Assassinats ciblés, critique du libéralisme armé (Amélie Férey)

 



Sorti en 2020 d'après un travail de thèse de doctorat, « Assassinats ciblés, critique du libéralisme armé » est un ouvrage de la chercheuse en sciences politiques d'Amélie Férey.

Comme l'indique son titre, à travers ce livre, Férey propose une réflexion portant sur la légitimité des assassinats ciblés pratiqués aujourd'hui par des drones dans des pays lointains.

Au cœur de cette pratique, deux pays « pionniers » en la matière, Israël et les États-Unis qui constituent la matière première du livre.

Israël tout d'abord, qui la première a eu recours aux assassinats ciblés par des commandos, généralement envoyés contre les Arabes palestiniens ou non, responsables d'attentats.

Niant tout d'abord ces actes, Israël a fini progressivement par les assumer après-coup, vantant ensuite le recours aux drones pour épargner la vie de ses hommes dans des missions périlleuses à l'étranger.

Après les horreurs de l'opération Phoenix au Vietnam, les États-Unis ont mis plus longtemps à revenir aux assassinats à distance. Le terrorisme islamique et le 11 Septembre 2001 ont été des déclencheurs et ont permis de populariser les célèbres drones Reaper et leurs missiles Hellfire.

Le problème de la violation des traités internationaux ne semble pas avoir arrêté ses deux super puissances qui ont adopté une interprétation très favorables des textes de droits internationaux.

Si Israël a ensuite tenté sous l'impulsion de démocrates de justifier a posteriori ses actions par des jugements de commissions ad hoc, ce processus particulièrement opaque, n'a jamais abouti à la moindre condamnation.

L'opacité semble en effet la règle dans ce type de pratique et Obama qui décrocha un prix Nobel de la paix, intensifia pourtant ces pratiques, en protégeant ses décisions par des écrans de fumées destinés à faire taire ses détracteurs les plus virulents.

Mais au final, soutenus massivement par leurs opinions publiques qui approuvent les éliminations sans ambage de terroristes, les attaques contre ces gouvernements ont toujours été bien faibles, la notion amibigue de « guerre préventive » s'avérant pratique pour juger de l'imminence d'un danger de sécurité intérieure, permettant d'agir en violant la souveraineté d'états servant de sanctuaires à des organisations terroristes.

Autre facteur d'opacité, l'efficacité réelle de ses attaques, impossible à déterminer, avec plus de 90% des cas des cibles non désignées par l’État-major au moment de la frappe, des victimes collatérales, ainsi qu'une controverse sur les effets sur des organisations tentant plus du réseau en nuage que de la pyramide.

En conclusion, « Assassinats ciblés, critique du libéralisme armé » se montre difficile d'accès en raison de l'emploi d'un vocabulaire philosophico-juridique aride pour le non initié.

Cette entrave stylistique posée, le contenu cible trop exclusivement Israël et les États-Unis, alors que rien ou presque n'est dit sur la politique de la France, l'Italie ou du Royaume-Uni qui bien qu'appartenant aux pays démocratiques ont eux aussi emboité le pas de l'assassinat par drone, ou bien intéressant pour d'autres raisons sur les Russes et les Chinois ?

Ces grandes limitations posées, le questionnement de l'auteure porte judicieusement sur la terrible opacité des procédures amenant à designer une cible (en fonction de ce qu'il a fait, qu'il a pour projet de faire ou de ce qu'il est ?), sur le manque de contrôle des instances judiciaires locales ou internationales et surtout sur l'impossibilité d'évaluer l'efficacité réelle de ses frappes sur les organisations ciblées.

On aurait également aimé une conclusion s'ouvrant plus ambitieusement sur le futur, avec une tendance à une généralisation de ses pratiques aboutissant à des guerre de drones ou au contraire, plus improbable par plus de régulation ?

Dommage donc car aussi bien sur le fond que sur la forme, on reste sur sa faim !

Commentaires