Dépressives, hystériques ou bipolaires ? Les femmes face aux psys (Thierry Delcourt)

 


La thématique de la dépression toujours avec « Dépressives, hystériques ou bipolaires ? Les femmes face aux psys » de Thierry Delcourt.

Psychiatre de formation, Delcourt sort ce court ouvrage au titre provocateur en 2013 dans la volonté de s’intéresser aux particularités des troubles psychiques féminins.

On commence par battre les idées reçues en parcourant les habituels stéréotypes attachés aux femmes qu’on constate étroitement liés à leur évolution dans la société.

Dans un monde à dominance masculine, l’histoire a fréquemment associé les femmes au mot « hystérie » sans réellement chercher à approfondir la problématique.

La condition particulière de la femme liée à sa capacité d’enfanter offrait sur un plateau une explication à une sensibilité exacerbée se manifestant par de multiples et imprévisibles sautes d’humeur aux obscures raisons biologiques.

Sous l’influence des travaux de Martin Charcot, qui parquait les femmes réputées aliénées dans des asiles pour justifier complaisamment ses théories classant tous les troubles féminins en « hystérie », cette idée s’est largement répandue pour faire partie à présent du langage commun dans un registre resté peu flatteur.

Après l’arrivée des psychanalystes (Freud, Lacan), se développa une véritable écoute et la possibilité d’étudier moins sous l’emprise des préjugés sociétaux les psychoses féminines.

Delcourt évoque ensuite de nombreux exemples de cas issus de son expérience personnelle, de femmes en étant de souffrance avancé.

L’idée générale est de montrer l’unicité de chaque cas et de ne pas sombrer dans une classification sommaire poussée par la norme américaine du DSM (Diagnostic and statistical manual of mental disorders) aboutissant à propose rapidement un traitement médicamenteux ne résolvant rien dans la durée.

Les différentes stades de la vie de femmes sont ensuite abordés au travers d’exemples de femmes en détresse avec en premier lieu l’adolescence avec le cap difficile de la puberté et des modifications pas toujours acceptées de son corps allant de pair avec l’éveil de la sexualité pouvant jouer le rôle de catalyseur mettant à nue des troubles plus profonds liés aux parents.

Scarification, adoption de look gothique ou idées morbides peuvent alors surgir comme manifestations d’un mal être.

La maternité semble également une épreuve difficile, surtout dans les phases post accouchements ou on demande aux femmes de conserver le même niveau de performance au travail, de gérer les taches ménagères tout en prenant soin de l’éducation de leur enfant.

En effet contrairement aux idées reçues, l’évolution de la société montrent que statistiquement la répartition des taches ménagères n’a pas beaucoup évoluée que les hommes s’y consacrent peu.

Ce surcroit d’activités allié à la pression sociale « d’être heureuse » puisqu’on est mère, peut conduire certaines femmes à l’explosion et à de graves crises psychologiques dont leur progéniture peut aussi être victime.

Outre de spectaculaires effondrements de « Wonder women » qu’on pensait indestructible et se disant prêtes à tout mener de front, d’autres cas plus graves aboutissent à des tentatives de suicides ou de meurtre d’enfant.

Enfin, dans une société faisant la part belle à l’apparence et au jeunisme, la ménopause peut aussi conduire à de spectaculaires troubles, certaines femmes divorçant, se trouvant seules, inutiles car vieilles, sans énergie et non désirables alors que les progrès de la médecine promettent une vie encore active bien après 50 ans en Occident.

Le troisième chapitre bat en brèche la mode de la « bipolarité » véritable fourre tout nosographique dans lequel chacun tend à se classer, sachant que de manière générale, la bipolarité est une caractéristique inhérente à chaque être humain.

Le risque de classer chaque dépression sous le terme de bipolarité est d’aboutir à une surconsommation d’anti dépresseurs réputés efficace pour réguler les troubles de l’humeur.

Delcourt critique le risque de prescriptions hâtives en réponse automatique à un trouble passager sans effectuer une analyse plus profonde, ce qui peut aboutir à « accrocher » un patient à des traitement de longues durées à l’efficacité plus que contestable.

La puissance des groupes pharmaceutiques est mise en avant avec les campagnes de conditionnement qu’ils mènent pour transformer les psychiatres en machines à prescrire.

Opposé à cette approche, Delcourt réclame un investissement du psychiatre visant à comprendre les causes profondes du trouble et à mettre en place des solutions personnalisées indépendantes de toute classification dogmatique.

Il est en effet nécessaire de prendre en compte pour chaque cas l’histoire personnelle du sujet ainsi que son contexte socio-économique, génétique et organique afin d’effectuer un diagnostic le plus précis possible.

Lors de ces séances, le psychiatre doit donner de sa personne pour établir une relation de confiance en se montrant attentif, chaleureux sans être complaisant vis-à-vis d’un patient pouvant être se montrer manipulateur.

D’autres exemples de femmes hyper actives bien insérées socialement et/ou de mère de familles surinvesties sombrant dans corps et âmes dans des « burn out » viennent étayer le discours, avec à chaque fois un chemin vers un retour à la normalité après une période de mise en retrait pour se soigner, en précisant les conditions de ce retour et parfois sa fragilité.

Outre la disparité rémanente entre les hommes et les femmes dans la société avec des salaires moindres, une plus grande précarité et toute la gestion souvent d’un foyer… s’ajoute le triste statut de victime de la violence conjugale.

Si les femmes peuvent également se montrer capables de crise de furie extrêmement violentes, le nombre élevé de femmes violées, battues parfois à mort reste en effet un facteur non négligeable de souffrance féminine.

Impossible également de parler de psychologie sans parler de sexe, avec les difficultés que peuvent rencontrer certaines femmes aux comportements de « collectionneuses » d’amant face aux stéréotypes sociaux encore profondément ancrés voulant voir les femmes comme incapables de coucher sans aimer, plus douces, romantiques, sentimentales et amènent de se dévouer à un seul et unique amour.

Le culte de l’apparence frappe les femmes plus fort que les hommes, avec pour certaines l’obsession de la chirurgie esthétique visant à masque un problème de confiance en soi ou le cercle vicieux de l’anorexie, monstre rampant aboutissant à la jouissance absolue de l’illusion de contrôler le monde par son alimentation.

Ce dernier cas illustré par un exemple de comportement radical, se montre réellement effrayant par son apparente impossibilité d’échappatoire.

Le dernier chapitre, ayant valeur de conclusion, met en exergue les vertus dites positives d’un rapprochement progressif de la souffrance psychique des hommes et des femmes allant de pair avec celui de la société, ou les différences peu à peu se gomment.

En conclusion, « Dépressives, hystériques ou bipolaires ? Les femmes face aux psys » est un ouvrage parfois difficile d’accès en raison de son vocabulaire de spécialiste, de certaines tournures de phrases assez lourdes et de la multiplicité de ses exemples se voulant didactiques.

Le propos est souvent corrosif, se voulant bousculer les idées reçues et proposer des alternatives aux traitements stéréotypées en particularisant le patient, en amenant le psy à s’impliquer et à mettre en œuvre certains procédés artistiques comme l’écriture ou la peinture pour surpasser des situations de blocage.

Plaidoyer féministe penchant nettement du coté de la thèse de la « femme victime » d’une société globalement machiste, « Dépressives, hystériques ou bipolaires ? Les femmes face aux psys » force parfois trop le trait à mon gout mais atteint globalement son but en informant sur les spécificités des troubles féminins, les différences les plus marquées avec les hommes apparaissant pour moi dans les phases de jeune mère ou de ménopause.

Un ouvrage instructif donc même si le style de déménageur pourra rebuter plus d’un (ou une) lecteur(rice).

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