivre, ce qui fait pâtir la lecture de ce recueil néanmoins instructive.

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