Lettres, maximes, sentences (Epicure)
Après les Platoniciens, les Aristotéliciens et les Stoïciens, vous conviendrez qu’il manquait dans ces colonnes un volet spécial sur le dernier grand courant philosophique de la Grèce antique, celui des Epicuriens.
« Lettres, maximes, sentences » d’Epicure regroupe l’essentiel du peu d’écrits que nous laissa l’illustre philosophe athénien.
Justement le problème de cet ouvrage se situe peu être dans le peu de matière qu’il contient, ce qui a sans doute contraint Jean-François Balaudé normalien et agrégé de philosophie a nous asséner une terrible introduction plus longue à elle seule que l’ouvrage du Maître qu’elle est sensée introduire.
Une fois passé ce douloureux et bavard écueil, le lecteur pourra entrer dans le vif du sujet et goûter aux fruits de l’arbre de sagesse érigé par le philosophe.
La philosophie d’Epicure est relativement simple, fuyant toute intellectualisme si cher à Aristote.
Dans la « Lettre à Hérodote », Epicure explique l’importance des sensations, seuls outils sur lesquels l’homme peut se baser pour appréhender la Nature qui est pour lui la source de la connaissance.
Des objets matériels émanent continuellement des effluves appelées simulacres qui s’inscrivent en l’homme par la pensée et viennent compléter l’influence des organes sensitifs.
Fort de ses outils, l’homme peut donc se forger ses opinions en usant de prénotions universelles et de sa capacité de jugement.
La lettre traite de la partie la plus physique des théories d’Epicure avec un matérialisme à qui ses adversaires reprochèrent d’avoir été emprunté à Démocrite.
Epicure croit à l’existence du tout, à celle d’atomes insécables et en nombre illimité composant les corps et se mouvant dans toute les directions de l’espace grâce à la présence du vide.
La lettre traite aussi de l’infiniment grand et de cosmologie, émettant l’hypothèse de l’existence d’autres mondes habités.
Epicure se démarque d’Aristote en refusant de croire que les dieux par essence immortels sont comparables aux astres qui peuvent comme les hommes périr.
Il se démarque également de Platon en associant étroitement l’âme à son corps qu’il met tous deux sur un même plan de matérialité.
L’étude de la nature se poursuit dans la « Lettre à Pythoclés » avec des passages concernant la météorologie.
Mais le cœur de la philosophie d’Epicure, celle qui le rendra si célèbre jusqu’à nos jours se situe véritablement dans la « Lettre à Ménécée » ou est décrit le moyen de chasser le trouble de son âme, de parvenir à l’ataraxie en usant du principe principal, le plaisir pour arriver à ses fins.
Cette érection du plaisir comme bien souverain sera la source d’innombrables contre sens qui subsistent encore aujourd’hui.
En effet, loin de pousser à une vie de débauche et d’excès, Epicure prône une vie simple, vertueuse et l’usage de plaisirs modérés, en ce conformant à ce qui est nécessaire et naturel.
Les plaisirs vains et artificiels comme la poursuite de la richesse, de la bonne chère ou du sexe qui nous rendent esclaves et provoquent au final un mal plus grand sont complètement proscrits.
L’homme sage, libéré de la crainte des dieux et de la mort qui lui causent plus de soucis qu’ils ne luis causent de mal, pourra donc vivre l’esprit en paix et « comme un dieu parmi les hommes ».
Le livre se termine sur des « Maximes capitales » et autres succulentes « Sentences vaticanes » qui illustrent de manière courte et percutante cette philosophie.
En conclusion, outre son introduction un peu rébarbative, « Lettres, maximes, sentences » d’Epicure est un ouvrage intéressant mettant en relief un philosophe qui se voyait comme un autodidacte et un rebelle par rapport aux enseignements passés.
Epicure choqua par l’audace de ses idées, notamment sa prise de distance vis à vis des dieux et de leur influence sur la vie humaine.
L’approche de la maîtrise de la douleur par l’esprit est des plus intéressantes, les afflictions de longue durée étant de faible intensité, celles de forte intensité généralement brèves et pouvant être combattues par l’évocation des souvenirs des plaisir passés.
Loin donc de l’image de « bon vivant » ou de « jouisseur invétéré » auxquelles elles ont été trop bien souvent réduites , les théories d’Epicure présentent donc un aspect plus profond, subtil et un contre poids notable aux autres grands courants philosophiques.
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