Au commencement était la guerre (Alain Bauer)

 



Paru en 2023, « Au commencement était la guerre » est un volumineux essais d'Alain Bauer plus connu habituellement pour s’intéresser à la criminologie qu'à la géopolitique.

Ici, le criminologue retrace les principales étapes de l'Histoire contemporaine pour expliquer la situation actuelle qui a abouti à la résurgence de la guerre conventionnelle entre deux blocs multi-étatiques.

Il ressort qu'après la chute du mur de Berlin et la dissolution de l'empire soviétique entre 1989 et 1991, l'Occident a pensé qu'une page était tournée et que l'avenir de l'Humanité ne tendrait que vers une ère de paix universelle rythmée par un commerce mondialisé.

Dans ce domaine, il semblerait que l'Europe de l'Ouest, toute à son unification se soit bercée d'illusions et ait même songé à déclarer l'OTAN comme une organisation aussi obsolète que dangereuse.

Pourtant cette analyse n'a pas tenu compte de l'Histoire et surtout du point de vue d'autres pays non occidentaux, au premier desquels la Russie.

Obsédé par son déclin et par le souvenir de son empire perdue, la Russie a toujours été habité par un fort désir de revanche.

A contrario, l'attitude de leur rival les États-Unis a encouragé la construction progressive d'une posture de plus en plus belliqueuse, comme en atteste la violation d'accords passés après la chute du mur de Berlin, garantissant la « non expansion » de l'OTAN aux ex républiques soviétiques.

Point de basculement, l'intervention de l'OTAN en Serbie en 1991, contre l'avis de la communauté internationale symbolisée par l'ONU, fut le révélateur que les États-Unis et par extension l'Occident pouvaient tout se permettre en dépit du droit international.

C'est cette Russie remilitarisée, meurtrie et avide de reconquête qui a recrée une ambiance de Guerre froide qu'on croyait oubliée.

Au milieu de cet affrontement OTAN-Russie, se déroule le conflit ukrainien, mélange de guerre symétrique à l'ancienne extrêmement meurtrière ou des soldats meurent en quantité impressionnantes soue le feu de l'artillerie au mépris de leur hiérarchie, mais aussi laboratoire de la guerre « high tech » combinant missiles hyper véloces, drones, intelligence artificielle et cyber attaques contre le camp adverses.

A ce titre, la différence de mentalité entre Ukraine et Europe de l'Ouest est saisissante, les premiers étant préparés au conflit depuis des années et capables de mobiliser des troupes déterminés et bien entrainés, les seconds étant incapables de faire face à un conflit de haute intensité.

C'est le deuxième grand enseignement du conflit ukrainien, l'imprévoyance des société européennes, qui n'ont cessé depuis la fin de la Guerre Froide de rogner sur le budget de leurs armées, le cas de la France convaincue de son invulnérabilité due au parapluie de la dissuasion nucléaire étant le plus édifiant.

Avec des bombes nucléaires certes, mais sans capacités blindées, d'artilleries et d'armement le plus élémentaires (arrêt de production des armes de petits calibres!) avec une industrie sous dimensionnée incapable de tenir la cadence de production d'un conflit, la France révèle comme ses partenaires européen toute l'étendue de sa faiblesse.

De manière plutot pessimiste mais en réalité réaliste, Bauer termine son ouvrage en rappelant la nécessité de revenir à une économie de défense plus adaptée à la situation géopolitique globale et ne prend pas réellement position sur l'issue du conflit ukrainien...

En conclusion, ouvrage roboratif, « Au commencement était la guerre » est surtout intéressant dans sa première partie, rappelant l'évolution du contexte géopolitique après la chute du mur de Berlin et des engagements qui avaient été pris de part et d'autres (entre OTAN et Russie) pour aboutir à une désescalade militaire progressive devant mener à une pacification mondiale.

A ce sujet, Bauer rappelle de manière très pertinente que les accords de non agression n'ont pas été respectés par les États-Unis et que l'expansion de l'OTAN vers les pays de l'Est a été considéré comme une menace du coté russe, l'affront de trop étant l'adhésion prochaine du pays « frère » ukrainien.

Point central de l'ouvrage, cette guerre rappelle de manière brutale l'Europe de l'Ouest à la réalité historique, non la guerre ne disparaitra jamais et refait même surface dans sa forme la plus hideuse et violente avec torture, massacre de civils, déportations et trafics d’êtres humains.

Fini donc l'illusion des « guerres propres » dites « asymétriques » dans des pays lointains contre des groupuscules terroristes et place aux conflits de haute intensité avec chars, canons, avions, navires et spectre de l'arme atomique...

Et l'Europe de l'Ouest toute à sa gestion comptable de sa Défense de se réveiller en 2023 complètement démunies en hommes et matériels pour y répondre...

Ce constat, dure à admettre à le mérite de présenter une vision réaliste du monde d'aujourd'hui : violent, inégal, agité de crises (migratoires, sanitaires, écologiques, financières) et toujours soumis à l'influence des super puissances dominantes que sont les États-Unis, la Chine et la Russie.

Moins appréciable car plus convenue est pour moi la partie ou Bauer cite les discours lénifiant de responsables politiques et militaires français ou répète ce que l'on sait déjà : le caractère hybride des conflits mêlant sociétés militaires et civiles avec emplois de mercenaires, tentatives d'espionnage, cyber attaques et « soft power » sur fond de corruption.

Un ouvrage néanmoins de haut niveau et impressionnant par sa qualité globale.

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