Nirvana, une fin de siécle americaine (Stan Cuesta)

 



Qu’on aime ou qu’on aime pas Nirvana, ce groupe a assurément marqué les gens de ma génération et plus généralement les années 90 en donnant un nouvel allant au rock en devenant le chef de file du mouvement grunge.

Sorti en 2004 dix ans après la retombée de l’effet de mode, « Nirvana une fin de siècle américaine » du journaliste Stan Cuesta se propose de retracer la courte épopée du groupe de Seattle qui laissa une trace indélébile dans la musique contemporaine.

Construit sur le mode chronologique, « Nirvana une fin de siècle américaine » décrit étape par étape toute l’ascension du groupe jusqu’à sa fin brutale marquée par la mort du chanteur compositeur Kurt Cobain.

Bien sur Cobain est le personnage central du livre et Cuesta décrit de manière fort logique son enfance puis son adolescence difficile marquée par le divorce de ses parents dans les années 70 et par une grande instabilité matérielle et affective.

Né dans une petite ville de la cote Est ( Aberdeen), le jeune Cobain est très tôt différents des autres enfants.

Asocial et mal dans sa peau, il développe rapidement une passion pour la musique qui se manifeste par une vénération des Beatles et des groupes de hard rock les plus populaires de son époque comme Aerosmith, Kiss ou Led Zeppelin.

Il est également fait référence au traumatisme de la découverte d’un de ses meilleurs amis suicidé par pendaison.

Cobain découvre le punk à contre temps, au début des années 80 et cette découverte remodèle toute sa conception de la musique.

Il se documente, achète des magazines, s’intéresse aux groupe américains underground comme Black flag, The Butthole Surfers ou les obscurs Vaselines.

Kurt est également fasciné par les Melvins trio pratiquant une mélange de punk hardcore et de métal.

Il devient leur homme à tout faire, commence ainsi à prendre pied dans le milieu des musiciens undergrounds et fait ainsi la connaissance du bassiste Krist Novoselic lui aussi passionné de punk.

Les deux hommes déménagent dans la ville universitaire d’Olympia, montent une formation répondant au nom provocateur de Fecal Matters puis enregistrent des démo avec le batteur des Melvins, Dale Crover.

C’est à cette époque que Cobain commence à se droguer, quand à Novoselic son penchant pour l’alcool n’est inconnu de personne.

Après plusieurs péripéties, le recrutement d’un nouveau batteur Chad Channing et l’adoption d’un nouveau nom (Nirvana), le trio parvient à séduire un petit label spécialisé du nom de Sub Pop pour enregistrer en 1989 leur premier album « Bleach » à Seattle.

« Bleach » est un album rugueux, violent et distordu qui mélange les différentes influences de Cobain, la pop, le punk et le métal.

Le succès sur le sol américain ne vient pas et les premiers échos positifs viennent d’un journaliste anglais Everett True.

Nirvana tourne intensément aux États-Unis puis en Europe ou il marque les esprits par les excès scéniques de Cobain qui n’hésite pas à détruire son matériel à la fin des concerts.

Mais insuffisamment promu par Sub Pop, « Bleach » est un échec commercial et plonge Nirvana  dans une situation financière difficile.

Le groupe réagit, trouve finalement en Dave Grohl, le talentueux batteur qu’il leur faut en passant une petite annonce dans un journal de Seattle.

Ayant tapé dans l’œil des grosses maisons disques, Nirvana finit après de multiples hésitations par signer chez Geffen.

Produit par Butch Vig et Andy Wallace, « Nevermind » est véritable raz de marée commercial qui emporte tout en 1991 grandement aidé par l’immense succès d’un énorme hit « Smells like teen spirit » dont le clip est multidiffusé par la chaîne américaine MTV.

Tout le monde est dépassé par le succès fulgurant d’un disque réussissant à trouver la formule parfaite entre énergie punk et mélodies pop.

Cobain ne cachera pas s’être inspiré du groupe Pixies dont il affectionne la versatilité musicale.

Mais c’est la voix de Cobain si puissante et bouleversante qui fait véritablement la différence.

De plus ses textes très sombres et marqués par un mal être autodestructeur trouvent un écho incroyable auprès d’une jeunesse en mal de repères.

« Nevermind »  marque la naissance de la scéne grunge dont Soundgarden, Pearl Jam et Alice in Chains, Hole et L7 seront les principales locomotives.

Pourtant le fragile Cobain vit particulièrement mal ce succès et ne parvient pas à assumer son statut de rock star.

Il rencontre Courtney Love, la chanteuse du groupe Hole dont il tombe passionnément amoureux.

Mais Courtney et Kurt sont tous les deux des ames égarées et se perdent dans la drogue et la violence.

Malgré la naissance d’une petite fille, cette relation amplifiera le coté autodestructeur de Cobain.

Sorti en 1993, l’album « In utero » tente de casser le son jugé trop commercial et propres des morceaux de « Nevermind ».

Mais le groupe a atteint un tel succès que l’engouement du public ne se dément pas et meme le rugueux «Bleach » devient à son tour disque d’or.

Cobain tente alors de s’orienter vers une musique plus calme après le prodigieux « MTV Unplugged in New York» concert réalisé en version totalement acoustique pour la chaîne MTV.

Mais malgré un projet de collaboration avec le groupe REM,  il est rattrapé par ses vieux démons et est de plus en plus dépendant à l’heroine.

En 1994 son état de santé nécessite l’interruption d’une tournée européenne et Cobain retranché seul chez lui finit par se suicider d’une balle dans la tête.

Cette fin tragique marque la fin de Nirvana et un coup d’arret brutal pour le mouvement grunge.

Mis à part Dave Grohl brillamment reconverti en chanteur compositeur du groupe Foo fighters, la plupart de l’entourage de Cobain connaîtra une lente déchéance, la partie la plus glauque de l’histoire étant la lutte entre Courtney Love et les anciens membres du groupe pour tirer profit de l’héritage musical de Nirvana.

En conclusion, « Nirvana une fin de siècle américaine » est un ouvrage très exhaustif écrit par un passionné de musique doublé d’un maniaque du détail.

Outre le caractère informatif sur l’histoire du groupe, c’est toute une scène formée d’obscurs groupes de punk underground puis des grosses cylindrées du grunge qui est ici décrite.

Alors certes tout n’est pas passionnant dans les digressions sur des groupes de sous catégorie n’ayant jamais percé mais on saluera le travail d’historien du rock effectué.

Après la lecture du livre de Cuesta on comprend que Nirvana n’était rien sans Cobain qui était un personnage atrocement tourmenté, inapte au bonheur et dont la profonde détresse trouvait une sublimation fantastique dans l’expression musicale.

C’est à n’en pas douter cette sincérité désintéressée, cette sensibilité exacerbée et cette fragilité qui demeurent le plus touchant dans ce personnage qu’on aurait voulu comprendre et aider avant qu’il ne soit trop tard.

Derrière la figure emblématique d’un Christ des années 90, on perçoit également l’héritage musical important laissé par le groupe ayant su réconcilier l’espace d’un bref instants les amateurs de metal, de punk et de pop dans une grande fusion de rock.


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