Première consultation (Doc gynéco)

 

Assez absent de ses colonnes, le rap est ici mis à l'honneur avec « Premières consultations », le premier et album culte de Doc gynéco écrit à seulement 21 ans.

« Premièrs consultation » c'est d'abord un grand voyage dans le passé. Lors de sa sortie en 1996, les grandes radios « pour jeunes » comme Fun radio ou Sky rock (qui était alors beaucoup plus ouverte et généraliste que maintenant), soumis à la loi des quota sur la musique française, se mettent à matraquer sans relâche ses morceaux et décoller les ventes.

D'emblée, « Viens voir le docteur » plante le décor, le flow du Doc est suave, chaud, sexuel. Les paroles élégantes et orientées sont posées sur un accompagnement subtil joué par de vrais musiciens comme tout l'album enregistré par Los Angeles qui suinte le « gangsta rap » par tous les pores.

« Dans ma rue » s'attaque ensuite à un thème typiquement rap, la description d'un univers urbain, la partie défavorisée du 18ieme arrondissement assimilée à une « banlieue ». Le multi-culturalisme, la misère, la drogue, la prostitution, la violence du texte sont atténués par la douceur de la voix et par un beat si typiquement californien.

Succès colossal et controversé, « Nirvana » est peut-être le chef d’œuvre du disque et l'un des rares morceaux du rap traitant ouvertement du suicide, conséquence logique d'un mal de vivre exprimé avec un talent incroyable et une multitude de références de l'époque.

Fort heureusement plus guilleret, « Passement de jambes » déroule une métaphore amusante du rap et du football, l'autre grande passion du Doc.

Impossible d'ignorer « Né ici », autre chef d’œuvre du disque et véritable pont entre le quotidien gris et sale à Paris et les racines antillaises de l'artiste, présentées avec une certaine nostalgie et une vision touristique pour le moins idéalisée de la Guadeloupe.

Le Doc branche son décodeur sur « Vanessa » ode classée X à Vanessa Paradis qui n'était pas encore la star internationale que son mariage avec Johnny Depp a crée,

Passé le parfum du scandale, on se moque cyniquement des codes de la culture hip-hop avec « Classez-moi dans la variet » puis des filles superficielles dans « Les filles du moove » et remet les pendules alors sur « Si tu crois que je pèse » puis trouve une coloration latino imprévue avec « No se vende la calle » en duo avec El maestro au flow beaucoup plus bourrin.

Drôle et décalé « Celui qui vient chez toi (quand tu n'es pas là ») est enchainé du lourdingue « Est-ce que ça le fait ? » en duo avec son collègue Passi avant de relever le niveau sur « Tel père, tel fils » reprise déchirante de « Papa was a rolling stone » dédié à un père absent et finalement regretté.

Le sexe et la controverse ne sont jamais loin comme « Ma salope à moi » étrange ode amoureuses aux filles faciles des cités beaucoup plus marquant que « Première consultation » conclusion décevante.

En conclusion, « Première consultation » est un monument du rap et un album impressionnant, surtout dans sa première partie truffées de tubes qui peut considérer un best-of à elle toute seule.

L'aspect sombre du rap est bien présent mais cette violence, ce désespoir sont enveloppés dans un habillage sonore léger et fluide.

Le groove de Doc Gynéco mélange de précision et de douceur fait mouche et le démarque de la concurrence plus prévisible et limitée.

Cette force alliée à quelques thèmes plus pop et universels (le suicide) ainsi qu'un penchant affirmé pour le sexe, ont permis à « Première consultation » de conquérir les charts des années 90.

Si vous ne devez écouter qu'un seul album de Doc Gynéco, choisissez celui-ci, car « Viens voir le docteur », « Né ici » ou « Nirvana » sont des classiques intemporels.

Car bien entendu, la suite pour le Doc, ne sera qu'une longue descente en enfer. Mais rien que pour ce disque, respect éternel.