La longue marche (Sun Shuyun)


 


Alors que tous les spécialistes de l’économie et de la politique ne cessent de seriner que l’avenir du monde sera chinois, j’ai souhaité me plonger dans une petite partie de la vaste histoire de ce pays avec « La longue marche » de Sun Shuyun.

Shuyun,  journaliste chinoise travaillant pour la BBC à Londres, a en effet décidé en 2006 à savoir la vérité sur un épisode magnifié du règne de Mao Zedong, à savoir la longue retraite de l’armée rouge qui en 1934 partit du Jiangxi ou elle avait tenté d’établir d’une base pour fuir la terrible répression des forces nationalistes de Tchang-Kai-Check.

Tenace, la journaliste a tenu a effectuer elle-même l’harassant parcours à travers la Chine pour voir les lieux des combats et surtout recueillir les témoignages des survivants comme Wang, femme en charge du recrutement et de la propagande,  Huang simple soldat, Chen infirmier ou Zhong opérateur radio.

A la tête d’une armée de 120 000 hommes, Mao Zedong dominé militairement par son rival aux troupes mieux équipées et mieux entrainées, tente de faire la jonction aves les autres forces communistes du Nord commandées par de Zhang Guotao.

Cette terrible épreuve va contraindre l’armée rouge à parcourir des zones hostiles très montagneuses ou arides, à survivre aux offensives des forces nationalistes, à celles des seigneurs locaux qui leurs sont opposés mais également aux embuscades des populations locales excédées par cette présence les privant de leurs ressources.

Décimés par les maladies, le froid, la faim et les multiples combats, seuls 20 000 hommes survirèrent à cette terrible épreuve.

Mais au cours de cette épreuve, Mao va affirmer son ascendant politique au sein du Parti Communiste Chinois, éliminant ses rivaux en déclenchant de gigantesques purges au sein de son propre camps.

Stratège retors, chef militaire brutal et impitoyable, Mao va également se montrer un génial communicant en créant de véritables réseaux de propagande destinés à enrôler et fanatiser des populations rurales souvent misérables afin de reconstituer ses troupes.

Ses coups de maitre vont surtout être politiques en jouant sur la peur qu’inspirait le Japon principal agresseur de la Chine et en devenant le principal correspondant du Kominterm Soviétique, pilotant à distance l’insurrection communiste chinoise et surtout l’approvisionnement massivement en armes tandis que le camps occidental (américains, anglais) approvisionnait les nationalistes.

Le lecteur suit donc le périple de la journaliste à travers les régions de Guizhou, du Sichuan, du Tibet ou du Shaanxi, qui découvre avec stupeur la vérité sur le mythe qui a été enseigné aux Chinois pendant des décennies.

Elle apprend que les massacres et les désertions ont été nombreuses, que le déroulement des batailles a été enjolivé pour ne retenir que de magnifiques victoires vantant l’héroïsme et le sens du sacrifice des soldats rouges.

Quelques étrangers se trouvent mêlés par hasard à cette incroyable aventure comme le missionnaire suisse chrétien Bosshardt pris en otage par l’armée rouge et avec laquelle il sympathisa au fil de sa captivité ou Snow, journaliste américain fasciné par la Chine qui publia un best seller mondial assurant une notoriété mondiale inespérée à Mao Zedong.

Au final, le leader communiste prendra après la jonction des armées du Nord et du Sud, l’ascendant  sur son rival Zhang Guotao en l’exposant volontairement aux troupes nationalistes et aura également le dernier mot sur Tchang Kei Check, en profitant de sa capture inespérée par un jeune et ambitieux seigneur de la guerre qu’il manipulera par la suite.

Au final, « La longue marche » est un livre très intéressant racontant une aventure qu’on peut qualifier de surhumaine puisqu’elle décimera près de 85% de ses participants.

Shuyun exalte le courage de ses héros habités par un idéal plus fort que tous les obstacles tout en montrant la face sombre de l’épopée avec les basses manœuvres politico-militaires de Mao Zedong, tueur froid et manipulateur hors pair aux contraires de ses rivaux aux vues politiques plus limitées.

Son analyse sur le rôle des femmes au sein de l’armée rouge est particulièrement intéressante et montre que celles-ci s’engageaient pour leur condition d’esclaves,  devenaient de véritables soldats fanatisés prêtes à combattre et se sacrifier pour la cause communiste.

Issu d’un brillant et minutieux travail de journaliste, « La longue marche » fascine par son coté épique, dur, sanglant, extrême, mais également par l’exotisme du récit de son périple à travers l’immense territoire de la Chine.

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