White (Bret Easton Ellis)
Sorti en 2019, « White » est le premier essai de Bret Easton Ellis jusqu'alors plus connu pour ses romans chocs dépeignant les excès de la société moderne contemporaine.
Ici, l'écrivain propose une analyse du climat général dans lequel le numérique a pris le dessus sur le monde physique et ou les réseaux sociaux « font » et « défont » les gens.
Ellis définit l'esprit « Empire » l'époque et le monde de pensée "traditionnel" associé durant une période commençant après la Seconde guerre mondiale et finissant au 11 septembre 2001, lorsque les États-Unis d'Amérique ont brutalement pris conscience de leur vulnérabilité et de l'éclatement des menaces pesant sur eux.
Par opposition l'esprit « Post-Empire » associe des valeurs de « politiquement correct » poussées à l’extrême avec une réglementation implicite diffuse interdisant à quiconque d'avoir une opinion différente de la majorité se voulant bien-pensante.
Sous des dehors d'ouverture, l'esprit « Post-Empire » recèle pour Ellis des valeurs fascistes. L'exemple de la communauté homosexuelle qu'il connait bien pour en faire partie, est longuement développé et Ellis estime avoir vécu les foudres de la censure pour avoir exprimé des opinions divergentes en apparence anodine comme « ne pas aimer tel ou tel film » sur les réseaux sociaux.
Ellis cible les « millenials » qui sont pour lui des êtres hyper-connectés, hyper-sensibles, qui ne supportent aucune critique même mineures et surenchérissent dans la victimisation.
Toutes les « minorités » sont concernées et gare à qui exprime une opinion décalée, drôle ou un peu provocante sur les homo, les femmes ou les Noirs.
Ellis reconnaît avoir été surpris par les incendies que certains « tweets » écrits éméchés à une heure tardive avaient provoqué et cite volontiers avoir été classé de misogyne après avoir émis des réserves sur le talent de la réalisatrice oscarisée Kathryn Bigelow.
Mais le summum fut atteint après l'élection de Donald Trump en 2017. Là ce fut une véritable hystérie de la part du monde médiatico-artistique « de gauche » qui ne supportait la défaite d'Hillary Clinton et diabolisait le président républicain ainsi que tous ses soutiens.
Prenant une nouvelle fois le contre-pied de la pensée dominante de son milieu socio-culturel, Ellis a perdu de nombreux amis pour avoir soutenu Trump et cite l'exemple de son ami le célébrissime rapper Kayne West, qualifié de fou drogué pour avoir osé, en tant que Noir clamer publiquement son admiration.
En conclusion, « White » est un essai plaisant dans lequel Ellis explore avec succès un autre genre que le roman.
Même si la plupart des acteurs ou personnalités hollywoodiennes qu'il cite me sont parfaitement inconnues, ses réflexions sur l'hystérisation d'un monde gouverné par la volatilité, le communautarisme et la victimisation à outrance sont à mon sens pertinente.
Pour avoir expérimenté le retour de bâton de ses positions personnelles décalées sur la politique, les femmes, les homos ou les Noirs, Ellis estime que notre société prend le chemin d'une forme de dictature de la pensée unique qui sous des dehors de tolérance et d'égalitarisme, bride et uniformise les esprits.
Ce qui le pousse parfois à envisager de transposer un jour son héros Patrick Bateman, symbole dans « American psycho » du dérèglement de l'Amérique « yuppie » des années 80 dans le monde d'aujourd'hui encore plus rapide, dur et inégalitaire.
Glaçant !
Citation : "On peut ne pas vous aimer, cette personne ne vous aimera pas en retour, vos jours seront faits d'échecs et de déceptions, vous n'avez pas de talent, les gens souffrent, les gens vieillissent, les gens meurent. Et la réponse de la Génération dégonflée a consisté à s'effondrer dans la sentimentalité et à créer des récits victimaires, plutot que de lutter contre ces froides réalités, de les traiter pour avancer et d’être ainsi mieux préparés pour naviguer dans ce monde souvent hostile ou indifférent qui se fiche de savoir si vous existez."
RépondreSupprimer