Vivre le deuil au jour le jour (Chistophe Fauré)
Je vais sans doute aborder un des sujets les plus intimes pour moi avec « Vivre le deuil au jour le jour » de Christophe Fauré, psychiatre et spécialiste dans l’accompagnement des malades en fin de vie.
Qui a déjà vécu le deuil d’un proche connaît la souffrance psychique que cette épreuve peut engendrer et comprendra le caractère délicat du sujet abordé.
De manière analytique et sans prétendre détenir toutes les clés de ce problème complexe car dépendant étroitement de chaque individu particulier, « Vivre le deuil au jour le jour » se propose comme une aide pour tenter de comprendre le processus du deuil et de l’accompagner du mieux possible.
La première partie du livre consiste à la définition des différentes phases du deuil, commençant par la phase de choc pouvant se manifester par la sidération, le déni devant cette réalité insupportable ou l’esprit cherche à se préserver en activant des mécanismes de protection automatique.
Quand la réalisation de la perte prend effet, vient une phase de fuite rendue visible par une hyper activité ou de recherche pour compenser la perte irrémédiable du disparu.
Puis vient la phase la plus redoutable dite de déstructuration ou l’individu se trouve frappé de plein fouet et ébranlé dans tout son être à de multiples niveaux, émotionnels, sexuels, sociaux, matériels et spirituels.
Le phénomène intervient généralement plusieurs mois après la perte et se caractérise par un état dépressif cyclique alternant phases de colère avec phases de désespoir plus profondes.
On en veut à tout le monde entier qui continue de tourner comme si de rien n’était, à la médecine, à dieu, au destin, à ses proches sourds au mal qui vous ronge.
Assailli par un terrible sentiment de culpabilité, on en veut aussi à soi même et parfois même au défunt qui nous a abandonné.
C’est la phase la plus critique du deuil car certaines personnes ne s’en remettent jamais allant jusqu’à développer des pathologies, à se suicider ou à mal enfouir leur mal pour le traîner ensuite toute leur vie.
Quand on parvient à surmonter cette phase, vient ensuite la restructuration qui passe par une « digestion » du deuil (qui n'est pas un oubli du défunt !) se caractérisant par des redéfinitions de ses relations avec les autres, avec le défunt et avec soi même.
Le troisième chapitre m’a moins intéressé.
Il décortique quelques types de deuil en insistant sur le comportement à adopter vis à vis d’un enfant ou d’un adolescent par définition plus fragiles que les autres personnes.
Les cas traumatisants de la fausse couche, de l’avortement, de la mort subite du nourrisson sont également considérés comme des deuils à part entière.
Le Dr Fauré établit également un fort clivage entre les réactions des hommes, habitués socialement à masquer leurs émotions pour paraître « forts » et les femmes, qui étant plus enclines à divulguer leurs émotions, souffrent plus socialement et matériellement.
Le dernier chapitre est sans nul doute le plus intéressant car il donne des clés pour s’aider à mieux accompagner son deuil.
Battant en brèche les idées reçues de la société qui vont dans le sens d’un enfouissement rapide en espérant que le temps résorbe naturellement les plaies, le Dr Fauré met en avant la nécessité de valider ses émotions autour de questions simples tournant autour de la personne qu’on a perdue, du séquencement des évènements puis d’un bilan physique, matériel, social, psychologique et spirituel de l’individu.
Une aide extérieure peut être la bienvenue, celle d’un psychologue, de groupes de paroles, d’associations, de communautés religieuses si les cellules familiales ou amicales s’avèrent insuffisantes.
Mais quelle que soit l’issue du processus, celle ci aboutit à une réorganisation profonde de l’individu.
En conclusion, même si on est ici à des années lumières de la prose épurée d’un Mishima ou de l’élégance poétique d’un Lucrèce, « Vivre le deuil au jour le jour » est un livre qui m’a malgré son sujet difficile beaucoup intéressé.
Si il n’apporte pas de réponse à toutes les questions, il met en avant quelques clés pour mieux vivre le processus du deuil, tout d’abord en le considérant comme inéluctable, nécessairement douloureux et solitaire puis en encourageant les personnes à exprimer leurs émotions comme si leur évacuation dans un cadre constructif contribuait fortement à la mise en place du processus de restructuration qui de toute façon n'effacera pas les sentiments de perte.
Pour ma part même si certains mécanismes salutaires m’ont sans doute épargnés le pire, je n’ai toujours pas résolu la quête de sens provoqué par le deuil ce qui ne m’empêche pas d’avoir bricolé une doctrine de fortune me permettant d’avancer encore jour après jour à pas mesurés.
Je noterai tout de même deux remarques personnelles, l’intolérance de la société moderne vis à vis d’une personne en deuil, avec le refus de comprendre que plus de six mois après une personne soit dans un état de déstructuration puis la générale lâcheté de l’être humain, se caractérisant par le refus d’affronter des éléments pénibles s’étalant dans la durée comme l’assistance à une personne en proie à une longue maladie.
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