Le Brésil, terre d'avenir (Stefan Zweig)

 



Il y a bien longtemps que je voulais lire « Le Brésil, terre d'avenir » de Stefan Zweig considéré comme un des ouvrages des références sur ce grand pays.

Publié en 1941 alors que l'écrivain juif autrichien est en plein exil loin de sa terre natale, « Le Brésil terre d'avenir » commence par une partie historique très fournie dans laquelle Zweig s'attache à décrire de manière personnelle les grandes étapes de la « découverte » de ce pays-continent et de son développement rapide.

Il apparaît que malgré ses potentialités quasi infinies, le Brésil fut après sa découverte plutot dédaigné au début par les navigateurs portugais qui étaient intéressés par des gains financiers rapides afin de renflouer les caisses du royaume.

Nulles pierres précieuses, épices ou or à voler donc mais une nature profonde et hostile dès qu'on s'éloignait un peu des interminables cotes.

C'est l'ordre des Jésuites mené par le charismatique Manuel de Obrega, qui contribuera pour beaucoup au début du développement du Brésil, par une œuvre d'évangélisation des Indiens et par un goût du travail sans relâche.

L'ordre tentera de s'opposer aux rapts des Indiens par les Bandeirantes, ces Paulistas en quête de fortune rapide par le culture du bois « pau brasil », puis de la canne à sucre et du café.

Pour assouvir les besoins naissants de ces ambitieux aventuriers, les Indiens furent enlevés puis asservis, avant que les esclaves noirs importés d'Afrique ne prennent le relais.

Zweig minore de manière erronée les conditions de vie des esclaves africains et préfère souligner le combat d'hommes éclairés comme Dom Pedro II, opposé par principe comme l’Église à la traite des êtres humains, même si leur libération prendra beaucoup de temps en raison de l’extrême difficulté à faire respecter le droit dans ses terres sauvages.

Autres passage austère consacré à l'économie, dans lequel Zweig explique l'éphémère ruée vers l'or de Mina Gerais, l'explosion du caoutchouc dans l'Amazonie et le Para, puis celle plus rentable du café dans l'état de São Paulo, mais met également en évidence les défauts structurels du Brésil : infrastructures (routes, voie ferrées) et mécanisation insuffisantes pour assurer une productivité comparable aux pays industrialisés.

Durant la longue première partie du livre, un hommage permanent est rendu au « peuple » brésilien, considéré comme doux, pacifique et agréable. L’extrême variété du métissage frappe l'auteur qui y voit une réponse définitive au fanatisme racial alors naissant en Europe.

Dans la seconde partie, plus « littéraire », Zweig laisse libre court à son émerveillement dans des descriptions passionnées et passionnantes des grandes métropoles brésiliennes avec au dessus du lot Rio de Janeiro puis Salvador de Bahia, berceau de l’âme noire du Brésil.

En conclusion, « Le Brésil, une terre d'avenir » mérite fort bien se renommée et son statut d'ouvrage de référence sur le Brésil.

Pourtant sa première partie bien qu'instructive sur le plan historico-critique se montre plutot austère malgré les marques de sympathie et d’admiration pour le « peuple brésilien » qu'il juge supérieur car plus pacifique et doux que les fanatiques sévissant au même moment en Europe.

Dans la seconde, Zweig débride sa plume et nous fait vibrer de toute l'étendue de son talent dans ses descriptions passionnées et passionnantes, notamment de Rio de Janeiro, qui constituent l'une des plus belles déclarations d'amour qui soient.

Avec le recul, « Le Brésil, une terre d'avenir » a été beaucoup critiqué pour une certaine naïveté, sinon une vision idéalisée de la société brésilienne, sans racisme, sans violence et se dirigeant vers un progrès aussi rapide qu'inévitable.

Plus de 80 ans après, le bilan d'un pays rongé par la corruption, les inégalités sociales et la criminalité ne peut qu’être décevant.

Mais ceci n'enlève en rien au lustre de l’œuvre de Zweig, qui décidera de conclure sa vie un an après dans cette nouvelle terre d'adoption, à Petropolis.

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