Le philosophe ignorant (Voltaire)

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Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas lu de philosophie et j’avoue que cela me manquait.

Paru en 1766, « Le philosophe ignorant » est mon premier Voltaire, l’autre grand philosophe français avec son ennemi Rousseau.

Passsée l'introduction assez pénible de Bernard Henri-Lévy, « Le philosophe ignorant » brosse en à peine plus de cent pages, un condensé de la philosophie voltairienne.

Voltaire commence d’abord par rappeler avec humilité la position de faiblesse et d’ignorance de l’homme pour développer l’idée que si on peut ressentir l’existence d’une intelligence suprême d’ordre divine, on ne peut en revanche pas expliquer comment cette intelligence ordonne le monde.

L’homme n’est donc pas capable de connaitre sa propre nature à fond et encore moins une nature d’ordre supérieure.

Il nie donc tous les travaux métaphysiques de ses prédécesseurs, les tournant à l’aide de sa plume acérée en ridicule comme Descartes qui voit l’homme pensant en permanence ou Gassendi.

Comme tout doit avoir une cause, le chaos originel n’est qu’une fable et l’homme qui se croit libre voit en réalité sa volonté soumise à des nécessités.

Une fois l’existence d’un Dieu suprême établi, Voltaire entreprend la critique de Spinoza qui le voit partout dans la matière du monde et d’un disciple de Platon ou des théologiens qui voient dans la planète terre le meilleur des mondes.

Seul semble trouver grâce à ses yeux l’anglais Locke dont la philosophie se montre consciente des limites de l’entendement humain incapable de percevoir l’infini et dont la volonté est asservie à la nécessité.

Puis vient la recherche de la morale, que Voltaire estime universelle à tous les hommes même si  certains hommes commettent des actes horribles sous couvert de justice.

Il égratigne au passage Locke en lui reprochant de citer des exemples sans fondements visant à montrer une amoralité de certains peuples lointains châtrant et dévorant leurs enfants.

Dans la dernière partie, Voltaire rend hommage aux ancêtres de la philosophie comme Zoroastre, Confucius qui prônèrent une morale simple emplie d’humilité, de justice et de bien.

Malgré ses critiques contre leur approche métaphysique il reconnait également la superbe vie morale des philosophes grecs (Platon, les Stoïciens), réhabilite Epicure et loue le mode de vie vertueux d’un Spinoza ou d’un Hobbes.

Voltaire apprécie également la puissance des fables d’Esope et la tolérance de la mythologie gréco-romaine comparée à l’intransigeance judéo-chrétienne dont les miracles reposent pour lui également sur des fables.

Il conclue en rappelant sa propre ignorance des temps obscurs de l’antiquité, des propres origines des Gaulois avant qu’ils ne soient colonisés par les Romains.

Les dernières pages, assez sublimes, voient la décision du philosophe d’exprimer haut et fort sa liberté de pensée face aux monstres hideux du fanatisme religieux.

En conclusion, « Le philosophe ignorant » constitue une excellente introduction de la philosophie de Voltaire.

Court, relativement accessible, cet ouvrage montre toute l’intelligence d’un penseur libre, humble et empli d’un pragmatisme qui l’honore.

Le style de Voltaire à la fois élégant, limpide, subtil et mordant est un véritable  régal.

Difficile donc de ne pas succomber au charme d’un ouvrage à recommander absolument.

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