La nausée (Jean-Paul Sartre)

 



Première exploration d’un géant de la littérature française : Jean Paul Sartre avec « La nausée ».

Ce premier roman publié en 1938 se présente sous la forme d’un journal ou un jeune homme nommé Antoine Roquentin décrit ses journées à Bouville petite ville en haute Normandie ou il fait des recherches sur un aristocrate du XVIII ieme siècle, Monsieur de Rollebon.

Mais ce travail historique n’est qu’une façade, Antoine souffre en effet d’un mal être étrange qu’il nomme Nausée qui lui a fait perdre goût à la vie et annihile ses forces.

Ces crises de nausée le prennent depuis le moment ou il a brutalement pris conscience de son existence au même niveau d’inutilité que les objets, minéraux, plantes ou les animaux qui l’entourent.

Le jeune homme passe la plupart de ses journées à marcher dans la ville ou à la bibliothèque municipale ou il discute avec un homme appelé l’Autodidacte qui a pour but de lire tous les livres de la bibliothèque par ordre alphabétique afin d’accumuler un savoir étendu.

L’Autodidacte sera un personnage important du roman.

Le soir après l’étude, Antoine mange à l’auberge ou il réside.

Malgré le fait qu’il couche presque mécaniquement avec la patronne, il s’y sent très seul, très mal et  complètement décalé par rapport aux bourgeois qui fréquentent l’établissement.

Antoine pense également souvent à Anny, son ex amie, qu’il a connue au Maroc au cours de ses nombreux voyages et avec qui il a perdu le contact après avoir vécu une relation qui semblait bien compliquée.

Au fur et à mesure de ses interrogations, Antoine parvient à trouver l’origine du mal qui le ronge, il s’agit de la prise de conscience de l’absurdité de l’existence, de son absence de sens et de justification.

Antoine est donc face à une forme de vide, et ce vide l’anéantit rendant vain toute tentative d’action.

Abandonnant Monsieur de Rollebon et le sujet de sa présence à Bouville, Antoine se heurte à l’Autodidacte dont l’humanisme et l’adhésion au socialisme l’irrite profondément.

La suite tourne mal pour ce dernier qui finit par être chassé de la bibliothèque en raison d’attouchements pédophiles.

Antoine revoit finalement Anny à Paris mais leurs retrouvailles tournent au drame, tant celle ci a vieilli, perdu son espoir et le goût de la recherche de leurs « moments privilégiés ».

Anny n’a plus de but elle aussi dans l’existence et se fait entretenir par des hommes.

J’ai trouvé ces dialogues très durs pour Antoine, humilié par une femme qui le tournait souvent en ridicule, et ai été touché en plein cœur par la solitude, le désespoir qui l’a amené à aller voir son ancienne amie partir en train avec son nouvel amant.

Antoine quitte donc Bouville pour retourner à Paris, mais au moment de partir, l’écoute d’un disque de jazz provoque un apaisement en lui, il comprend alors que le seul moyen pour lui de supporter son existence sera d’écrire une œuvre profonde, personnelle « belle et dure comme l’acier » qui « fasse honte au gens de leur existence ».

En conclusion, « La nausée » est un roman philosophique d’une très grande puissance et d’une très grande profondeur.

La souffrance « existentielle » du jeune Antoine est rendue très palpable et compréhensible par la plume de Sartre et pour avoir déjà vécu quelques séjours seul dans des petites villes dans lesquelles je ne connaissais personne j’ai moi aussi ressenti le sentiment de décalage, d’être de trop, qu’il a pu éprouver à Bouville.

La pensée de Sartre m’a touché et je partage grandement l’idée dominante de son livre sur l’existence, son manque de sens profond et la « petite » solution qu’il trouve pour la supporter.

Un grand livre donc, dont certains passages demeurent d’une cruelle lucidité tel que « Ils sortent de leurs bureaux après une journée de travail,

Ils n’ont pas peur, ils se sentent chez eux, Ils n’ont jamais vu que l’eau apprivoisée qui coule des robinets, que la lumière qui jaillit des ampoules quand on appuie sur l’interrupteur, que les arbres métis, bâtards, qu’on soutient avec des fourches. Ils ont la preuve cent fois par jour que tout se fait par mécanisme, que le monde obéit à des lois fixes et immuables. (…)

Ils sont paisibles, un peu moroses, ils pensent à Demain, c’est à dire à un nouvel aujourd’hui ; les villes ne disposent que d’une seule journée qui revient toute pareille à chaque matin. A peine la pomponne t on un peu les dimanches. Les imbéciles. Ca me répugne de penser que je vais revoir leurs faces épaisses et rassurées. Ils légifèrent, écrivent des romans populistes, ils se marient, ils ont l’extrême sottise de faire des enfants.

Cependant la grande nature vague s’est glissée dans leurs villes, elle s’est infiltrée partout dans leurs maisons, dans leurs bureaux, en eux mêmes. (…) Je la vois moi cette nature je la vois… Je sais que sa soumission est paresse, je sais qu’elle n’a pas de lois, : ce qu’ils prennent pour sa constance … Elle n’a que des habitudes et peut en changer demain.»

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