Dojoji et autres nouvelles (Yukio Mishima)

 



« Dojoji et autres nouvelles » regroupe de manière synthétique la célèbre pièce de théâtre et trois nouvelles toutes écrites par Yukio Mishima entre les années 50 et 60.

« Dojoji » est la première pièce de théâtre de Mishima que je découvre.

Son talent s’exprime à ravir dans cette folle histoire de Kiyoko, danseuse meurtrie dans sa jeunesse par un homme qui a délaissé sa beauté au profit d’une femme plus mure, ce qui aboutit à sa mort dans une armoire que la malheureuse désargentée cherche à désespérément récupérer au cours d’une vente aux enchères.

L’aspect trépidant d’une pièce de théâtre ressort par l’intervention de nombreux personnages hommes et femmes surenchérissant autour de cette mystérieuse armoire dont l’intérieur est presque aussi vaste qu’un court de tennis.

Voyant l’armoire lui échapper, Kiyoko perturbe la vente et s’enferme à l’intérieur dans l’intention de mutiler son beau visage source de ses tourments.

Mais contre toute attente la belle prend brutalement conscience de l’inutilité de son acte et prend le parti de se réconcilier avec sa nature, aussi déplaisante que celle ci lui paraisse.

Les autres nouvelles bien qu’abordant des thèmes très divers sont de très haute qualité.

« Les septs ponts » racontant le pérégrinations de quatre femmes dont deux geishas, une fille de famille et une servante en apparence simplette devant traverser sept ponts en gardant le silence pour exaucer leurs rêves les plus fous, brille de toute l’inventivité, le génie narratif, le très grand raffinement psychologique et la  très grande perversion de Mishima.

« Patriotisme » est sans nulle doute la plus intense et la plus bouleversante des nouvelles que j’ai lues de ma vie.

Mishima y raconte le suicide rituel d’un jeune couple dont le mari, Takeyama, lieutenant pris dans un insoluble dilemme entre son devoir envers l’armée et sa fidélité à ses amis, a décidé de s’éventrer en accomplissant l’acte de seppuku dont le caractère héroïque est comparable pour l’auteur à un acte de bravoure au combat.

Eperdue d’amour envers son bel officier, la jeune Reiko décide de le suivre jusque dans la mort.

La scène ou le couple fait l’amour pour la dernière fois avec une tendresse et un respect infinis avant de partir est d’un érotisme insurpassable, contrastant avec l’horreur du drame  à venir.

J’ai fini cette nouvelle groggy, chancelant, le cœur battant partagé entre extase et horreur pure.

J’ai en revanche moins apprécié « La perle » montrant toutes les inextricables complications des sociétés des femmes japonaises prises entre leur épuisant respect de convenances rigides et leurs désirs personnels parfois terriblement retors et vicieux.

En conclusion bien que trop court et sans doute trop hétérogène, « Dojoji et autres nouvelles » ne déçoit pourtant pas, révélant toute la maîtrise et la puissance dramatique de ces courtes nouvelles ou se côtoient des sentiments d’une pureté absolue  quasi surnaturelle avec d’autres plus délicieusement lâches, pervers ou tourmentés mais sans doute en fin de compte plus conformes à la véritable nature humaine.

Et toujours ce style incomparable illuminant de toute sa classe, de sa force et de son intelligence les écrits de Mishima.

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