Hannibal (Habib Boularès)
L’Histoire avec un grand H comme « Hannibal » livre de l’ancien ministre tunisien Habib Boularès.
Avouons le franchement, après Jules César et Alexandre, Hannibal manquait pour être complet dans l’étude des grands conquérants de l’Antiquité.
L’histoire d’Hannibal est celle de la seconde guerre punique, qui éclata entre les deux super puissances de l’époque, Carthage et Rome entre 219 et 202 av JC.
Au cours de la rapide exposition du contexte historique et des institutions carthaginoises, on est frappé de l’extrême complexité de la situation, autant par le jeu d’alliances subtiles entre la multitude des peuples du bassin méditerranéen que par les propres dissensions et jeux de pouvoir au sein même du sénat carthaginois.
Au sein de ce dernier, deux familles rivales, les Hannon et les Barcides dont est originaire Hannibal se feront une guerre d’influence sans relâche qui parasitera l’unité carthaginoise et sera une entrave à terme à l’avancée du conquérant tandis que Rome fera bloc de toutes la force de ses institutions pour repousser l’envahisseur.
Mais le cœur du conflit est la rivalité extrême entre l’Empire romain à l’appétit dévorant, déjà vainqueur de la première guerre punique et la cité de Carthage, dont l’insolente richesse provenant du commerce maritime faisait de l’ombre à Rome.
Boularès appuie ses réflexions majoritairement sur deux auteurs le grec Polybe et le romain Tite-live pour relater un conflit éclatant en Espagne, chacune des deux parties prétextant la violation du traité de 241 av JC, délimitant les zones de chacun des deux empires.
Envoyé en Espagne pour livrer batailles, Hannibal révèle alors des capacités organisationnelles et stratégiques hors du commun, fédérant des peuples aussi dissemblables que les Numides, les innombrables tribus Ibères et Gauloises hostiles au joug Romain pour créer une armée de 70 000 hommes, cavaliers et éléphants capable de marcher sur l’Italie.
Par son audace, ses exploits comme le franchissement des Pyrénées, des Alpes, du Rhône, et surtout ses innovations tactiques sur le champs de bataille, Hannibal parvient à surprendre les légions romaines et accumulent les victoires, la plus symbolique d’entre elle étant celle de Cannes en 216 ou les Romains perdent environ 50 000 hommes.
Avec de pareilles victoires, Hannibal parvient à se rallier plusieurs provinces romaines comme le Lucanie ou le Bruttium ou des capitales économiques célèbres comme Capou, rivale historique de Rome.
Il noue également une alliance avec Philippe V de Macédoine, ennemi de Rome, sans que celui ci, trop occupé à maintenir la cohésion interne de son royaume ne parvienne réellement à l’aider.
Privé de renforts, Hannibal ne dispose pas d’assez de ressources pour vaincre définitivement ses adversaires.
Assez étrangement Carthage ne soutient pas son général victorieux, préférant envoyer des troupes pour récupérer l’île de Syracuse ce qui sera à terme un échec cuisant.
Finalement le conflit s’enlise, et Rome parvient à se réorganiser, trouvant de formidables ressources, levant plusieurs légions en enrôlant des esclaves contre une promesse d’affranchissement.
La situation va évoluer en un statu quo de six années.
Rome contre attaque en Espagne ou le général Scipion prend Carthagène et provoque la fuite d’ Hasdrubal, venu avec des renforts aider son frère Hannibal.
Hasdrubal part aider Hannibal avec 60 000 hommes mais est stoppé et tué lors de la bataille du Métaure.
Scipion poursuit son action en Afrique et conclut une alliance avec le roi Numide Massinissa pour affronter et battre Carthage sur son propre terrain.
Carthage capitule et rappelle Hannibal qui n’a d’autre choix que de revenir.
Il est finalement vaincu à Zama en 202.
Carthage perd ses possessions, en Espagne, Gaule et Italie, voit sa flotte réduite au minimum et doit payer une indemnité à son vainqueur.
La dernière partie du livre relate la fin de la vie d’Hannibal, qui bien qu’élu suffète au sénat carthaginois et ayant montré de belles qualité de gestion et d’urbanisme, sera victime de sa rivalité avec les nobles, notamment les Hannon, et devra fuir, entamant une cavale qui l’emmena à Tyr puis à Antioche ou fut le conseiller du roi Antiochos.
Rome sera impitoyable, châtiant cruellement les provinces ou villes comme Capou s’étant ralliées au conquérant.
Après que Philippe de Macédoine fut châtié par Rome pour son alliance avec Hannibal, Antiochos est également vaincu, Hannibal se retrouve isolé et sommé d’être livré par son protecteur, préfère se suicider plutôt que de subir le déshonneur.
En conclusion, « Hannibal » est un ouvrage très dense, ou Habib Boularès expose de manière extrêmement minutieuse les faits, émettant des conjectures lors des nombreuses zones d’ombres et mystères apparents de ce conflit meurtrier, équivalent à une guerre mondiale à l’échelle de l’Antiquité.
Le portrait dressé d’Hannibal est particulièrement élogieux, le conquérant étant montré comme honnête, patriote, désintéressé, visionnaire, faisant preuve d’habilité , de diplomatie et magnanimité avec les peuples conquis …
A lui tout seul ou presque, le génie militaire manque de défaire la toute puissance romaine mais finalement celle ci puise dans ses réserves et trouve dans ses incroyables capacités d’organisation le moyen de retourner une situation critique.
Le destin d’Hannibal est fascinant dans le sens ou un homme se lance dans une guerre perdue d’avance, et chose incroyable manque de réussir l’impossible.
On retiendra de cette épopée sanglante, l’inexorable appétit de l’ogre romain qui avala tous ses rivaux, profitant de l’anéantissement de Carthage pour finir d’ingurgiter les derniers vestiges du royaume hellénique d’Alexandre le Grand.
Bel ouvrage donc, bien que difficile à suivre de part la multitude des personnages, souverains, consul, généraux ou sénateurs romains, peuples Numides, Gaulois ou Ibères intervenant dans le récit.
J’ai aussi regretté un manque de cartes pour repérer les principaux lieux des batailles citées dans le livre.
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