Journal (Kurt Cobain)

 


Figure emblématique des années 90, Kurt Cobain marqua à jamais son époque et toute une génération qui se retrouvait dans le mouvement « Grunge » dernière émanation réellement artistiquement intéressante du rock.

Son suicide en 1993 choqua le Monde, révélant les fêlures derrière la star adulée, aussi la lecture de ce « Journal » édité pour la première fois en 2002 m'a donné envie d'en savoir plus.

Rassemblant des notes, dessins et réflexions intimes issues de la période 1989-1993, « Journal » se révèle une mine d'or pour comprendre un peu mieux la personnalité du grand Kurt, ou Kurdt comme il se surnommait.

Au début on y trouve les doutes légitimes d'un jeune homme tentant de percer avec son groupe, cherchant des dates dans la banlieue de Seattle pour se faire connaître.

Une lettre assez délicate explique comment le premier batteur, Dave Foster, pas assez impliqué à ses yeux a été évincé.

Kurt évoque ses origines de « petit blanc » minable, sans avenir, complexé par sa maigreur et plombé par une hyper sensibilité.

Ses influences musicales prennent une place prépondérante, comme en témoignent les inlassables listes de groupes et morceaux qu'il vénère, avec des racines punk (Stooges, Sex Pistols) mais aussi plus étonnamment R.E.M ou du blues même si au dessus de tout semblent régner les Melvins et les Pixies.

Kurt semble dédaigner le heavy metal qu'il estime une musique de « blanc macho » et tout particulièrement les groupes de poseurs du glam-rock des années 80.

La musique qu'il souhaite créer doit avoir l'impact social du punk, sa violence aussi mais tout en se mariant avec la pop pour pouvoir passer en radio et ainsi combattre le système de l'intérieur.

Car Nirvana est bien un groupe en rébellion contre les valeurs conservatrices de la société : le capitalisme qui dévore tout sur son passage, le racisme et le machisme.

Cobain prétend donc éveiller les conscience par la musique et le succès qu'il espérait tant va aller au delà de ses plus folles aspirations avec « Nevermind » l'un des disques les plus vendus de l'histoire de la musique.

Devenu une « star » malgré lui, Cobain l'introverti maniaco-dépressif va mal supporter cette exposition médiatique comme le montre les passages rancuniers contre les journalistes « rock critics » qu'il traite au mieux d'incompétents, au pire de menteurs.

Dans son mal-être, il trouvera refuge dans le drogue et croira trouver un remède à ses violentes douleurs à l'estomac en devenant un consommateur régulier d'héroine.

Comme le montre son journal, Cobain était parfaitement lucide sur son addiction et décrit de manière parfaite le mécanisme d'engrenage menant à la condition de junky et surtout le long combat (5 ans minimum) pour s'en extraire.

Partout la créativité fourmille, avec des projets de textes et de vidéos illustratives complètement barrées telles celle de « Heart shapped box ».

L'amour pour sa fille Frances qu'il n'aura connu qu'une année avant cette fin tragique est touchant.

En conclusion « Journal » est une plongée fascinante dans l'esprit des plus grands artistes contemporains.

Créatif, visionnaire, ambitieux, Cobain était également un être fragile, sensible et mal dans sa peau qui est entré vraisemblablement dans une spirale d'auto destruction quand il a compris que son succès et le personnage public qu'il était devenu le dépassait à présent.

Autodidacte, issu d'un milieu de « petits blancs » minables, Cobain a atteint au moins partiellement son but en ayant un impact sociétal aussi bref qu'immense sur la jeunesse qui l'écoutait dans les années 90.

Ce « Journal » est un témoignage vibrant de sa volonté de rébellion contre une société qui l'étouffait, de sa grandeur d’âme vis-à-vis de ce qu'on appelle aujourd'hui les « minorités » (femmes, gays, noirs), de sa naïveté également.

Bien entendu la face sombre est également présente dans des phases de dépression, d'addiction avec déjà en pointillé le goût pour les armes et l'idée de se supprimer.

Même si l'idée de devenir une vieille rock star sur le retour le répugnait, on pourra simplement regretter que Kurt n'ait pas vécu plus longtemps et pu profiter de cet enfant qu'il semblait tant désirer...

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