Alice in chains (Alice in chains)

 



Sorti en 1995, « Alice in Chains » est le dernier véritable album de ce groupe phare des années 90, puisque après la parution de cette « œuvre au noir », leur indispensable chanteur Layne Staley s’enfoncera inexorablement dans la solitude, la drogue et le désespoir, ce cycle infernal aboutissant à une mort particulièrement douloureuse pour les fans en 2002.

Triste destin donc pour un chanteur exceptionnel à la voix chaude, puissante, traînante et légèrement nasillarde reconnaissable entre mille.

Les démons obsessionnels de Staley et sa touchante fragilité ont toujours fait partie intégrante de la musique d’Alice in Chains, lui conférant ce charme vénéneux si particulier, mais jamais peut être cet aspect ne ressortira de manière aussi forte que sur cet ultime effort studio.

Avec ce livret d’images de vivisection, de maladies et d’amputations, cette pochette glauque représentant un chien bâtard mutilé à l’air misérable, on peut dire que le groupe s’est ici surpassé dans son art dérangeant.

« Alice in Chains » démarre très fort avec « Grind », à la dynamique, lourde, vicieuse, dotée d’un infernal riff cyclique de rouleau compresseur contre balancée par des refrains plus lumineux.

Avec son tempo rapide, son atmosphère intense, prenante, son refrain irrésistible dopé par un énorme son de batterie, « Brush away » se révèle un bijou de maîtrise.

Mais après cette entrée en matière offensive, le groupe ralentit la cadence, et brouille les pistes en proposant « Sludge factory » , interminable morceau décalé à la structure déroutante.

« Heaven beside you » marque un joli retour à la ballade acoustique soignée, exercice dans lequel le gang de Seattle n’a de leçon à recevoir de personne.

Véritable plongée dans les profondeurs abyssales d’un esprit humain en souffrance, « Head creeps » torturé et lancinant comme une fièvre malariene, est l’un des titres les plus forts du disque.

Le tube de l’album, « Again » est une merveille, construite autour d’un riff cyclique rapide tournoyant inlassablement et de refrains d’une ampleur colossale montant comme des lames de fonds pour envahir l’espace de manière absolue.

Retour à l’introspection, au spleen maladif, incurable entrecoupé de brefs et lumineuses accalmies ensoleillées sur « Shame in you ».

La fin de l’album peut être considérée comme une lente agonie, ou Alice in Chains tout en descendant les marches vers son tombeau, développe des atmosphères sombres, maladives, étouffantes au cours de longs morceaux déroutants, complexes, que ce soit sur « God am » , « So close » ou le très plombant « Nothin’ song ».

Deux splendeurs viennent pourtant conclure le processus d’auto destruction.

La première est « Frogs » , long et déchirant périple intérieur vers un océan de renoncement à la beauté glacée.

La seconde est « Over now » avec sa magnifique introduction à la trompette façon hommage aux soldats morts sur le champs de bataille et sa superbe mélodie acoustique faisant figure d’enterrement de première classe pour un groupe hors norme.

En conclusion, « Alice in Chains » est sans nul doute l’album le plus sombre, le plus torturé et le plus malsain de l’histoire de la légende de Seattle.

Malgré quelques virulents sursauts métalliques comme « Again » ou « Grind », le coté dépressif et malsain semblent ici avoir définitivement gagné la partie.

La grâce se fait moins aérienne, le bel oiseau à l’aile brisée gisant au sol et se résignant à présent à une mort à moyenne échéance.

Difficile d’accès et par moment pénible par à supporter en raison de sa noirceur étouffante et contagieuse, « Alice in Chains » n’en demeure pas moins une œuvre fascinante, comme peut l’être l’ultime voyage d’un groupe d’expéditeurs qu’on regarde s’enfoncer dans les ténèbres d’une jungle impénétrable tout en sachant dans son for intérieur qu’on ne les reverra jamais.

Le livre se referme donc sur une carrière météorique d’un groupe qui en seulement quatre albums studio étalés sur cinq ans aura marqué l’histoire de la musique rock de son empreinte unique, mélange de souffrance violente, de renoncement mélancolique et de purs moment de grâce lumineuse transcendant un insoluble mal être.

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