Brazilian psycho (Joe Thomas)

 



Traduit pour la première fois en français « Brazilian psycho » est un dense polar écrit par l'Anglais Joe Thomas et publié en 2018.

L'intrigue commence s'inscrit d'abord dans le présent avec la victoire de Jair Bolsanro aux élections présidentielles de 2018 et dans ce contexte de déchainement populaire, une arrestation « musclée » d'une activiste pro-Lula par des policiers militaires un peu trop zélés qui l'humilient et la violentent au poste de police.

Peu après, un homosexuel se fait agresser de manière encore plus violente dans un parc par des jeunes de favelas employés pour « sécuriser » des quartiers par certaines forces de police.

L'agression se termine par un meurtre sauvage et une spectaculaire mutilation, favorisée par le discours de haine du nouveau président.

Puis on se retrouve au début des années 2000 avec la victoire de Lula, représentant du Parti des Travailleurs (PT) et donc de l’extrême gauche brésilienne.

L'histoire, complexe, se déroule sur plusieurs niveaux : celui du monde des « affaires » dans lequel Ray Marx, un « consultant » américain spécialisé dans la fraude fiscale et le blanchiment intervient pour aider Capital SP, une société de placements financiers de Sao Paulo à engranger plus de bénéfices en surfant sur les programmes sociaux lancés par Lula.

Sur le terrain, Renata est chargée de veiller aux investissements de Captial SP pour « transformer » la favela de Paraisopolis, avec la volonté de raser les taudis pour reloger les habitants dans des logements en dur mieux conçus selon les standards de construction.

En réalité ses activités l'obligent à composer avec les trafiquants et à rencontre Rafael, un jeune skater chargé de la surveiller par les caïds.

Intelligent, le jeune homme monte en grade sans s'exposer inutilement à la violence des trafiquants de drogue. Il collecte l'argent de la Bolsa familia octroyé par Lula pour les plus démuni, le détourne pour ses patrons et veille à la distribution de nourriture dans une épicerie de quartier.

Mais son ami Franginho, est sous la coupe des « Militars » avec leur chef Carlos, qui exige régulièrement informations et argent sale.

Renata et Carlos sont reliés à Leme et Lisboa, deux inspecteurs de police civile, chargés d’enquêter sur le meurtre du proviseur d'un lycée « anglais », fréquenté par l'élite paulistaine.

Le proviseur, Paddy Lockwood, un homme respecté apparaît progressivement avoir mené une double vie et fréquenté un escort boy, Bocão, devenu prostitué pour fuir sa condition miséreuse.

La hiérarchie des deux policiers tente d'étouffer l'affaire en « proposant » un coupable venu de la favela et proche de la bonne de Paddock, puis classe rapidement l'affaire.

Mais ceci ne convainc pas les deux policiers tenaces.. le temps s'écoule, Lula passe la main à Dilma Roussef puis les scandales de corruption « Lava jato » éclatent... la conduisant à une destitution.

Le programme immobilier de soutien aux favelas n'échappe pas à la règle : argent détourné, constructions bâclées, profits immenses et favoritisme des entreprises de BTP montées en cartels.

Tout s'écroule comme un château de cartes, ce qui conduit Marx à retourner aux USA avec de beaux bénéfices...

Ce climat « anti corruption » profite au radical Bolsonaro qui prône un régime implacable, violent et rétrograde.

Renata est assassinée lors d'une descente de la PM, Leme est également tué en service mais Lisboa bien que mis sur la touche reprend le flambeau.

Rafael qui a refait sa vie avec Carolina, une ancienne black bloc, en dérobant une partie de l'argent sale de Carlos doit revenir dans la favela pour l'enterrement de sa grand-mère.

Les histoires se croisent alors, Carlos étant le point central reliant la mort de l'homosexuel, en réalité Bocão auteur du crime passionnel de Paddy son amant qui l'avait délaissé, mettant donc un terme à ses reves d'une autre vie en Europe ce que découvre Lisboa avec l'aide d'Ellie une journaliste anglaise qui diffuse des informations compromettantes sur la violence et la corruption de la PM.

Lorsque Rafael découvre que Carlos a couvert l'agression de Carolina, il décide de l'éliminer et par la même occasion de se débarrasser du chantage du PM.

La mort de Carlos, l'élucidation du crime de Paddock, n’empêche pas cependant São Paulo de célébrer la victoire du président le plus violent et radical du pays...

En conclusion, « Brazilian psycho » est une œuvre dense et d'une grande richesse présentant une fresque sur presque vingt ans de l'Histoire récente du Brésil.

Le roman n'échappe pas aux figures imposées du polar et du Brésil : corruption endémique, ultra violence, trafiquants et policiers militaires et présente des personnages quelques peu caricaturaux : favelados « malins », policiers tenaces, militaires brutaux...

Pourtant Joe Thomas en fin connaisseur du Brésil et en particulier de São Paulo produit un travail impressionnant, fourmillant d'expressions et d’anecdotes conférant un fond de réalisme à l'intrigue.

La construction du roman est intéressante, le rythme plaisant et... il est indéniable qu'au delà de l'aspect « pur polar » , « Brazilian psycho » instruit sur cette terre de contraste qu'est le Brésil et São Paulo sa capitale économique en particulier.

Impressionnant !

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