La femme flic (Yves Boisset)
Nous abordons maintenant un sujet difficile avec « La femme flic » d’Yves Boisset.
Sorti en 1980, « La femme flic » raconte l’histoire d’une inspecteur de police, Corinne Levasseur (Miou-Miou), spécialisée dans les maltraitances infantiles, qui à la suite de plusieurs maladresses notamment la gifle d’un de ses amants magistrats en plein tribunal, se trouve mutée dans le nord de la France dans la région de Lille.
Levasseur se retrouve esseulée donc dans le commissariat d’une petite ville située dans la zone des corons, qu’on pourrait appeler à juste titre le quart monde français tant cette région sinistrée par le chômage est appauvrie.
Malgré l’accueil plutôt sympathique de son coéquipier, l’inspecteur Simbert (Alex Lacast) un antillais qui lui apprend que toute la ville est sous la coupe d’un puissant industriel Muller, Levasseur est rapidement cantonnée par son patron, le commissaire Porel (Jean-Marc Thibault) à des taches purement administratives bien loin de ses compétences.
Pourtant, la découverte du corps d’une petite fille dans un terril va changer la donne et pousser l’inspectrice a retourner sur le terrain pour investiguer.
La police effectue tout d’abord une spectaculaire mais inutile descente dans le milieu des travailleurs clandestins, qui n’aboutit à rien d’autre qu’à la mort d’un sans papier nord africain tué par Simbert alors que pourchassé par la police, il menaçait Levasseur d’un couteau.
Puis une enquête plus minutieuse met rapidement à jour les rumeurs de la région, avec l’interrogatoire surréaliste d’un docteur à la retraite, Godiveau (François Simon), dont le style de vie marginal et les sympathies fascistes font de lui le suspect idéal.
Levasseur refuse de céder à la facilité et relâche finalement le docteur fou.
Perdue dans cette ville étrangère à la population ouvrière, Levasseur se rapproche d’une petite troupe de théâtre dirigée par le flamboyant Backmann (Jean-Pierre Kalfon) mais s’en détache aussi rapidement lorsqu’après avoir décliné sa profession, elle découvre les a priori des milieux intellectuels de gauche contre les policiers.
Survient alors un nouveau personnage, un syndicaliste au chômage appelé Diego Cortez (Leny Escudero) qui l’orient sur un photographe du nom de Dominique Allier (Niels Arestrup) connu pour emmener les enfants dans une maison de campagne.
Lorsque Levasseur découvre que Allier a déjà été condamné pour pédophilie, elle convainc sa hiérarchie de perquisitionner dans la maison de campagne et découvre tous les éléments laissant penser à un réseau pédophile international exploitant les enfants de la région.
Mais Allier se défend en invoquant son protecteur, le colonel Morange (Jean Martin) un notable de la région, propriétaire de la maison et proche du puissant Muller.
Morange est reçu dans les locaux de la police mais est vraisemblablement ménagé par Porel, qui redoute les relations de cet homme froid et inquiétant.
De plus en plus proche de Cortez et de ses amis, dont l’abbé Henning (Philipe Caubère), Levasseur décide de faire tomber tout le réseau et après avoir échappé à deux voyous parvient à capturer la gérante d’un sex shop ce qui permet d’incriminer un des proches de Muller qui avait régulièrement des rendez vous avec des enfants dans cet établissement.
Pourtant malgré le soutien d’un juge d’instruction (Gérard Caillaud), Levasseur et Porel comprennent que Muller (Roland Amstutz) est un trop gros morceau pour eux, lorsque le procureur (Henri Garcin) activé par le riche industriel, les dissuade de poursuite à l’encontre de l’entourage de Muller.
Allier se suicide mystérieusement dans sa cellule, les témoignages des enfants sous fragilisées, leurs parents ouvriers menacés de perdre leur emploi finissent par se taire et pire que cela, Porel est obligé par sa hiérarchie de muter à nouveau Levasseur qui a été depuis longtemps abandonnée par Simbert, apeuré par la tournure que prenaient les choses.
Malgré son embarras, Porel recommande tout de même à Levasseur de quitter la police plutôt que de s’obstiner de mutations en mutations.
La jeune femme, désireuse de ne pas laisser tomber l’affaire, se résout à poursuivre sa quête en tant que simple citoyenne …
En conclusion, « La femme flic » est un film dont le climat réellement malsain et effrayant m’avait traumatisé pendant mes jeunes années, et qui même plus de 30 années après recèle toujours la même atmosphère sulfureuse.
On pense très fort à l’affaire d’Outreau, qui plus de vingt après, rejoindra tristement la fiction avec une trouble affaire de réseau pédophile dans la région du Pas de Calais.
Impossible cependant de ne pas être fasciné par le personnage de Miou-Miou, jeune femme d’un courage inouïe, qui en plus du machisme inhérent à sa profession, doit patauger dans l’atmosphère fangeuse de puissants notables prélevant des enfants d’ouvriers pour alimenter des réseaux mafieux.
Boisset décrit fort bien la lâcheté du commun des mortels, que ce soient les ouvriers les policiers ou les hauts fonctionnaires, qui craquent sous les pressions, alors qu’une poignée d’individus généralement ostracisés, prennent le choix par conviction personnelle de mener leur mission jusqu’au bout.
Malgré un coté vieillot, une ambiance glauque, violente et déprimante, « La femme flic » peut être considéré comme un grand et courageux film français, servi par une pléiades de très bons acteurs français, mais doit rester pour moi réserver à un public très averti en raison de son aspect fortement dérangeant.
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