Une soif d'amour (Yukio Mishima)

 



Trois pages, il m’aura fallu trois pages pour comprendre que je lisais un ouvrage de Yukio Mishima et qu’il allait sans doute encore une fois me mettre K.O, tant sa manière de raconter comment une femme fut surprise par un orage dans la grande ville d’ Osaka était emplie de sa classe unique, inégalable.

Ses trois pages magiques avaient réussi à me propulser à Osaka en 1950 par une après midi orageuse ….

L’ouvrage en question est « Une soif d’amour » brillant roman contant un drame amoureux dans un milieu rural du Japon d’après guerre.

Le personnage principal de cette histoire est Etsuko, une jeune veuve recueillie par son beau père Yakichi Sugimoto après la mort de son mari Ryosuké mort de maladie.

Yakichi est un ancien notable de Tokyo, qui pour sa retraite a acheté une maison dans la campagne à Maiden, ou il s’est converti sur le tard à une vie simple et rude de cultivateur.

Yakichi règne en patriarche sur son domaine ou vivent Etsuko, son fils Kensuké et sa femme Chieko, deux intellectuels ridiculisés par Mishima, leurs enfants, sa belle fille Asako dont le mari est allé combattre les Russes en Sibérie, ainsi que deux domestiques la jeune Miyo et un jeune homme du nom de Saburo.

Mishima instaure dés le début un climat trouble …

On comprend assez vite que Etsuko est une jeune femme tourmentée, qui souffrait atrocement des infidélités de son mari et des humiliations qu’il lui infligeait.

Le terrifiant récit de sa mort par typhoïde et de l’attitude perverse d’Estuko jouissant de cette souffrance en dit long sur ses troubles intérieurs.

A Maiden, les choses ne vont pas s’arranger dans cette micro société campagnarde traditionnelle vivant en vase clos.

Loin de trouver l’apaisement en allant vivre à la campagne, Etsuko tombe amoureuse du Saburo, un jeune homme robuste, naïf et simple.

Mais cet amour outre le fait d’être incorrect entre personnes de classe différentes n’est pas sain pour Etsuko qui a travers lui ne désire que souffrir et se torturer davantage.

De son coté, Yakichi devient vite obsédé par Etsuko et celle ci cède à contre cœur aux avances de ce vieil homme qui la dégoûte.

Etsuko va donc nouer un jeu diabolique dans la maison en manipulant les hommes et les femmes comme des marionnettes destinées à assouvir ses pulsions de souffrance sacrificielle.

L’annonce de la grossesse de la domestique Miyo vient brusquement accélérer les choses.

Etsuko fait accuser Saburo, renvoyer Miyo dont elle est jalouse et finit dans un accès de folie passionnelle par tuer le jeune domestique.

« Une soif d’amour » est un roman parfaitement construit, d’une force psychologique terrifiante, atteignant parfois la limite du soutenable.

Dans ce livre, Mishima parvient à pénétrer le psychisme d’une femme troublée, meurtrie, désirant souffrir et faire souffrir.

On retrouve avec délice le style magnifique du génial écrivain, sa sophistication, la légèreté de sa plume, l’élégance et la beauté de ses métaphores qui provoquent à chaque fois mon émerveillement.

Peu d’écrivains m’ont autant impressionné que Mishima et le fait que je ne fantasme pas sur la culture asiatique est je pense un bon indicateur de mon objectivité.

Outre son style prodigieux, j’aime chez lui sa noirceur, son érotisme morbide ainsi que la complexité de ses personnages  évoluant dans une société japonaise d’après guerre en pleine mutation, écartelée entre traditions féodales séculaires et influence occidentale grandissante.

Pour toutes ces raisons, Mishima est un auteur passionnant dont je ne me lasserai sans doute jamais.

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