Atlas de l’Amérique latine, croissance, la fin d’un cycle (Olivier Dabène, Fréderic Louault)

 



Réédité en 2016 pour la quatrième fois, « Atlas de l’Amérique latine, croissance, la fin d’un cycle » est un ouvrage collectif d'Olivier Dabène et Frédéric Louault, deux universitaires spécialistes du sujet.
Bien loin des approches classiques austères des ouvrages universitaires habituels, « Atlas de l’Amérique latine, croissance, la fin d’un cycle » est court, synthétique et très illustré.
Impossible de parler d’un continent sans évoquer son histoire, celle de l’Amérique latine étant profondément liée à celle de la colonisation européenne, de l'Espagne et du Portugal des XV et XVIieme siècles qui pour récolter les fruits de leurs explorations audacieuses se partagèrent  continent par le traité de Tordesillas en 1494.
Rapidement s’établira une hiérarchie sociale et raciale en bas de laquelle on trouvera les Indiens et les esclaves noirs.
Si les métis et les créoles sont mieux lotis socialement, certains pouvant accéder à des positions enviées de propriétaires terriens, la colonie restent soumise à la tutelle de la métropole qui nomme les principaux cadres administratifs.
Il faudra attendre le début du XIXieme siècle et l’affaiblissement des royaumes espagnols et portugais pour voir les Amériques gagner leur indépendance à grand renfort de révoltes et de guerres avec des personnages historiques comme Simon Bolivar et José de San Martin.
Mais ces révolutions ne furent pas sans violence et instabilités politiques, ce qui permettra aux caudillos (ou coroneis brésiliens), des chefs de clans locaux d’accéder au pouvoir en faisant parler leur pouvoir militaire et économique.
On pense aux innombrables régimes autoritaires dont Augusto Pinochet, Fidel Castro, Hugo Chavez, Eva Perron ou Alvaro Uribe sont les plus célèbres représentants.
L’Amérique latine comprend qu’elle peut jouer de ses immenses atouts naturels pour développer le commerce : café, sucre, fruits mais aussi minerais précieux (or, argent, cuivre, étain) et pour les plus chanceux comme le Venezuela pétrole et gaz.
Cependant, l’Amérique latine troque souvent une dépendance pour une autre, les puissances étrangères exportant en retour des produits manufacturés contre ces précieuses matières premières nécessaires  à l’essor de leurs économies industrialisées.
L’inégalité criante caractérise en effet l’ensemble des pays d’Amérique latine, cette inégalité prenant racine dans la répartition des terres, confiées aux grands propriétaires terriens gérant des haciendas sources de leur pouvoir sur une population rurale pauvre et mise sous tutelle.
Ainsi des poches de développement se créent dans certaines zones géographiques mais ne bénéficient pas à l’ensemble de la population dans des pays globalement riches comme le Brésil ou le Mexique.
Ceci favorise le développement du « travail informel » qui regroupent toutes les activités illégales, petits métiers non déclarés ou criminels, permettant aux couches de la population les plus démunies de survivre.
Des politiques sociales tentent de résorber la pauvreté endémique dans certaines régions ou pays (Honduras, Salvador, Guatemala) alors que d’autres comme le Chili, Panama ou l’Uruguay semblent avoir mieux réussi dans leurs modèles de développement économique, certains autres comme le Costa rica misant sur le tourisme et le développement durable.
Ceci n’empêche pas l'existence de problèmes liés au trafic de drogue qui a pris naissance dans les années 70 en Colombie, premier producteur mondial à l’époque, dont la suprématie a été ensuite affaiblie par les politiques répressives financées par les Etats-Unis, au profit des cartels mexicains et des mafias d’Amérique centrale, si puissantes qu’elles peuvent tenir en échec des politiques gouvernementales.
D’un point de vue culturel, l’Amérique latine, terre de catholicisme « social » tendance marxiste rongée aujourd’hui par les cultes pentecôtistes qui maitrisent mieux les réseaux de communication a longtemps été un berceau de créativité afin de protester contre la violence et la corruption…
Sortis des régimes militaires durs, l’Amérique latine a ensuite opéré une transition parfois difficile vers la démocratie et la gauche comme le montre l’ascension de Lula au Brésil, avant de déchanter face aux scandales de corruption généralisés, certains toujours en cours à l’heure actuelle au Brésil et au Pérou.
D’un point de vue géopolitique, l’Amérique latine qui entretient une relation complexe avec les Etats-Unis dont l’influence reste prédominante, tente de nouer d’autres partenariat notamment avec la Chine, aujourd’hui premier client du Brésil, mais le faible développement de ses infrastructures reste un frein majeur pour son développement.
Les relations avec la « vieille » Europe, toujours proche culturellement ne se traduisent pas par des échanges commerciaux de la même ampleur.
En conclusion, « Atlas de l’Amérique latine, croissance, la fin d’un cycle » est un ouvrage concis et passionnant, permettant de comprendre en un temps record les principaux enjeux historiques, politiques et économiques d’un continent dont l’exploitation du plein potentiel reste entravé par son histoire douloureuse et les nombreuses inégalités qui l’habitent, comme autant de sources de pauvreté et de violence.
Jusqu’alors je n’ai que trop rarement rencontre un travail aussi didactique, raison de plus pour saluer la performance des auteurs !

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