Zones à défendre, de Sivens à Notre-Dame-des-Landes (Phililippe Subra)

 



Paru en 2016, « Zones à défendre, de Sivens à Notre-Dame-des-Landes » est un ouvrage coécrit par Philippe Subra, spécialiste de géographie/géopolitique.

Ce court ouvrage propose donc une analyse du phénomène des ZAD, (Zone d’Aménagement Différé) terme employé à l'origine dans l'aménagement du territoire détourné aujourd'hui en Zones A Défendre avec son extension de « zadiste » pour désigner le militant politique l'occupant.

Bien entendu, le cas de la ZAD la plus connue de France, celle de destinée à accueillir le nouvel aéroport de l'agglomération nantaise sur le site de Notre-Dame-des-Landes occupe 80% de l'ouvrage en tant que référence incontournable voir cas d'école absolu, mais d'autres exemples tel la ZAD de Sivens pour s'opposer à la création d'un barrage dans le Tarn, ou à Roybon dans l'Isère contre un projet de Center park sont régulièrement cités.

Au départ, le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne se distingue en rien des autres programmes d'envergure nationale habituellement réalisés en France. Initié dans les années 60, reporté pour raisons économiques, le projet est réactivé en 2000 malgré l'opposition des locaux : agriculteurs refusant de se voir déposséder de leurs terres, élus locaux et associations écologistes.

Après avoir épuisé tous les recours légaux et « commissions de concertations et de dialogues », une autre forme de résistance voit le jour : l'occupation par des militants altermondialistes du site pour bloquer le chantier remporté par Vinci en 2009.

Soutenus par les agriculteurs et une partie de la population locale, ces « zadistes » citadins importent des méthodes de « guérillas » en fortifiant la zone au moyens de barricades, chicanes et tours de guet.

Avec le temps, ils se structurent et développent un mode de vie en « auto-gestion », s'improvisant bâtisseurs, cultivateurs ou éleveurs.

Mème si ce modèle contient évidemment des limites : absence d'eau potable, de raccordement à l'électricité ou de collecte des déchets, les zadistes survivent grâce aux groupes de soutien situés à Nantes, véritable base arrière logistique du mouvement mais également dans le reste de la France.

Leur arme principale reste cependant la communication : création de sites Internet pour propager leurs idées, fréquence radio « zadiste » et surtout résistance face aux interventions des gendarmes pour se faire passer pour des victimes des forces de l'ordre qui se font harceler par des jets de projectiles.

Leur détermination, voir acharnement finit par payer puisque l'évacuation couteuse en hommes et en moyens de 2012 ne les chasse pas durablement.

Piégé par l'opinion publique de plus en plus critique, l'Etat ne sait que faire et le livre s’arrête en 2016 sur une possibilité de régler ce différent par un référendum, tout en émettant des doutes sur l'impact de ce processus démocratiques sur les éléments les plus durs du mouvement.

Les autres exemples, tout aussi illustratifs, offrent d'autres aspects de l'analyse, opposition victorieuse à Sivens contre un projet pourtant voulu par les agriculteurs locaux, mais que la mort tragique d'un étudiant à fini par tuer politiquement, ou à Royban pour relever une région enclavée et sinistrée économiquement.

L'ouvrage relativise l'importance des ZAD et établit à 1000 « zadistes » potentiels le nombre de personnes à l’échelle nationale, ce qui limite la portée de ce type d'opération. Les raisons apparaissent clairement : vie à la dure, sans chauffage, ni eau, ni électricité, autonomie totale impossible sans soutiens extérieurs (notamment financiers) et possibilité d’être blessé lors d'affrontements avec les gendarmes.

Pour autant, la déception croissante des jeunes face au traitement politicien des questions économiques et environnementales, serait susceptible de provoquer d'autres actions radicales de ce type.

En conclusion, « Zones à défendre, de Sivens à Notre-Dame-des-Landes » est un ouvrage clair et bien écrit qui brosse une analyse intéressante des phénomènes de contestations de plus en plus récurrents de toute entreprise publique de grande ampleur.

Des opposants « historiques » à la construction de sites militaires ou nucléaires, la tendance à gagné à peu près n'importe quel projet : voie ferrée, autoroute, barrage, aéroport, centre commercial, avec à chaque fois ou presque les mème motifs évoqués : protection de l’environnement et lutte contre l'Etat réputé être à la botte des multi-nationales gouvernées par le profit à court terme.

Cette tendance à la radicalisation des mouvements altermondialistes a pour racines la déception d'une partie des jeunes face à l'immobilisme des pouvoirs publics sur les questions environnementales et au développement toujours croissants de inégalités, censées reposées sur un capitalisme sauvage soutenu par nos élites.

Constatant l'impuissance des mouvements politiques et associatifs, ces jeunes basculent dans l'équivalent d'une lutte sinon armée, au moins violente, obtenant souvent gain de cause en raison de l'impact médiatique qu'ils réussissent à produire.

On ne peut que s'inquiéter de ces mouvements radicaux et utopiques, susceptibles de bloquer le développement économiques de notre pays, qui aurait cependant besoin d'investissements dans ses infrastructures vitales pour ne pas décrocher du peloton des « grandes nations » industrielles.

Seule critique majeure sur cet ouvrage donc, le fait qu'il ne prenne pas en compte en 2018, l'abandon du projet de l'aéroport et la rétrocession d'une partie du site aux zadistes, grands gagnant du combat.

Une mise à jour serait donc bienvenue !

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