Comment je vois le monde (Albert Einstein)

 



Après Darwin, Albert Einstein autre grand penseur qui révolutionna en son temps sa discipline : la physique théorique.

Écrit entre 1934 et 1955, « Comment je vois le monde » mélange point de vues politiques, philosophiques, épistémologiques et scientifiques de celui qui est souvent considéré comme le symbole du génie intellectuel.

En lisant ce livre, on est frappé de la modestie et de la gêne du savant par rapport à son aura de star aux États-Unis et de part le monde entier.

L’homme se montre plutôt humble et met en avant son éternel émerveillement devant les miracles indéchiffrables même pour lui de la nature et de la vie.

Cet émerveillement constitue son carburant principal en temps que chercheur, car il le pousse à comprendre.

Einstein a une vision plutôt pessimiste du monde dans lequel il vit.

Il est vrai qu’il a vécu deux guerres mondiales, vu la folie des hommes et du fuir son pays natal pour échapper aux persécutions à l’encontre des juifs.

Einstein est conscient que ses travaux ont permis l’éclosion des armes nucléaires et il perçoit le monde comme potentiellement capable de s’autodétruire.

L’homme paraît être dégoûté des politiciens et s’en méfier grandement.

Il prône une indépendance totale des scientifiques par rapport à la politique et souhaite créer un grande communauté scientifique internationale capable de peser d’un point de vue moral sur les grandes décisions de ce monde.

L’engagement pacifiste d’Einstein apparaît très fortement, l’homme adepte de la non violence, voue une admiration sans borne à Gandhi, condamne le nationalisme, le service militaire obligatoire et va jusqu’à soutenir les objecteurs de conscience.

Après guerre, Einstein jouera de tout son influence pour pousser à un désarmement des Nations.

Le savant fait preuve d’un jugement acéré quand il dénonce la montée du matérialisme dopé par une technologie souveraine.

Il critique également le système éducatif qui spécialise trop tôt les individus et les met en compétition, les empêchant de développer la curiosité nécessaire à leur développement intellectuel.

Se dessine alors le portrait d’un homme progressiste et farouchement indépendant.

Au niveau de la religion, j’ai été surpris de ses prises de position très marquées en faveur d’Israël et du Sionisme.

Einstein est bien conscient des problèmes entre Arabes et Israéliens en Palestine mais il fait preuve d’un optimisme béat et se félicite de la création de l’état d’Israël en pensant que les problèmes de cohabitation seront réglés.

Einstein vante les mérites du Judaïsme religion « morale » respectueuse de la vie et rapproche l’engagement du scientifique croyant à une religion « cosmique » à celui du prophète religieux avide de compréhension.

Pour autant Einstein ne croyait pas à un dieu se souciant de la destinée humaine mais à un dieu cosmique soucieux de l’harmonie de toute chose.

J’ai été surpris de sa volonté de repli communautarisme mais celle ci peut s’expliquer après la violence du traumatisme de la Shoah et des persécutions.

La dernière partie du livre est la plus scientifique avec un résumé de la théorie de la relativité puis un historique des travaux de ses  prédécesseurs et collègues comme Lorentz qu’il appelle le Maître , Planck, Maxwell mais aussi Euclide, Kepler dont il vante le génie intuitif ou Newton, le père de la mécanique classique et qu’on peut considérer comme le  « Einstein de son époque ».

En conclusion, « Comment je vois le monde » est un livre instructif dans la mesure ou il permet de mieux cerner la personnalité complexe et l’engagement d’un des plus grands savants de tous les temps.

Si Einstein apparaît comme un homme plutôt de gauche, foncièrement athée, pacifique, dédaigneux des richesses, des honneurs et choqué par les inégalités de classes sociales, il n’en soutient pas moins un Sionisme actif et vante les mérites du système ultra libéral des États-Unis qui l’ont accueilli pendant son exil et ou il finit sa vie.

Pour ma part, même si j’ai admiré le courage d’un homme osant écrire au premier ministre de l’Italie fasciste pour soutenir ses confrères italiens ou se retirer de l’Académie de Prusse en raison de son adhésion au système nazi, je dois avouer avoir eu beaucoup de difficultés avec les parties plus scientifiques de l’ouvrage.

Sans bagage conséquent dans ce domaine, il est en effet difficile de bien suivre les démonstrations même « vulgarisées »  du Maître.

Malgré cela,  cet essai replacé dans son époque montre qu’il y a bien longtemps les scientifiques osaient prendre des risques et s’exprimer de manière courageuse et indépendante au mépris des diverses sphères d’influences politiques.

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