Dirt (Alice in Chains)

 



Après des débuts aussi prometteurs qu’ impressionnants, « Dirt » sorti en 1992 est l’album de la consécration pour Alice in Chains, en raison de sa brassée de tubes de première catégorie.

C’est prêt d’un an après, alors que j’étais au lycée en 1993, que j’ai connu le groupe, dont le clip «Would ? » passait en boucle sur MTV.

Même si je n’écoutais pas de métal à l’époque je trouvais néanmoins cette chanson originale et très réussie.

« Dirt » possède une pochette culte d’une originalité folle avec cette femme-cadavre intégrée dans un désert américain ou australien.

Comme pour « Facelift », « Dirt » attaque bille en tête par la cinglant « Them bones », , véritable cauchemar hallucinatoire et paroxysmique d’à peine plus de deux minutes et sans doute le morceau le plus violent jamais écrit par Alice in Chains

Je me rappelle de la vidéo de l’époque avec ses images de scorpions, de mille pattes et de mort animale.

Sans perdre de temps, on enchaîne sur le magistral « Dam that river » et son refrain gonflé aux stéroïdes dont les impacts répétés font l’effet d’une enclume frappant la poitrine de l’auditeur.

Séquence glauque et émotion avec « Rain when I die ? »  et rythme lancinant, captivant et hypnotique, son chant aérien confinant au divin prenant aux tripes et donnant envie de pleurer à chaudes larmes si on tient compte du contenu prémonitoire de ce texte pour Layne Staley.

Contrairement à ses confrères, « Sickman » mise moins sur la force de frappe, mais alterne avec brio tempo rapides façon rotor d’hélicoptère et ralentissements poisseux.

Le ton est clair, Layne Staley est un homme malade, se débattant violemment contre ses propres démons intérieurs et diverses addictions.

On peut qualifier « Rooster » de grand tube dans la carrière du gang de Seattle.

« Rooster » débute calmement comme une ballade digne, poignante et soignée ou la voix traînante de Staley touche en plein cœur, avant de monter graduellement en intensité pour finir en déferlement de vagues d’énergie incendiaires d’une force peu commune.

Malgré ses belles lignes vocales très aériennes et son allures de cauchemar sans issue, « Junkhead »  peine quelque peu à soutenir la comparaison.

Débutant bizarrement avec une voix chevrotante de vieillard assez pénible, « Dirt » se réveille sur les refrains plus enlevés mais cela ne suffit pas à masquer sa relative faiblesse.

Après le démoniaque interlude « Godsmack » aux faux airs d’introduction de l’ « Iron Man » de Black Sabbath, « Hate to feel » s’installe avec un rythme lent, syncopé, déroutant, étrange et difficile à suivre.

Heureusement, « Angry chair » autre tube magistral dans la carrière du groupe, vient brusquement annoncer une fin d’album digne du finish du Carl Lewis des plus belles années.

Sombre, rampant, obsédant, terriblement envoûtant et malsain comme une ballade la nuit dans des marécages, « Angry Chair » déploie son charme vénéneux pour emprisonner dans ses anneaux reptiliens l’auditeur hypnotisé.

« Down in a hole » l’une des plus belles ballades que j’ai jamais entendu au cours de mon existence fait encore plus fort, révélant la classe hors norme d’un groupe dont les failles du chanteur martyr confèrent une aura terriblement déchirante absolument magnétique.

Lignes vocales somptueuses, montées et descentes gracieuses et aériennes jalonnent ce magnifique voyage vers les cieux.

L’album se termine par « Would ? » incroyable tube, qui fit le tour du monde, et donna ses lettres de noblesses à Alice in Chains au Panthéon du rock.

La recette magique de « Would ? » ? , le parfait balancement entre couplets en finesse, portés par une voix divinement envoûtante et refrains incroyablement puissant et accrocheurs.

En conclusion, « Dirt » est un album assez étrange, difficile à appréhender.

Alors qu’on aurait pu penser que l’immense succès commercial dont il fut l’objet irait de pair avec une simplification et un adoucissement du ton, il n’en est en réalité absolument rien, l’album ne cédant en rien à la facilité et aux sirènes du Roi Dollar.

D’une violence inouïe sur les premiers titres, le disque aligne quelques classiques avant de dériver par la suite au beau milieu de compositions sombres, alambiquées, chaotiques et distordues pour subitement se ressaisir et en terminer d’une manière incroyablement puissante et structurée.

Le résultat est une pluie de chef d’œuvres avec un ventre mou de quelques morceaux plus difficiles à assimiler.

Par la puissance de son impact, « Dirt » fera d’Alice in Chains un poids lourd du hard rock, allant jusqu’à gagner le respect et l’estime des seigneurs de l’époque, Metallica.

Ce disque marque donc l’apogée d’une ère ou le rock lourd et le grunge passaient aux heures de grande écoute sur les chaînes généralistes, époque aujourd’hui bien révolue, les plus basses émanations de r n' b édulcoré et de hip-hop américanisé aussi bodybuildé que décérébré  se révélant être les parfaits symboles de notre époque ultra matérialiste.

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