Johnny s'en va t'en guerre (Dalton Trumbo)
Sujet difficile avec « Johnny s’en va t’en guerre » unique film de Donald Trumbo récompensé par un Grand prix spécial du jury au festival de Cannes.
Sorti en 1971 d’après son propre roman paru en 1939, « Johnny s’en va t’en guerre » raconte l’histoire incroyable et terrifiante de Joe Bonham (Timothy Bottoms) jeune soldat américain grièvement blessé en Europe pendant la Première guerre mondiale.
Touché par un obus alors que sa hiérarchie lui demandait de décrocher le cadavre pourrissant d’un soldat allemand accroché à un fil barbelé, Joe a contre toute attente survécu à d’horribles blessures qui lui ont couté les bras, les jambes et emporté la moitié du visage.
Privé de la quasi-totalité de ses sens (vision, ouïe), de toute motricité musculaire ou de possibilité de communication, Joe est maintenu en vie dans un hôpital militaire ou des médecins soldats l’examinent à titre de curiosité scientifique.
Mais malgré son lourd handicap, Joe est resté conscient et tente d’analyser la situation dans laquelle il se trouve.
Lorsqu’il réalise son état, le choc est rude et le jeune homme se raccroche alors au flot des pensées qui le submerge inlassablement.
Entre purs souvenirs et rêves entretenus par les drogues qu’on lui administre pour contenir la douleur, Joe revit sa première expérience sexuelle avec sa petite amie (Kathy Fields) la veille de son départ mais aussi sa relation aves son père (Jason Robards) homme simple, bon et droit.
Joe se revoit repousser sa petite amie qui lui demande de rester à ses cotés, l’idéalisme naïf du jeune homme étant plus fort que l’amour.
Plus étrangement, Jésus Christ (Donald Sutherland) apparait par intermittences, prédisant la mort des camarades de Joe sur les champs de bataille et pour lui un destin plus cruel encore.
Jésus Christ est également interrogé par Joe, qui compte tenu de son état désespéré, ne peut que se raccrocher à la religion.
Mais même Jésus apparait maladroit et démuni pour aider Joe.
Comprenant que la religion ne peut l’aider, Joe fait alors appel à son père, qui entre deux leçons philosophiques sur le sens de la vie, lui souffle l’idée de communiquer avec les vivants en effectuant du morse à l’aide de sa tête encore mobile.
Ceci semble fonctionner et Joe peut alors entrer en contact l’infirmière (Diane Varsi) qui s’occupe de lui.
La bonté, la sensibilité et la bienveillance de la jeune femme sont impressionnantes, aussi ne tarde t elle pas à comprendre ce que ressent Joe.
Bien que réduit à l’état végétatif, Joe peut néanmoins ressentir le toucher sur sa peau et le réchauffement du soleil inondant sa chambre lui apparait alors comme une délivrance.
L’infirmière parvient à convaincre les médecins que Joe est conscient, et un curieux dialogue s’engage alors avec un général (Eduard Franz) pour comprendre ses pensées.
Se sachant perdu, Joe réclame d’être exhibé dans les fêtes foraines comme le monstre le plus incroyable jamais trouvé sur Terre, le tout pour montrer les horreurs de la guerre sur les soldats engagés.
Devant le refus bien compréhensible des militaires, Joe demande donc à mourir.
Mais le brigadier général (Bryan Morrow) refuse et après la violente rébellion du prêtre militaire (Ed Gilbert), décide de la gaver de médicaments.
Seule l’infirmière pris de compassion prend alors sur elle d’exaucer le vœux de Joe et de le tuer.
Elle est malheureusement arrêtée dans son geste par le général.
Joe se retrouve donc seul dans une détresse absolue à se morfondre dans sa chambre d’hôpital.
En conclusion, « Johnny s’en va t’en guerre » est un film douloureux, bouleversant, d’une force émotionnelle inouïe.
Violent plaidoyer antimilitariste, il dénonce la cruauté et l’imbécilité des dirigeants menant au sacrifice des jeunes innocents aveuglés par leur patriotisme naïf.
Mais plus que la charge politique, l’auditeur est estomaqué par la situation de mort vivant vécu par un jeune homme et par tout l’horreur de celle-ci.
Vivant mais atrocement et définitivement mutilé, le soldat déchu n’est plus qu’une coquille vide, un morceau de viande soumis au bon vouloir de médecins aux vues étroites.
Trumbo montre l’inutilité de la religion et offre comme seuls réconforts la compassion maternelle de l’infirmière et la figure philosophique paternelle, emplie de valeurs simples mais bonnes comme le rejet du profit par le travail, l’attachement aux joies de la nature (comme la pèche), la tolérance, la générosité et l’importance de la transmission familiale.
Mais plus que le fond, la forme du film en huis clos à la fois sobre et onirique, vous marquera à jamais.
Brillamment illustré par la chanson « One » de Metallica, « Johnny s’en va t’en guerre » est un film d’une profondeur inouïe questionnant l’homme autour des sujets essentiels comme la guerre, la maladie, la mort, l’amour, la famille, la religion et la philosophie.
Une œuvre majeure donc, auquel chacun d’entre nous pourra penser une fois qu’il sera cloué dans un lit d’hôpital avec en ligne de mire l’issue forcément fatale derrière les tissus de mensonges qu’on se raconte soi même en pareille occasion.
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