Oussama, la fabrication d'un terroriste (Jonathan Randal)

 



Sorti en 2004, « Oussama, la fabrication d’un terroriste » est une biographie sur Oussama Ben Laden du grand reporter américain Jonathan Randal.

Découpé en neuf grands chapitres à la structuration étrange, « Oussama la fabrication d’un terroriste » commence par une analyse des conséquences du 11 Septembre 2001 avec la prise de conscience brutale de la vulnérabilité des États-Unis sur le sol et l’audace insensée de celui qui deviendra l’ennemi public numéro 1 : le richissime Saoudien appelé Oussama Ben Laden.

Randall rappelle rapidement les carences des services de renseignements américains incapables de mener une politique de terrain efficace dans des régions aussi reculées que l’Afghanistan et le rôle trouble du Pakistan, dont les services secrets ISI soutenaient les Talibans qui assuraient protection et base logistique au cerveau des attentats les plus meurtrièrement spectaculaires de l’Histoire.

Puis on revient aux origines de Ben Laden, fils d’un maçon yéménite illettré mais surdoué des affaires, qui se constitua une véritable fortune en réalisant de somptueux chantiers de BTP pour le royaume d’Arabie Saoudite.

Mais Oussama, n’étant que le 24 ieme fils d’un homme notoirement polygame, a bien du mal à exister au sein de la grande famille Ben Laden.

Randall bat en brèche les idées reçues sur une jeunesse dissolue de fêtard en Occident mais verse plutôt dans la thèse d’un homme très vite plus pieux et moraliste que la moyenne dont le seul « vice » connu semblait être le football.

Lorsque le destin l’amène à reprendre les rênes de l’entreprise familiale a après de médiocres études de gestion, Oussama se découvre le gout du suivi des chantiers mais bifurque pourtant brutalement de trajectoire en étant influencé par les prêches radicaux d’Abdullah Azzam un Frère musulman palestinien exilé à Djeddah.

Oussama adhère alors aux idées extrémistes des Frères musulmans qui trouvent les Séouds, famille royale saoudienne corrompue malgré la promulgation officielle d’un islam pourtant radical le wahhabisme.

Il trouve dans le conflit afghan du début des années 80 un formidable terrain pour sa soif d’aventure et se rend sur place pour soutenir les moudjahidin face à l’Armée rouge en leur fournissant un contingent de combattants arabes tout d’abord avec l’aide de son mentor Azzam puis sans lui avec la création d’Al-Qaida.

Aidés par l’argent saoudien, américain qui vont jusqu’à leur fournir de très performants missiles Stinger anti-hélicoptères, les moudjahidin finissent par forcer les Russes épuisés à la fin de l’empire soviétique à se retirer battus.

Alors que les ex-seigneurs de la guerre afghans s’entre déchirent dans une situation devenant incontrôlable, Ben Laden revient en Arabie Saoudite auréolé du prestige du combattant de terrain et surtout à la tête d’une organisation terroriste opérationnelle formée de volontaire arabes recrutés dans le monde entier.

Al-Qaïda va alors recruter des yéménites et proposer sans succès ses services lors de la première Guerre du Golfe pour ne pas recourir aux armées des Infidèles appelés à la rescousse par l’Arabie Saoudite apeurée par l’agressivité de Saddam Hussein.

Ben Laden vit la victoire américaine et le stationnement de leurs troupes (bases aériennes et navires de guerre) comme une véritable humiliation qui va exacerber ses relations déjà tendues avec les dirigeants saoudiens.

Incontrôlable, déchu de sa nationalité, expulsé de son pays, il trouve refuge au Soudan, où le régime islamiste d’ Hassan al Tourabi, lui fournit protection et camps d’entrainement en échange de ses généreux dons.

Depuis ses bases au Soudan, il mène en 1998 des attentats en Afrique dont le plus connu est l’attaque des ambassades américaine au Kenya et en Tanzanie.

Ulcéré, Bill Clinton lance en représailles sur ses camps d’entrainement des missiles de croisière Tomawak tirés depuis des navires de guerre mais le manque au Soudan et en Afghanistan, ce qui ne fait que renforcer la popularité de ce « Robin des bois » musulman osant défiant les USA.

Selon Randall, les services de renseignements américains n’ont exploité que trop tardivement les informations dont disposait al Tourabi qui surveillait son encombrant hôte et aurait tout à fait pu le livrer avant le 11 Septembre 2001 pour améliorer l’image du Soudan vis-à-vis de la communauté internationale et des États-Unis en particulier.

Après un pénible chapitre sur la guerre civile algérienne qui ensanglanta le pays dans les années 90 et le rôle trouble des services secrets algériens vis-à-vis des terroristes islamistes, Randall conclut que les Algériens islamistes n’avaient pas de lien direct avec le riche Saoudien.

Le chapitre ultérieur plus intéressant montre la difficulté de la traque des flux financiers du terrorisme en raison de l’opacité des associations caritatives islamiques émanant de l’Arabie Saoudite, du système de la hawala, très largement employé qui permet de faire circuler de l’argent de la main à la main par des circuits de proches et enfin de l’ingéniosité de Ben Laden, qui diversifia ses placements en investissant dans les pierres et les métaux précieux.

On peut donc conclure comme dans le dernier chapitre que malgré les efforts consentis, rien ne permet d’affirmer l’efficacité des résultats obtenus, que ce soit sur le plan financier que sur le plan de la traque opérationnelle, entachée d’hésitations tragiques de la part de l’armée américaine à Tora Bora en 2001 refusant d’aller sur le terrain ou de donner le feu vert aux commandos britanniques pour confier la mission à des miliciens afghans corrompus qui laissèrent leur proie complaisamment s’échapper.

Alors que le Pakistan, pays poudrière gouverné par un général Mousharaf forcé de coopérer avec les Etats-Unis mais également de composer avec les talibans souvent recruté et formé religieusement au Pakistan, ne se montre pas un allié fiable dans la recherche de Ben Laden, le brusque changement d’objectif de Georges Bush influencé par les théoriciens de la Maison Blanche comme Donald Rumsfeld, a redirigé tout l’effort de guerre contre le terrorisme contre l’Irak de Saddam Hussein.

Alors que l’Irak s’embrase et que la chute de Saddam déstabilise encore plus le Moyen-Orient avec les conséquences que l’on sait, Al-Qaida continue de conserver son pouvoir de nuisance comme le montre les attentats de Madrid en 2004…

En conclusion « Oussama, la fabrication d'un terroriste » est un livre à la construction quelque peu confuse et déstabilisante qui n’évite pas les redites et les pures spéculations notamment sur la jeunesse de Ben Laden, ses motivations profondes ou l’efficacité des mesures financières prises contre son organisation.

Randall qui semble avoir une haute idée de lui-même, se montre volontiers critique et donneur de leçons vis-à-vis des États-Unis dont les services de renseignements semblent en dessous de tout et les présidents (Clinton, Bush) incapable de mettre hors d’état de nuire un homme qui visiblement le fascine.

Ce constat est bien sûr à relativiser après la mort de Ben Laden en 2011 mettant ainsi fin à une traque de dix ans…

Ce livre plutôt frustrant n’apporte donc pas de réel scoop sur la personnalité du plus grand terroriste de l’Histoire ni sur le montage de l’attentat du 11 septembre 2001 avec le recrutement du commando et les préparatifs minutieux ayant abouti à la catastrophe.

Après la lecture d’ « Oussama, la fabrication d'un terroriste » vous serez sans doute aussi peu informé, frustré  et rassuré que votre serviteur !

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