Les écoles présocratiques, partie 2 (Jean-Paul Dumont)

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Poursuite de la grande aventure de la philosophie avec la seconde partie de « Les écoles présocratiques » de Jean-Paul Dumont.

Après les Pythagoriciens viennent d’autres « italiens », les Eléates Parménide et Zénon d’Elée, tous natifs de cette région du sud de l’Italie assimilée aujourd’hui à la Campanie.

Connu pour être le premier a affirmer que la Terre a une forme sphérique, Parménide né entre le VI ième et le V ième siècle avant Jésus Christ, est également connu pour établir une doctrine philosophique établissant clairement une différence un univers divin unique, éternel, immobile, sphérique, inengendré  accessible par la pensée et une réalité sensible mouvante et engendrée par le feu et la terre.

Parménide se place donc dans une position de négation des réalités sensibles pour se réfugier dans le monde de l’intellect pur, seul pour lui réceptacle de la vérité.

Pour confortable qu’elle soit, cette position rend impossible l’étude des réalités physiques car relevant de l’opinion et donc de l’erreur.

Les fragments de ces études sur la nature, traitent de cosmologie, géologie, biologie.

Fort logiquement, son disciple Zénon, est connu pour être l’inventeur d’une arme rhétorique et logique infernale, la dialectique qui sera intensément pratiqué par Socrate mais également pour avoir été le dirigeant d’Athènes, Périclès.

Tué par Denys, le tyran de Syracuse après lui avoir courageusement tenu tête, Zénon passa l’essentiel de son temps à bâtir de puissants outils logiques (apories, paradoxes) pour affermir les théories de son maitre Parménide, sur l’existence d’un monde unique, indivisible, immobile les plus connues d’entre eux étant les paradoxes de la dichotomie, de la course d’Achille et de la tortue, du stade, de la flèche et de la chute de grains de mils montrant l’impossibilité du mouvement et de la continuité du monde car impossible à découper jusqu’à l’infini.

L’école Abdéritaine nous ramène en Grèce ou plus exactement en Thrace (actuelle Bulgarie) et développe par l’intermédiaire de Leucippe et surtout Démocrite, une approche radicalement opposées de celle des Eléates car fondée sur la physique, le mouvement et l’illimité.

Ayant vécu prêt de 90 ans entre le V ième et le IV ième siècle av JC, Leucippe est connue pour sa philosophie essentiellement matérialiste du monde, centrée sur l’existence du vide dans lequel se meuvent continuellement des particules élémentaires insécables appelées atomes, constituant le monde.

Point ici de principe transcendantal, mais des forces appelées Nécessité ou Hasard, niant la part d’ordre divin du monde sensible et extra-sensible.

Leucippe décrit de manière assez précise le processus physique de formation du monde par répartition massique des corps et croit en l’existence de simulacres (ou effluves corporelles) permettant de percevoir les réalités sensibles.

Son élève Démocrite reprend les mêmes thèses mais les développe encore plus, acquérant par le bon état de sa volumineuse production, une renommée supérieure qui fait de lui le chantre de l’atomisme, doctrine qui sera reprise par les sulfureux Epicure et Lucrèce.

Figure essentielle et dominante des présocratiques, Démocrite est décrit comme un grand voyageur s’étant nourri des sciences et philosophies indiennes, égyptiennes, perses et babyloniennes, puis s’étant débarrassé de tous ses biens pour vivre dans le dénuement et se consacrer à la philosophie.

Le vide et les atomes crochus indestructibles tourbillonnant indéfiniment sont les composants essentiels du monde, en le constituant par réunion ou séparation selon les lois du hasard.

L’âme confondue avec l’intellect est également un composé atomique matériel et est périssable avec le corps.

Un autre aspect intéressant est son étude cosmologique, qui voit l’existence d’une multiplicité d’univers naissant et mourant, certains étant habités d‘êtres vivants.

Moins connu mais sans doute aussi voir plus passionnant, est sa conception de l’éthique connue par Stobée et Plutarque, montrant par l’intermédiaire de courts et percutant aphorismes, superbes de style et de profondeur, prônant une vie mesurée, courageuse, juste, tournée vers l’intellect et libérée de passions corporelles (argent, pouvoir, sexe) comme de la peur de la mort.

Un chapitre particulier est ensuite dédié à Anaxagore, philosophe athénien qui enseigna à Périclès et au tragédien Euripide.

Pour Anaxagore, le monde matériel est gouverné par l’Intellect divin qui met en mouvement des particules élémentaires éternelles et illimitées appelées homéoméries rappelant curieusement les atomes de Leucippe et Démocrite, dont il était contemporain et partageait le mode de vie austère détaché des biens matériels et centré sur la recherche scientifico-philosophique.

Anaxagore fut attaqué par ses successeurs pour le peu de description qu’il accorde à ce fameux Intellect et échappa de peu à la mort pour avoir osé décrire le soleil comme une boule de feu au lieu d’une divinité.

L’ouvrage se termine par une analyse des principaux sophistes grecs qui étaient Protagoras, Gorgias, Prodicos et Hippias.

Vertement attaqués par les grands philosophes (Socrate et Aristote), les Sophistes sont vus comme des imposteurs, dispensant par appât du gain un faux savoir qui passe à coté de la véritable recherche philosophique.

Peu de pages sont consacrées à Prodicos et Hippias, plus connus pour leur érudition ou leur éloquence que pour la profondeur de leur pensée.
L’inventeur de la rhétorique, Protagoras se taille en revanche la part du lion par l’intermédiaire des écrits de Platon, qui en font un interlocuteur et rival respectable de Socrate, bien que beaucoup trop attiré par le profit.

Protagoras est connu pour avoir posé l’homme comme la mesure de toute chose, ce qui conduit à mettre très sérieusement en doute l’existence de dieux par essence inaccessibles à l’homme.

Le brillant orateur Gorgias pousse encore plus loin le raisonnement jusqu’à nier l’existence de connaissances transmissibles par l’homme au motif que la réalité n'existe pas et ne peut pas non plus être pensée.

En conclusion, « Les écoles présocratiques, partie 2 » se montre plus abordable que le premier tome.

J’ai plus apprécié la philosophie matérialiste et athée des Abdéritains, car foncièrement en avance sur leur époque, alors que celles des Eléates sans doute parvenue jusqu’à nous de manière trop parcellaire, m’a laissé plus de marbre.

Parmi les présocratiques, Démocrite ressort fortement comme le grand penseur de cette époque avec Pythagore lui aussi concepteur d’un puissant système, bien que beaucoup plus abstrait à mes yeux.

Ses aphorismes consacrés à l’éthique sont parmi les plus belles et pures choses que j’ai pu lire en philosophie.

Peu d’intérêt en revanche pour les Sophistes, à la portée philosophique foncièrement moins étendue que leurs rivaux Philosophes.

Je recommande globalement cette lecture pour plonger aux racines les plus profondes connues de la philosophie grecques qui nous ramènent toutes indirectement vers des sources plus anciennes encore : égyptiennes, babyloniennes et indiennes.

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