Géopolitique des énergies (Emmanuel Hache)

 


Sorti en 2022, « Géopolitique des énergies » est un ouvrage d'Emmanuel Hache économiste spécialisé dans le domaine de l'énergie.

Cet ouvrage aborde en 40 fiches forcément synthétique, la délicate et complexe question des rapport de force mondiaux autour de l'énergie.


Hache commence d'abord par rappeler l'essentiel : la domination écrasante (plus de 83%!) des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) qui depuis le Xxième siècle a façonné les rapports mondiaux entre pays industrialisés consommateurs voraces en ressources et pays « autres » principaux producteurs de ces matières précieuses.

Pourtant, même si la consommation en énergie fossile ne cesse de croitre en raison de l'industrialisation d'immenses pays comme la Chine et l'Inde, cette exclusivité tend à être aujourd'hui remise en question pour des questions de souveraineté et de protection de l'environnement.

L'Europe a certes entrepris une démarche volontariste pour produire de l'energie décarbonée et réduire ses émissions de gaz à effet de serre (réduction de -55% attendue en 2030!), même si le véhicule thermique qu'il soit à essence ou à gazole reste encore largement dominant, en favorisant les énergies renouvelables, encore minoritaires à l'exception de l'Allemagne qui produit déjà 40% de son énergie par ce biais, mais en réalité la Chine, longtemps considéré comme un mauvais élève a en ce domaine plusieurs longueurs d'avance avec son avance à marche forcée dans le développement de l'électrification des transports et des ENR (éolien, biomasse, géothermie, solaire).

Les États-Unis ont quant à eux réduit drastiquement leur dépendance au pétrole et au gaz par l'exploitation de pétroles non conventionnels et de gaz de schiste. Ceci leur a permis de renverser le rapport de force avec les pays du Moyen-Orient (principalement l'Arabie Saoudite) et de renforcer leur poids en Europe par l'exportation de gaz liquéfié.

Avec la guerre en Ukraine, l'Europe a elle découvert son extrême vulnérabilité face à la Russie, son principal fournisseur de pétrole et de gaz, ce qui a provoqué un sursaut certes tardif avec une recherche d'augmentation de la souveraineté en relançant les programmes nucléaires et/ou en cherchant à diversifier ses approvisionnement de gaz.

Pourtant assez adroitement, l'auteur explique que le remplacement du pétrole ou du gaz risque de créer une nouvelle forme de dépendance aux métaux rares (lithium, cobalt, cuivre, bauxite) indispensables à l’électrification des modes de transports, ce qui place encore une fois l'Asie (Chine, Japon, Corée) en raison de son contrôle de toute la chaine de valeur, soutenue par une politique de R&D de grande ampleur et un programme d'investissements stratégiques (les routes de la soie) permettant un contrôle des centres de productions principalement en Afrique, qui demeure à l'exception de l’Éthiopie et son projet (contesté) de Grand Barrage, la grande laissée pour compte de la consommation énergétique, allant de pair avec son sous-développement.

La question de l'energie possède également un impact social fort, poussant les grandes compagnies internationales « historiques » du secteur pétrolier à se diversifier pour changer leur image, le monde de la finance à investir dans des technologies « propres », les jeunes générations à rechercher un mode de vie plus « sobre » sortant du voiture-boulot-dodo.

En conclusion, « Géopolitique des énergies » réussit le tour de force de présenter de manière claire et souvent passionnante un domaine d'une grande complexité.

L’énergie, denrée précieuse définit en effet les rapports de forces mondiaux et détermine par les biais d'alliance complexes et parfois contre nature, les « forts » et les « faibles ».

Entre les pays riches en ressources mais désespérément sous-développés de l'Afrique et les super puissances comme les États-Unis et la Russie, consommateurs certes voraces mais également autosuffisant en terme de production et même devenus exportateurs, la Chine qui compense son déficit de matières premières par une politique énergétique mondiale d'une ampleur inégalée entre investissements massifs en R&D, modifications des flux financiers en valorisant le yen, « soft power » vers les pays producteurs, on trouve l'Europe, toujours dramatiquement coincée entre son mode de vie ultra consommateur d'energie et ses carences en matières premières.

Si les énergies fossiles dominent de manière écrasante (83%) la production mondiale, la part des énergies bas carbone croit, preuve qu'une prise de conscience est actuellement à l’œuvre quant à la raréfaction du pétrole et à la nécessité de protection de l'environnement pour notre propre survie.

Cependant, la ou le bat blesse est qu'il ne s'agit pas de substitution ou de transition, mais plutot d'addition, la demande en énergie ne cessant de croitre au niveau mondial. De plus les ENR crée une autre forme de dépendance aux métaux précieux, en quantité par définition également limitée.

On comprend donc assez vite que sans changement drastique de mode de vie, le problème est sans issue...et devant la mollesse des incitations gouvernementales, de rappeler que la pandémie du Covid a permis une chute 4,5% de la consommation durant l'année 2020.

Et si l'Homme ne pouvait malheureusement que compter paradoxalement sur les catastrophes pour sa propre survie ?


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